mercredi 30 septembre 2009

Déchetterie humaine

On réforme les yeux fermés, chantier après chantier, sans autre projet pour la communauté qu'une apparente sécurité, que la fausseté du préjugé. La vie économique totalise la réalité humaine. L'intériorité de la conscience ne s'accorde pas au forcing de la performance. Des hommes se jettent des ponts, se pendent en prison, déambulent sans maison. La concurrence établit sa hiérarchie, classe selon l'argent et l'entregent. On placarde sur les écrans la propagande des vainqueurs. On élimine par la démoralisation. La société de la gabegie fonctionne comme une déchetterie. Il n'est d'autre grand dessein que de restaurer la dignité des plus égratignés.

lundi 28 septembre 2009

J'ai 20 !

De retour de Pennsylvanie, les maîtres du monde sont satisfaits de leur copie. Ils s'attribuent la note maximale. Ils sont fiers du travail accompli: ils se revendiquent du "j'ai 20!". Ces grands fauves politiques partagent une haute idée d'eux-mêmes. On aimerait qu'ils accordent autant de considération à l'état désolant de la planète qu'à la communication de leur immense talent.

jeudi 24 septembre 2009

Les fous de Pittsburgh

Les maîtres des nations se réunissent en Pennsylvanie pour réformer le capitalisme. Voire le moraliser. Le système de production des richesses est invité à filer doux devant les réprimandes des dames patronnesses du "J'ai 20!". A l'échelle micro-économique, l'avidité des hommes est pareillement visée. En effet, les blâmes adressés à la machine touchent aussi les machinistes. Dans un monde en plein délitement social, où l'individualisme est exalté comme jamais, on s'étonne qu'une telle idéologie de boy scout soit érigée en doctrine, à la veillée, entre grands fauves politiques de la planète.
Dans sa célèbre "Fable des Abeilles", Mandeville nous prévient très à l'avance : "Cessez donc vos plaintes: seuls les fous veulent rendre honnête une grande ruche". L'avidité des hommes - aujourd'hui symbolisée par la gesticulation besogneuse des braves traders - ne sera pas biffée d'un trait par décret de chefs d'Etat. Cette volonté de tordre le cou à la nature humaine, de corriger ses défauts apparents, nous remémore les pires cruautés de l'Histoire. Avec leurs maisons de redressement en tous genres, les régimes communistes se sont employés en leur temps à fabriquer "un homme nouveau", purifiée de toute aspiration petite-bourgeoise. Avec le succès que l'on sait.

mardi 22 septembre 2009

Nos morts

Ces hommes s'éreintent sous l'astreinte. Ces hommes se tuent au travail. Ils sont dépassés par l'anxiété. Leur corps répugne à décliner sa fausse identité de machine. Leur esprit refuse de tourner comme une girouette. Car ce qui toujours effraie dans la vitesse, c'est la certitude. Les ordres fusent tombeau ouvert, égratignent au passage la piétaille au travail.
La mort volontaire s'est substituée à l'antique peine capitale. Les détenus se détruisent à mains nues. On ne peut taire un piètre vocabulaire. On recouvre les corps d'un mot à sens absent. "Stress" ne peut rien dire de la détresse. Il parle trop vite de "l'horreur économique". On se moque d'eux avec de mauvais mots. Cette méchante langue évacue le mystère des hommes sur la terre. Car nos morts sont tombés au champ de la peur. Et ce silence d'une mort choisie retentit autrement dans la société. Elle interroge l'étourderie de nos vies, l'inattention d'une civilisation, la cécité d'une certaine satiété. Ces actes définitifs mordillent les chevilles de la conscience collective. La veulerie distractive, "l'extase matérielle", les jalousies ordinaires scandent le temps triste des hommes habitués à la vie. Les cadavres des geôles ne jonchent pas le sol des rues. Au bas des façades, on y voit seulement la pauvreté mendiante accroupie dans la crasse, au voisinage du strass. Ces statues de chair n'empêchent pas l'élan des fonceurs d'asphalte. Une mort lente se dessine sur leurs visages striés d'humanité. Leurs mains se tendent comme de frêles élastiques. Au suicide des pénitenciers répond le long dépérissement des naufragés du trottoir.

lundi 21 septembre 2009

Le coeur net

On ne sait si Ben Laden s'est réincarné en grippe A. On ignore si les hallebardes tombées sur Sainte Maxime sont l'expression du châtiment de Dieu. Pas facile non plus d'y voir clair dans l'épisode du "croc de boucher" qui oppose deux anciens collègues de gouvernement, deux amis du mercredi en conseil des ministres. "Bonus horribilis or not": on hésite, la main tremble à l'idée de tirer un trait sur les flamboyants émoluments des traders. En revanche, on est fixé sur une chose: le parti socialiste n'est plus l'horizon indépassable de Ségolène Royal.

