vendredi 30 décembre 2011

Casse-pib

La crise nous mène au casse-pib. On ne produit plus grand chose d'intérieur dans un monde de brutes. La croissance n'était qu'un mauvais rêve d'écologiste. Les voeux sont démonétisés d'avance. La nouvelle année est déjà surannée.
La récession casse l'ambiance de réveillon. On est à deux doigts de perdre notre triple joie. Le flouze s'est absenté de deux mille douze. Faux dieu qui se cache comme le vrai. Du coup, on cantonne les souhaits à l'ascèse et à l'intime richesse.

mercredi 28 décembre 2011

Le grand album

Face à face d'assiettes. Derrière le carreau, la rue dessine les silhouettes. On ouvre le grand album. On est accosté, hors du tumulte, accoudé, aussi peu attentifs que deux convives.
La parole tournoie dans l'entre-deux, surplombe carafe et vin jaune. Nous mordons aux mots comme dans un pain de communion. On ferme le grand album. On commande à l'indocile. Le temps s'arrête par fraternité, stationne à l'angle, à deux pas de l'éternité.

mardi 27 décembre 2011

Le pouvoir et la mort

Ne plus gouverner tue. Les murs du pouvoir sont placardés d'un même avis de gros temps. La fin d'un règne n'annonce rien de bon. De Gaulle et Mitterrand meurent dans l'année qui suit leurs adieux élyséens. Chirac se détraque. Il s'éteint à petits feux.
Ces trois présidents ont rêvé de dominance dès leur plus jeune âge. Ils ont fait le vide autour d'eux au terme d'un impitoyable processus de sélection darwinienne. L'exercice du pouvoir a conforté leur santé. L'autorité est une pharmacopée. Mitterrand y puisa de quoi soigner son mal.
Il est pourtant un contre-exemple. Dès ses premières culottes courtes, Giscard songeait à couronner sa naissante calvitie. Giscard est un cas. Il n'est pas mort d'avoir été congédié par le peuple. La drogue du pouvoir a maintenu ses effets longtemps après. L'actuel vieillard est persuadé qu'il n'a jamais dételé. Il persiste à considérer ses successeurs comme des imposteurs. Il possède comme personne le fiel présidentiel. Sa méchanceté l'a préservé.
Seul Pompidou n'a jamais rêvé d'être président de la République. Sa biographie bute au chapitre de "l'enfance d'un chef"."Le normalien qui sait écrire" s'est retrouvé un beau jour le dauphin d'un général irremplaçable. Dans les cours de récré, il oublie de se forger la volonté d'un petit père des peuples. Il entre à l'Elysée. Il n'en sort pas vivant. Lui manquait sans doute l'obsession revancharde, cette pathologie des premières années. Jamais il ne partagea pas la maudite jalousie des apprentis tyranneaux.

jeudi 22 décembre 2011

A cause du rouge

La peinture vire au carnage, trop dure pour l'antique carcasse. Staël, que rien n'apaise, se jette dans la fournaise. A cause du rouge, il se donne au feu d'une mauvaise fée.
"J'ai besoin de cette fille pour m'abîmer". La lumière, il n'en voit pas la couleur. La main en perd son latin. C'est une sorte d'idiot que tente "le galet d'Agrigente".
A cause du rouge, il s'incarcère dans la prison du père, dans un concert d'instrumentale Russie, désert d'ici où rien ne bouge. A cause du rouge, de Jeanne qui passe, d'Antibes à Grasse, entre deux caprices.
Dieu ne sait pas compter. Encore moins diviser. Il est nul en calcul. Dieu n'additionne ni ne retranche. Au besoin, il multiplie les pains et les matins. Il procède par nuées, guette l'heure oblique, donne et pardonne en bloc.
A cet instant, Staël est cerné par la gloire d'Amérique. Il est cerclé d'un amour chimérique. Il peint en merveilleux bûcheron du vermillon. A cause du rouge, il peint Jeanne, la femme accidentelle, comme un paysage de steppe.
"Je réglerai les choses doucement et d'une façon très clairement définitive".

mercredi 21 décembre 2011

La mort de Dieu

"Il est né le divin enfant !". On est loin d'une ambiance de naissance. Les cantiques de Noël sonnent faux. L'argent roi pourrit l'obligatoire rendez-vous du calendrier.
La fin de l'euro évoque la mort de Dieu, ressemble à la chute du monothéisme. Retour à la drachme, à la lire, à la peseta, au mark, au franc et au florin. Refleurissent les dieux païens. Surabondent les divinités locales. Le paganisme reprend du poil de la bête. Le polythéisme garnit d'idoles ses nouvelles étagères.
Ces dieux de l'Olympe vont se quereller, les monnaies multiples dévaluer à leur gré. La liberté revient, et son esprit guerrier. C'est juste un songe que l'avenir hésite à démentir.

