lundi 29 juin 2009

Monsieur Jackson

J'entends bien que Monsieur Jackson est mort. Klaxonne à mes oreilles un ramdam planétaire. Je me fiche éperdument du décès de ce chansonnier survolté. Je m'en tamponne le coquillard. L'année 2009 marque le centenaire de la naissance d'un écrivain de haut rang: André Pieyre de Mandiargues. Nous ne sommes pas des millions à relire "Le Lis de Mer" avec le même bonheur qu'au premier jour. Or la télévision publique est l'amie des "audiences attentives" comme disait si bien l'historien GeorgesDuby. Sans quoi, elle n'est rien, "elle est par terre", propos jadis prononcé par l'actuel ministre de la culture.
Pourrait-elle se souvenir qu'un écrivain de grand style, Mandiargues, est né cinquante avant Monsieur Jackson ? Ou même célébrer la bien vivante Jeannie Longo qui, à l'âge du danseur américain, caracole toujours en tête des cortèges cyclistes ?

jeudi 18 juin 2009

Un monstre ?

Maître Henri Leclerc dénie à Véronique Courjault, mère accusée d'un triple infanticide, la qualification de "monstre". Je suis stupéfait par l'usage de pareil vocable. Il laisse accroire que des individus dits "monstrueux" s'excluent de facto de la communauté humaine. Je considère que ce discours brutal et simplificateur est de nature à intimider les esprits. Il caricature l'extrême variété des conduites humaines criminelles.
Qu'est-ce qu'"un monstre" ? Je l'ignore. Le recours à ce mot terrible évite de s'interroger sur les ressorts meurtriers des délinquants les plus farouches. "Un monstre" n'est jamais qu'un homme parmi les autres qui, l'espace peut-être d'une seconde, a perdu les repères de l'espèce au point d'être définitivement ostracisé par un ténor du barreau. Au-delà du mot rempli d'effroi, lancé à la cantonade, qui évacue toute réflexion, j'aimerais qu'il m'explique par la raison ce qu'il veut dire au juste.

Un écrit, pas un cri

L'Appel du 18 Juin n'a rien d'un cri primal comme l'observe l'actuel Premier Ministre dans son allocution commémorative. Le général de Gaulle a lancé un appel réfléchi à tous les patriotes, un appel commandé par la raison. La France ne peut se résoudre à l'abandon et au renoncement. 
De Gaulle lit un texte à la radio britannique dont chaque mot est mesuré. Il exhorte au combat, au sursaut, à la reconquête. L'Appel est un écrit, pas le moins du monde un cri. Si les cris passent, seuls les écrits restent. La parole du chef de la France Libre ignore tout du registre de la sensiblerie.

mercredi 17 juin 2009

Citadin du monde

On se dit volontiers "citoyen du monde". Comme si le monde était réduit à la seule géométrie des cités. Nous sommes des vagabonds du monde, des compagnons de l'horizon, des paysans du paysage. Le citoyen n'habite qu'un demi-monde, un arrière-monde, une mégalopole de plans verticaux. Il ne voit ni les ciels, ni les mers, ni les terres. Il vit dans une ville. A la sauvette, en cachette, à l'écart de la lune. Le prétendu citoyen du monde n'est qu'un vulgaire citadin, un brave gars du quartier.

A compter les étoiles

Il allait chez Demeyère comme je vais à la Fnac. Nous branchions notre tête à un distributeur d'alphabet. Nous gravitions autour des petites boîtes pleines de phrases. Nous visitions les dieux à l'étalage des albums. On est seul au milieu des récits, seul avec ses yeux pour dévisager les vertiges, imaginer les péripéties. La nuit, je dors. Dans la journée, je rêve. Il est couché dans la terre, à compter les étoiles.

mardi 16 juin 2009

L'art d'un chauffard

Un mètre sur un mètre, des couleurs de nuit américaine et de lumières dans les villes. Warhol est l'homme banal des mégalopoles. Rubempré de Pittsburgh, il ne peint ni ne dessine. Il fait de la photo, de l'auto, de l'ego. Il pratique l'art d'un chauffard. Il multiplie les clichés acidulés. Il retouche les visages, lifte les passants du loft, édulcore la peau des forçats de la visibilité. Ce gars-là ne garde de Picasso que le tropisme Séguéla. On sort du Grand Palais le regard retrouvé devant les grands ciels de l'été.