vendredi 18 septembre 2009

Drogue dure

Je suis livreur saisonnier. J'exerce ce travail par intermittences. Aux premiers jours de septembre, je sillonne la région parisienne, circule dans les rues embouteillées de la capitale, faufile mon véhicule dans d'éphémères espaces de mobilité. L'automobiliste est enrôlé malgré lui dans une lancinante guérilla de l'asphalte.
En pareilles circonstances, la radio me guérit de la démence voiturière. Au fil des heures, je m'initie à la douceur d'une parole libre, cheminant au pas réfléchi de la connaissance. Bref, j'écoute France Culture. Cette radio me fait un bien fou. Elle m'apaise. Je m'y instruis au volant. Au coeur de la journée, à l'heure des plus brutales congestions, je recommande "Les pieds sur terre", merveilleuse petite chronique des gens simples. Cela dit, je le confesse volontiers: pour moi, France Culture est une drogue dure.

Variables partisanes

La démocratie nécessite des retouches. A Lille, on bourre les urnes. Les socialistes du cru corrigent le scrutin de variables partisanes. On rabote le vote. On sculpte une statue de premier secrétaire dans un contexte d'irrégularités sectaires. On ne prend pas même le soin de procéder à une nouvelle consultation jusqu'à l'obtention du bon résultat comme en Irlande sur l'Europe. Non, on bafoue la démocratie et les lois républicaines en tronquant l'élection.
Autrement dit, le mensonge gouverne en maître au parti socialiste. On musèle la liberté avec aisance et arrogance. L'image de notre pays est ternie par la révélation de pareilles poches de sous-développement démocratique. Sans doute ailleurs, à droite, à gauche ou au centre, la situation morale n'est-elle pas meilleure. Reste qu'en 2009, la démocratie est une idée neuve au pays des droits de l'homme. Le mot galvaudé de démocratie occulte la réalité de pratiques éhontément fautives.

L'isolée et l'isoloir

Les agités de l'électoral squattent les médias, exhibent des sourires carnassiers, montrent d'impeccables dents blanches. L'émail politique révèle les arrière-pensées égotistes. L'imaginaire des prédateurs d'opinion semble se réduire à la vie rêvée des plateaux de télévision. De l'autre côté du miroir, on se lasse des jolis minois. On aimerait des trognes sans marketing, des bouilles balafrées, des visages ombrageux. La libre Marie-Ségolène se plaît à la lumière. Elle apprécie qu'on s'intéresse à ses désirs. On la dit isolée. C'est un effet d'optique car elle ne pense qu'à l'isoloir. A cette petite cabine d'essayage où les bulletins sont glissés dans l'enveloppe du destin. Elle songe à la masse des suffrages qui s'entasseront, le jour venu, dans les urnes des mairies. Entre-temps, elle pratique la stratégie des apparitions. Elle se doit d'être belle et rebelle, agréable et cabocharde. Elle joue sur le registre de la féminité creuse. Marie-Ségolène ne peut se passer d'exercer son pouvoir de séduction. On ne guérit pas de l'addiction politique. Si jamais les occasions de paraître se faisaient plus rares, elle s'étiolerait comme une fleur sans soleil. A l'instar des autres grands fauves du cirque démocratique, Marie-Ségolène a besoin d'être aimée, applaudie, et par dessus le marché: élue.

RaBachelot

La précaution est le service après-vente de la peur. La menace du péril grippal impose un retour aux fondamentaux sanitaires. Il faut lire et relire la charte constitutionnelle, redoubler d'attention, s'imprégner du bon principe de précaution. Il convient de se laver les mains longuement et patiemment, penser aussi à éplucher cinq fois ses fruits et légumes avant de parler de pandémie. Roselyne Bachelot ne se rabiboche pas seulement avec Philippe de Villiers, dans les parages de l'Atlantique. Car au-delà des arrière-pensées régionales, la ministre sait panser les plaies avec des mots, parler avec suavité comme on suce un bonbon. Elle endosse sa blouse blanche de pharmacienne et prescrit l'état d'alerte. Elle rabâche sa leçon de précaution. Au fond de la classe, tel ou tel mandarin rêvasse, se fiche comme d'une guigne des impérieuses recommandations, raille les vains vaccins. Le corps médical est divisé sur la nature du mal. La ministre de la grippe martèle son message à coups de clairon, recommence sa démonstration avec application. "RaBachelot" fait les gros yeux. La praticienne de santé ne s'affiche plus en rose baiser.