mardi 20 décembre 2011

Privilèges de Noël

Il y a Noël. Mais pas seulement. Viendra Mardi Gras, puis Pâques. Avant les grandes vacances de juillet/août. Ils sont journalistes, éditorialistes, animateurs, bateleurs de métier. Ils parlent au peuple, le distraient de ses tracas. Que les fêtes soient républicaines ou chrétiennes, ces figures familières désertent l'écran de notre imaginaire. La télé déstocke alors ses florilèges. Les rediffusions font partie des us et coutumes. Elles meublent la vacance de l'antenne.
Les journalistes, éditorialistes, animateurs et bateleurs de métier sont rémunérés comme des pédégés et jouissent de mirobolants congés d'enseignants. Leurs privilèges s'étalent sans vergogne sous nos yeux habitués. L'iniquité est démasquée derrière les visages préservés de la télé.

lundi 19 décembre 2011

Triples buses

La France souffre d'un lancinant désenchantement. L'acédie du pays vient du sentiment d'inexorable déclassement. On est bras ballants, faute d'un destin emballant.
C'est une maladie orpheline qui stoppe la vitalité des usines, qui déjoue la science rudimentaire de mandarins héréditaires. On ne définit pas un projet d'avenir sur la seule sueur des travailleurs. On ne dessine pas les contours du futur sur la seule peur du lendemain. On ne construit rien sur la seule crainte de l'étranger.
L'économisme n'insuffle aucun vent de jeunesse au peuple en détresse. La scie du "triple A" abrutit les énergies. C'est le charabia d'un Etat sans aura. La morale du "triple A" ne vaut pas tripette. Elle nous enlise dans un marasme sans cap. C'est une invention de triples buses obsédées de bonus/malus, friandes de petites ruses, sans la moindre idée d'une commune destinée.

dimanche 18 décembre 2011

Roi d'autrefois

Ce temps lent que je m'approprie en ami des vains espaces, j'eus souhaité le rompre au bras tremblé d'un père à secret préservé.
Comme un pain tiède dont nous goûterions la saveur de blé, l'âcre poussière des moissons. Ce temps lent, à mille nuées d'éternité, je me l'octroie sans réserve comme un roi d'autrefois.
Manquent les largesses d'une sagesse à couleur capucine, la muette interrogation du bâton de vieillesse. Manque une syllabe chuchotée au creux d'une oreille.

samedi 17 décembre 2011

L'Europe de Raskolnikov

Nous méditons notre forfait. Nous sommes des nations déterminées à nous affranchir de l'odieuse usurière. Nous sommes des Rodion Raskolnikov résolus à en finir avec ce tutorat de fer. L'heure est venue de quitter notre galeuse mansarde pour aller poignarder l'ignoble agence de notation et subtiliser le mirifique pognon des marchés.
Nous méditons notre forfait. L'idée s'impose de nous débarrasser du mont-de-piété des marchés. Nous sommes dans un sale état. Endettés jusqu'au cou. On prend l'oseille et on tire des chèques sur le soleil. On nationalise à l'échelle du monde. On s'approprie les milliards.
Sans autre crime que l'effacement du paysage du dernier prêteur à gages. Sans autre châtiment que la perte à jamais du satanique "triple A".

vendredi 16 décembre 2011

Carlos et Jacquot

Années 1980. Il est maire de Paris. Il est terroriste international. Des dizaines d'emplois fictifs à l'hôtel de ville, autant de poids morts sur la conscience. Trois attentats sur le sol français: 11 morts, 190 blessés.
Verdicts du 16 décembre 2011: dix-huit ans ferme pour Ilich Ramirez Sanchez, dit "Carlos"; deux ans pas ferme pour Jacques Chirac, dit "Jacquot".
Le Vénézuelien s'en tire beaucoup moins bien que le Corrézien. Il y a deux poids, deux mesures. Une justice entravée a fait preuve d'un favoritisme éhonté.

jeudi 15 décembre 2011

Chirac condamné

L'homme à l'anosognosie est le sosie d'un autre, l'évocation lointaine d'une grande figure élyséenne. Dans l'année qui vient, il fêtera ses quatre fois vingt ans, l'âge où mourut de Gaulle, un long soir de novembre.
Chirac est condamné. Par la vieillesse qui altère sa mémoire, fait vagabonder ses idées, amenuise sa mobilité. Chirac est condamné. A la popularité, loin devant les vedettes éphémères des palmarès politiques.
Chirac est condamné. Aux travaux déjà faits. Chirac est condamné à figurer dans les livres d'histoire. Comme un homme debout qui refusa net les aventurismes de Giscard, Mitterrand, Le Pen et Bush junior.