Conglomérat

Le succès d'Europe Ecologie donne des ailes à Daniel Cohn-Bendit. A tel point qu'il exhorte ses alliés potentiels à copier sa démarche, à s'inspirer de sa méthode iconoclaste. Européen convaincu, le leader vert revendique les bienfaits de l'auberge espagnole. Son mouvement partisan recueille les sans-abri de la politique, les égarés de la société civile. Il est fondé sur l'idée de conglomérat, concept industriel exporté en matière électorale. Europe Ecologie juxtapose les sensibilités les plus hétéroclites comme General Electric fabrique des centrales nucléaires et produit des séries télévisées. 
Reste que la logique du ratissage large, si elle flatte l'arithmétique dans le sens du poil, se heurte à la nécessité d'ordonner ce beau bouquet d'opinions versatiles en un projet de société qui soit crédible. Décidément, Daniel Cohn-Bendit est incorrigible: il nous refait le coup de "l'imagination au pouvoir".

mercredi 10 juin 2009

Liquider Mai 68 ?

A vouloir liquider Mai 68, à vouloir tordre le cou aux idées d'alors, Nicolas Sarkozy a réussi à remettre en selle son fringant leader, rieur sexagénaire reconverti dans le Vert. Du même coup, il marginalise le malheureux chef du Modem, pourtant peu enclin à apprécier l'air du temps libertaire. 
Mai 68 a anticipé les réformes sociétales du septennat de Valéry Giscard d'Estaing. Aujourd'hui, le succès des Verts conforte Sarkozy dans sa volonté de surfer sur la vague écologiste. Vrai vainqueur du dernier scrutin, il s'apprête à piller sans vergogne le programme à la mode des amis du vieux Dany. Avec son légendaire aplomb, le chef de l'Etat endosse l'habit neuf de guérisseur de la planète. Il est même capable de faire du bling-bling avec un thème aussi "bobo" que le développement durable. 

lundi 8 juin 2009

Les Bartleby de la démocratie

Les électeurs ont privilégié l'abstention, l'action des uns, les convictions des autres. Le débat européen s'embrouillant dans l'illisible, beaucoup ont rechigné à s'y intéresser. La technicité des dossiers, les ententes en coulisse de rivaux d'opérette - s'agissant notamment du mandat de Barroso - et les attaques ad hominem les ont dissuadés de participer au scrutin. D'où l'écrasante victoire des "Bartleby" - du nom du héros d'Herman Melville à la phrase fétiche : "Je préfère ne pas..." - de la démocratie. Reste les 40% de vaillants votants. Ceux-là ont plébiscité les valeureux retrousseurs de manches qui ont vendu l'Europe comme une école de la volonté. L'activisme de la récente présidence française a servi d'illustration à l'argumentaire politique. Sarkozy avait alors mouillé le maillot à la Ribéry. Enfin, le peuple s'est prononcé pour une certaine sincérité écologique, la bonne humeur communicative des messagers de l'apocalypse, la joyeuse campagne d'un éternel étudiant aux convictions européennes solidement enracinées.
Ont été laminés ledit "minable" (dixit Cohn-Bendit), Bayrou trop isolé dans l'isoloir, et le parti socialiste ensommeillé dans sa paresse intellectuelle. Le parti des profs ne travaille plus depuis longtemps. Les électeurs n'apprécient pas la confusion des genres et les erreurs d'échéance. Ils ont sanctionné la politique politicienne, les mots creux et les postures de circonstances. D'où la joie des pêcheurs à la ligne, cent fois plus nombreux que les chasseurs officiels, premier parti de France dans l'instantané du scrutin du 7 juin. D'où la divine surprise des Verts qui en sont bleus, dopés par l'inusable bagout du malin rouquin. D'où l'étonnement d'un parti du président qui redoutait le discrédit.
Dans les vingt-sept pays, les Bartleby de la démocratie ont raflé la mise. Pareil mutisme de masse est indéchiffrable. On fera sans doute parler les muets de l'Union. Sans pour autant percer l'énigme de ces sphynx de scrutin. A compter les voix exprimées, on avancera aussi le succès desdits conservateurs sur les prétendus progressistes. Sur le mode du spectacle plus que de la réalité, la menace incantatoire d'une nature blessée par la culture et l'injonction tous azimuts de l'action volontaire ont triomphé des lancinants discours protestataires.

jeudi 4 juin 2009

Le chef s'abstient

J'examine les bulletins et les tracts enfournés dans l'enveloppe. Les candidats de mon quartier s'y expriment très succinctement, dans une langue assez fruste. Je ne connais aucun des noms imprimés. A vrai dire, l'Europe - l'incontournable Europe ! - ne suscite pas de très impressionnantes vocations. Le Parlement de Strasbourg est une sorte de Sibérie politique où l'on expédie des cohortes d'obscurs en guise de bagnards. Dans leur grande sagesse, les chefs de parti s'abstiennent bien d'y siéger. Carrière nationale oblige. Les électeurs ont bien compris le message. C'est un signal fort pour qu'ils aillent à la pêche.