Zorro des oraux

La réforme du dispositif de sélection de Sciences Po jette le discrédit sur la composition écrite. Elle préconise le tri des candidats sur la base d'une prestation orale.
Autrement dit, l'école privilégie l'émotion au détriment de la raison. La parole expressive se substitue à la réflexion discursive. Les temples du savoir recherchent des bateleurs à bagout ravageur. On veut des grandes gueules à gouaille sympathique, des Bernard Tapie aux concours académiques. L'écrit, dans son humilité de plume, est jugé trop rigoriste. On incrimine l'écrit de discriminer. On hisse l'oral sur un piédestal qui n'est guère équitable.Voici venu le temps des Zorro des oraux. Voire des zéros des oraux.

mardi 13 décembre 2011

Dieu velléitaire

Staël ne finit pas l'ouvrage. L'artiste est un dieu velléitaire. Staël est un diable que l'ouvrage anéantit. Comme Marthe, il a peint dans tous les recoins, flanqué la couleur sur les murs. Il récidive. Il crée à la craie, fait crisser le cri des coloris. Comme Marthe, il s'oublie dans le désespéré d'un art, le bénédicité des gestes qui ne sauvent pas.
Jeanne. Il s'assied dans l'angle de fenêtre. Attend, contemple le vide comme Marie. Il est lié à l'atelier. Rongé par les songes. Entre Marthe et Marie, il rate le grand écart. Son corps est fendu à la hache, tomahawk d'Apache. La terre d'ici-bas ne recolle pas les morceaux. Staël se tue au septième jour. Il jette son double mètre par la fenêtre.

Le chat

Elle s'inquiète du chat. Les rafales font claquer les volets. Il ne maraude plus aux abords des vitres. C'est un chat roux qui étire son corps bicolore, miaule de manière muette, fixe la lumière de maisonnée. Chat de gouttière, solitaire sur ses terres.
Le vent ploie le valentonia. Maman n'a pas dormi. Les rafales érodent les choses dans le catimini de la nuit. Les rafales corrodent l'esprit, embrouillent le jour, se mêlent au tacheté de la pluie. Entre ses draps, elle s'inquiète du chat. Elle me le dit. "Je me casse la tête avec le chat".

Septième jour

Vacuité du septième jour. Se détacher du faire. Dieu s'absente dans un septième jour d'éternité. Le monde est un dernier mot. Pas de fignolage. Pas de rajout à la perfection de premier jet. Certitude de la béatitude.
A rapprocher du texte de Luc où Marthe s'active et Marie contemple. "Marie a choisi la meilleure part: elle ne lui sera pas enlevée". On ne peut dérober le rien glorifié d'une prière psalmodiée.
Marie est pleinement divine dans son retrait, dans sa vacance fervente de septième jour. Le désoeuvrement est un accomplissement de souveraine sainteté.

lundi 12 décembre 2011

Jeanne et la peinture

Jeannine, Françoise, Jeanne. Marina, Olga. Anne, Laurence. Lubov, Kolia. Madeleine.
La vie de Nicolas de Staël est striée de femmes aimées, de soeurs, de filles, de mères amères. Elle croise la lumière, fixe l'éclat de lèvres peintes, ranime une chair dans sa couleur.
Staël cale devant l'étoile. Les nus sont des abrégés de ciel. Jeanne est couchée, cachée dans l'atelier. C'est un nu perdu, un corps éperdu, trop vêtu de bonheur. Staël s'est échappé du regard de Jeanne. Il fait nuit. Il est inondé de rouge. La toile géante est maculée d'une musique pleine de sang. Sonne l'heure, tonne la couleur. Il fait nuit. Staël se jette dedans. Il troue la toile, cède à l'étoile.

L'Appel de Villepin

Il fonce dans l'arène sabre au clair. Avec gourmandise. Ce mousquetaire de la République ravive la mémoire du général de Gaulle. L'Appel de Villepin est un cause perdue comme son flamboyant discours de l'Onu.
C'est un geste suicidaire comme l'exhortation de juin 40 du grand Charles. Villepin n'est rien qu'un renégat au verbe haut, sans écho dans le désert d'une nation "humiliée". Il cherche une grande querelle à sa mesure. L'homme aime ferrailler, tonitruer, hausser la qualité des idées.
Avec Chevénement, il est la deuxième bonne nouvelle d'une campagne jusqu'alors sans panache. On souhaite qu'il secoue les mornes candidats, qu'il élève le niveau rhétorique du débat.

vendredi 9 décembre 2011

Le centre national

Le centre de Bayrou n'est pas le nombril du monde. C'est un milieu douillet, un petit local préservé, où il fait bon se retrancher. C'est une terre opiniâtre où l'on produit français. C'est une contrée militante où l'on achète français.
Volets clos sur la mondialisation. Le centre de Bayrou n'est jamais qu'un recentrage national. On se recroqueville sur son lopin de terre. Déjà imaginé par Maginot.
Retour aux bonnes vieilles recettes du protectionnisme guerrier. Cela évoque les slogans patriotiques d'antan, les mots d'ordre communistes et la franchouillardise frontiste.
Fin d'un centre européen pour deux, fin de l'euro, fin des haricots. Le centre cède à ses vieux démons: tiédeur et médiocrité.

jeudi 8 décembre 2011

Un rire de délire

Quand la liberté s'affranchit de la limite, elle dépérit dans la tyrannie. Quand le rire ne sait pas s'empêcher, il cède au ricanement totalitaire.
Quand Cavanna revendique un rire total, une sorte de "jouir sans entraves" soixante-huitard, il se réclame d'une dictature de la dérision. Ce dévergondage absolue du rire fait froid dans le dos.
"Le rire est la cruauté à l'état pur". "Nous riions de tout et de tous". "Le rire s'en fout". Les sentences de Cavanna glorifient l'insensible indifférence du rire. Elles sacralisent la bête et monstrueuse méchanceté d'un rire de délire.
Se moquer des puissants est signe de santé morale, voire de finesse intellectuelle. En revanche, flétrir de sarcasmes et de quolibets les petits pauvres des rues est révélateur d'une morgue méprisable. Rire du Christ crucifié est un sport de confort, un doux émoi des docteurs de la loi. Humilier le plus humble est une privauté de rassasiés.

mercredi 7 décembre 2011

Le bidule

Nous sommes environnées de bidules qui se reproduisent comme des bestioles. Ils nous embringuent dans leur délire de quincaillerie. C'est la démocratie participative des machins à boutons et des ustensiles à fils.
Ces fléaux à lasso se répandent dans les maisons comme une rumeur, un tourbillon, une force d'occupation. Ils bougent quand on les touche. Le corps abdique, se soumet aux parasites à cliquetis. Il s'abandonne au bidule, cède à ses clics.
Les machines rient, s'expriment à l'envi selon leur fantaisie. Elles briguent plus d'un quart d'heure de célébrité. Elles confisquent le temps du corps mutant.

mardi 6 décembre 2011

Dans ma tête

Il n'y a que dans ma tête que l'espace est infini, que le monde s'accomplit sans rareté ni pénurie. Il n'y a que dans ma tête où j'ai la sensation de ne me cogner à rien, de jouir des libertés et des largesses du temps.
Ailleurs que dans ma tête, les biens sont contingentés. Je suis cerné par les limites. Je me blesse aux encoignures de la nature. Je me heurte à l'étroite matière. Je vivote dans un couloir, un corridor, un réduit où mes genoux ne cessent de saigner. Il n'y a que dans ma tête que se dématérialisent les jambes de plomb des fortunes mal acquises. L'homme est un oiseau qui vole en son for intérieur.

lundi 5 décembre 2011

La stratégie de l'extrême

Sarkozy a fait une croix sur le centre. De Gaulle moquait en son temps le marais. "Ce sont des enfants de choeur qui auraient bu les burettes". Il fustigeait une tradition de démocratie chrétienne, aussi poltronne que tiédasse. Sarkozy laisse le centre à Hollande et Bayrou. Il déserte le terrain d'un milieu bien-pensant, à forte respectabilité et multiples notabilités.
Inutile qu'il s'aventure sur des terres aussi morcelées. L'ectoplasme Morin ne sera qu'un pâle ramasse-miettes. Il compte pour du beurre.
Sarkozy ne dispose d'aucunes réserves pour le deuxième tour. On a beau tourner autour du pot, refaire les additions, il est loin de rassembler une majorité sur son nom. Reste le Front National.
Le parti de Marine Le Pen réunit des bataillons autrement plus consistants que les troupes dispersées du Modem. Idéologiquement parlant, un tabou a été levé: d'anciens barristes comme Alain Cotta ou d'anciens gaullistes comme Paul-Marie Coûteaux ont rejoint un mouvement longtemps ostracisé. Le Front National parle au peuple, s'adresse aux ouvriers dans une langue appropriée. Ses idées simples réhabilitent un lourd bon sens aux apparences de vérité.
Bref, Sarkozy et Marine Le Pen ont vocation à s'entendre. Sarkozy pour gagner en 2012, Marine Le Pen pour enfin gouverner. Sarkozy sent bien l'opportunité stratégique d'un revirement. La droite "pop" et Guéant préparent soigneusement le terrain. A l'international, on converge vers l'Allemagne. Au plan national, on se recroqueville sur la droite extrême.
Pareil changement d'alliances tombe à pic. Le Front National a rompu avec sa politique de vaine protestation. Marine Le Pen, à la différence de son père naguère, souhaite être ministre, exercer sa part de pouvoir. Sarkozy n'a pas d'autre choix pour conserver l'Elysée. Il lui faut pactiser avec la diablesse. Côté publicité, il rajeunit et féminise.
Le souverainisme radical de Marine Le Pen surfe sur les peurs. La crise de la zone euro arrive à point nommé. Ce nouvel étatisme protecteur s'accorde assez mal au libéralisme versatile de Sarkozy. Qu'à cela ne tienne: Mitterrand a bien gouverné avec un quarteron de communistes autrement plus regardants sur la doctrine du parti. La victoire euphorise. Elle sait rapiécer l'inconciliable.
Car Sarkozy, fervent admirateur du leader socialiste, souhaite calquer son deuxième quinquennat sur le premier septennat de l'avocat charentais. Il veut faire plier le Front National au gouvernement, l'exposer à l'épreuve de la réalité, l'user au contact des nécessités.
Mitterrand a éliminé le parti communiste du jeu politique. Il l'a broyé de la manière la plus démocratique. Sarkozy désire asphyxier Marine Le Pen avec un maroquin. Il veut que l'extrême droite trahisse ses convictions au pouvoir.
Au-delà d'une victoire sur une gauche un peu trop sage, la stratégie mitterrandienne de Sarkozy - même goût pour les coups tordus - est destinée à vider de l'intérieur le Front National de sa substance protestataire. Sarkozy joue son va-tout.



dimanche 4 décembre 2011

Miss Alsace

La chancelière et le président ne se quittent plus. On dirait le frère et la soeur. Angela est la nouvelle Marianne. Carla est éclipsée. L'Allemagne et la France prennent l'euro par les cornes. Ils taillent dans l'héritage de la famille. Les petits pays du bout de la table n'ont pas voix au chapitre.
La bonne entente exige de transiger. Sarkozy ne mégote pas sur la convergence rhénane.
Les symboles sont forts: Miss Alsace est sacrée Miss France. La bonne volonté est évidente. Il faut se souvenir qu'on vient de loin. La dernière Miss sortait du Finistère, du fin fond de la Bretagne. On se fourvoyait du côté de l'Atlantique. Demi-tour à triple vitesse et cap vers l'est.
Avec Miss Alsace, la France a déjà fait la moitié du chemin vers l'Allemagne. Avant que Miss Bavière ne soit élue Miss France. Le plus tôt serait le mieux. Sauvetage de l'euro oblige.

samedi 3 décembre 2011

C'est quoi l'histoire ?

Pour faire du cinéma, fabriquer des images, il ne faut pas grand chose, simplement un regard. Le cheval galope de traviole, fouetté par les rafales. Les sanglots de Turin mêlent aux siens la sueur de ses crins. Il a senti l'écurie. Les arbres faméliques sont des cadavres debout, des fils barbelés telluriques.
L'homme de la terre partage ses heures entre écuelle à patate et verre d'eau de vie. Le vent ravage la cervelle, désole le ciel. La masure est plantée dans une nature essentielle. Les bruits claquent comme des intimidations. La fille veille sur le vieux aux yeux troués. S'y dessinent les patientes plissures de bête arrêtée.
Les jours s'égrènent comme une genèse sans éden. La prière n'est plus dans les doigts mais sous le toit du monde. Le cheval se dérobe sous leurs destinées. Visage de bête emmuré dans sa minéralité, veto frontal d'extrême nécessité. L'animal est figé dans sa stalle. Derrière la lucarne, la fille imite la vieille carne, le regard vers la vitre.
Les rafales chassent la lumière, assèche la terre. La cérémonie s'achève sur la fin du boire. Natures mortes. Dernière bougie. Se taire comme Tarr.

jeudi 1 décembre 2011

Liberté égalité fraternité

On est embringué dans l'Europe. C'est un machin compliqué, aussi lointain qu'un dieu, nuage ou destin. On s'est fourré dans une cordée désaccordée. Le Nord tire à hue. Le Sud tire à dia. Les peuples tirent la langue. Si on tombe dans le ravin, ni l'Américain, ni le Chinois ne nous prêteront un coup de main. Personne n'est plus prêteur.
Connaissance par les gouffres, dirait Michaux. C'est une escalade de malades sur une montagne de dettes. On est dépendant, accro, addicted. Pas du tabac, mais des coups de tabac. Assuétude à la machinerie communautaire. On est libre de rien. Pas égal dans la débâcle. Fraternel, pas trop dans la querelle. La République a du plomb dans l'aile. Faut revoir la liberté, corriger l'égalité, réviser la fraternité.

mercredi 30 novembre 2011

A partir de janvier...

Maurice Lévy, le patron de Publicis, clame sur les toits, sur une demi-page du Monde, sa vertu morale, son humble désintéressement, sa discrétion vis-à-vis de l'argent. Pareille bonne conscience, semblable propagande éthique, est tout simplement confondante.
Le titre de l'entretien annonce la couleur. Il laisse songeur. "A partir de janvier 2012, je n'aurai plus de rémunération fixe". Dans le corps du texte, le président citoyen précise le sens du sacrifice: "Je veux "hypermériter" ma rétribution, quelle qu'elle soit".
Le vieux capitaine d'industrie ne s'abandonne pas aux délices du pédalo. Il risque sa légitimité. Ben voyons! Le généreux bénévolat de l'as de la publicité n'intéresse qu'un nombril hypertrophié, dévoré par l'exhibition de son meilleur profil. Je doute qu'il ne passionne le lecteur du Monde.
A partir de janvier, Lulu, senior rangé des voitures, aura perdu son métier. A partir de janvier, Lili, jeune diplômée, n'aura pas trouvé de travail. A partir de janvier, Lola, mère célibataire, ne pourra plus payer ses factures.
Moi-même, à partir de maintenant, j'aurai cessé de lire l'impudique discours de contentement de soi d'un prince frivole, à mille lieues du peuple, à des années-lumière de la crise. Si d'aventure M. Lévy mérite quelque chose, c'est le mépris.

Trop dur

La réalité ne se laisse pas faire. Elle ne s'imagine pas. Elle cultive la démesure comme aucune fiction ne saurait. Sa douce folie dépasse le champ des fantaisies. On ouvre le journal comme un missel selon Hegel. On ouvre le journal comme le livre des records. C'est arrivé près de chez nous.
Un garnement viole un jeune enfant: onze et quatre ans. No comment. Un homme se débarrasse d'un petit garçon de trois ans, l'essore dans un lave-linge. La société est bouche bée.
L'or s'arrache à coups de kalachnikov. L'arme de guerre est monnaie courante dans les ruelles de Marseille.
J'éteins le poste. Je me gratte la tête. Ma femme cherche son briquet. Les volutes de fumée ont déserté les bars-tabac. On enquiquine les clopeurs, qui ne font pas peur. Les étudiants boivent comme des trous. Tout le monde s'en fout. Vente libre dans une jeunesse libre.
On détourne la tête. On change de sujet. On se réfugie dans la parole. On s'abrite derrière l'image. On fait des films. On n'ose pas se mesurer à la réalité. Trop dur.

mardi 29 novembre 2011

Des cavaliers désarçonnés

Personne ne croit plus personne. Surtout les banques qui se regardent en chiens de faïence. Les cartes sont biseautées. On commerce entre menteurs. On interrompt l'échange. Avant la violence du vol.
Le crédit est un acte de foi, vite obsolète quand on toise autrui du coin de l'oeil. Les marchés sont un théâtre d'opérations, un champ de décisions où "l'homme est un loup pour l'homme". Hobbes est tapi dans l'ombre du capitalisme financier. Or la confiance ne se restaure pas comme un monument historique. La vertu des simples a depuis trop longtemps déserté la conscience des princes de notre temps. Leur cupidité n'a d'égale que l'envie du sort d'autrui et la haine des fortunes rivales. Girard a tout écrit sur la question du ressentiment.
L'Europe ment comme un arracheur de faux bilans. On maquille la vérité, un peu comme en France, beaucoup comme en Italie, à la folie comme en Grèce. Même l'Allemagne n'est pas plus fourmi que les pays de plein soleil. L'Europe s'est fardée pour séduire.
La tromperie circule dans l'économie comme un venin destructeur. C'est un serpent qui répand la peur et libère la violence. Si les pactes entre nations ne sont plus respectés, alors la loi ne contraint plus, ne fait plus obligation. La confiance n'est pas rétablie par l'autorité d'un décret. Elle a besoin d'un modèle convaincant. La foi du disciple se calque sur l'exemplarité christique.
Nos économies vivent au-dessus de leurs moyens, survivent en-deçà de leurs ambitions. La comédie se joue depuis des lustres. A guichets fermés. Cela sied à tous, peuples et princes. On y troque les suffrages contre l'Etat-providence. Jusqu'au jour où les marchés rabat-joie suspendent la représentation. Jusqu'au jour où "le prêteur en dernier ressort" renâcle, rechigne, refuse comme un cheval devant l'obstacle. Nous sommes alors des cavaliers désarçonnés.

Le Guépard

"Hectic" est le mot qui s'applique aux figures squelettiques des cités mécaniques. Dans les couloirs de transit, les corps se jettent au devant de leur mort. Ils se désaxent, se déboitent, se ruent à l'assaut du château des désirs.
S'arrêtent les branlants, les mendiants, quémandeurs de l'instant. Ces volontés impérieuses sont des coups de vent sculptés, sortis du couteau de Giacometti. Leur vitesse est une ivresse triste.
Du temps de Garibaldi, dans une Sicile aux âmes éclaboussées de majesté paysanne, j'ai reposé mes yeux au spectacle d'un prince. Les corps du "Guépard" sont lents et souples, leur allure indécise. Ils tournoient entre soi, jouissent d'une luisante décadence, exhibent leurs dernières griffes.
J'ai la nostalgie des fauves ensommeillés qui paressent au soleil. J'ai le goût des splendeurs, du secret des demeures.

Lynchage de l'Allemagne

L'actuelle débandade de la zone euro entaille la crédibilité de l'attelage communautaire. L'Allemagne est brocardée. On stigmatise son dogmatisme monétaire. La chancelière refuse toute politique inflationniste de la banque centrale, au motif d'une douloureuse mémoire, au nom d'historiques misères.
Pas un jour sans que le cercle des experts français ne lui fasse la leçon, ne lui administre un zéro pointé, n'explique que pareil réflexe est de nature à contrarier ses propres intérêts. Il m'est difficile d'imaginer qu'outre-Rhin on méconnaisse autant le sens du devoir national.
Sauf à considérer le peuple allemand comme fauteur de conflits pour l'éternité ou ses laborieux dirigeants comme des benêts congénitaux. Sauf à regarder la situation, du haut de notre arrogance proverbiale, en sermonneurs récurrents.
Je doute de la sottise germanique. Nous assistons à un lynchage de l'Allemagne des plus suspects.

lundi 28 novembre 2011

Nouvelles du front

Abandon de Borloo. Reddition de Villepin. Nullité de Morin. Les petits choses de la République ont ramassé leurs effets et débarrassé le plancher. Morin compte pour rien. Sarkozy a nettoyé l'espace à droite. Opération karcher réussi.
Sarkozy dispose d'un chef de parti un peu trop poli. Copé n'est pas son meilleur copain. Copé colle à son sourire fourbe de traître idéal. C'est le pire adversaire de Sarkozy.
A longueur de journées, à chacune des tournées, Hollande serre des mains. Il réenchante le rêve d'un mouvement de poignet. La foule se lasse un peu de ses yeux de hibou. Joly et Mélenchon jouent aux fléchettes sur ses premières affichettes de campagne. Bayrou amorce son troisième tour de piste en vieux briscard, doyen du scrutin. On connaît sa musique.

vendredi 25 novembre 2011

Jouer sur le central

C'est écrit dans le ciel. A la saison des présidentielles, Bayrou sort de son Béarn natal et remonte sur son cheval. A dos de percheron, il quitte l'hibernation pour les suffrages de la nation.
Bayrou vieillit comme tous les vieux de son pays. Il radote, ressasse, sermonne. L'âge est à la vantardise. Il raconte ses guerres, exhibe ses balafres. Méridional triste, méridional quand même.
Bayrou s'aime au centre. Veut jouer sur le central. Il s'aimerait davantage président. C'est un rêve d'enfant bégayeur et batailleur. Le hic, c'est que Bayrou a toujours raison d'avance. Le peuple, un peu retardé sur les bords, ne le vaut pas. L'autiste du centre est un autocrate dans le sang.

jeudi 24 novembre 2011

Un scribouillard du dimanche

Chevillard se paie la tête de Giscard. Il épingle l'indigence littéraire du poète entêté. L'absurde opuscule appartient à la catégorie des textes destinés à la casse imaginaire, selon Beckett: celle "des livres qui faudraient pas". On ne sait si les lire n'est pas pire que les écrire. Pour ce faire, on s'arme du rire "hénaurme", jubilatoire d'un homme de gueuloir, Flaubert.
Giscard n'a aucun complexe, peu de culture, une vanité illimitée. Il méconnaît le travail en toute ingénuité. Cet homme n'a pas honte de sa médiocrité. Il exerce un droit d'écrire dans une démocratie participative. Il a son fauteuil, quai de Conti. N'en déplaise à l'Académie, c'est une faute de français.
Giscard est un scribouillard du dimanche, dans toute sa misère. Il pratique son dérivatif sans nègre, ni plagiat. Avec courage. Il rédige de la camelote éditoriale sans aide d'aucune sorte. Giscard à la barre est fier d'accomplir son oeuvre en solitaire.
Et vlan pour Rama Yade, Alain Minc, Jacques Attali et quantités de sous-ministres contrefacteurs, saisis par la débauche des belles lettres !
Chevillard salue la "brièveté" du roman de président. C'est un encouragement de trop. Car Giscard poussera son avantage. Ce futur centenaire n'a pas fini de noircir les pages de ses petits bouquins, sorte de coupe-faim de la langue française.

mercredi 23 novembre 2011

Noir

Noire est la nuit. Dense d'un silence à mille cris. Noir absolu loin des rues. Noir comme un grand soir jeté sur les épaules de l'espoir. Nuit noire d'une main sans bougeoir.
Corps de noyé dans l'espace enterré. Hors du luxe, des zébrures du jour, du murmure des sourds.

mardi 22 novembre 2011

La politique du mentir

Yannick Noah n'y va pas de main morte. Ce guerrier de la terre battue baisse les bras, accepte le fait accompli, tolère la tricherie. Finie la résistance au mensonge. L'Obama du sport français choisit la collaboration avec l'ennemi de la santé. Il se frotte les mains au spectacle de la fraude. Piteuse reconversion d'un senior de la compétition.
Noah rate la balle de match. Il nivelle son discours sur l'abdication de la vertu. Il balaie d'un revers de raquette l'autre nom du courage. L'air ambiant se prête à pareils renoncements. On dirait les nations d'Europe, dopées au surendettement. Nations délinquantes en contravention manifeste avec leurs engagements contractuels.
La politique du mensonge éhonté conduit au sort de la Grèce. La stratégie de la tricherie généralisée mène au désarroi de la zone euro. Noah et l'Europe en disent long sur l'usure morale contemporaine. La politique du mentir est la politique du pire.

lundi 21 novembre 2011

Splendeur d'apparition

Vieux rose, vieux vert, pénétrés de lumière. La vigne vierge imprime ses doigts fourchus sur la vitre au soleil. Les boiseries sont piquetées de lucioles intérieures. Visage des couleurs dans l'éclat des heures fauves.
La splendeur d'apparition est une scansion de phrase. Elle poignarde dans le dos des choses. Elle scelle le réel comme le pointillé des paupières. Quand je serai mort, j'aurai le temps de lire.

Ma plaine

Je regarde sans rien épingler des détails du paysage. Ces formes usuelles qui barrent le ciel reposent les yeux des plus vifs tumultes. Ma plaine est de la pierre ravalée au blanc cassé d'hiver. Je sais que je suis mon père, par chemin détourné. Même bout de chair à trimbaler dans les mystères. Le ciel habitue l'oeil au réel de grandeur.

vendredi 18 novembre 2011

Eoliennes en folie

Eva Joly prend du champ. Tiraillée par des vents contraires, ballottée par des éoliennes en folie, Eva Joly saute dans sa montgolfière, choisit la hauteur, s'exile en altitude. Stratégie d'aigle nordique avant de fondre sur sa proie. Leçon de parachutage pour Duflot à Paris.
Il faut lire les panneaux. Les circonscriptions de la capitale sont des chasses gardées. Le moindre pigeon étranger est ajusté à la carabine. Malgré leurs dossards verts fluo, les écolos se font tirer dessus s'ils chevauchent les terres du seigneur du palais. Delanoë devient violet, sa voix enrouée.
Flamanville n'est pas un paradis de flamands roses. Il y a beaucoup d'intox autour du mox. Hollande, en bon capitaine de pédalo, réenchante Areva.

mercredi 16 novembre 2011

Hopi

Houppette blême. Un cocker, rue du Vieux-Colombier, réfractaire à l'ordre piétonnier. C'est un chien boudeur, mal instruit des velléités de son propriétaire. Il apprécie moyennement les errements. Mal réveillé, il joue de sa grogne ordinaire en artiste de rue. Il se flanque dans les pieds, s'immobilise avec délice, stoppe net la négociation de fond. Le cocker est un chien bergsonien qui s'adonne à l'observation intérieure, à l'intime examen.
Retour à la maison de mes débuts, dans l'amitié d'un bon chien roux. Hopi, du nom d'une tribu peau-rouge, imposait sa bougonnerie, son veto chronique d'animal indocile. Son poil de crâne en bataille annonçait la couleur. Sa patte un peu pataude jetait un défi aux franges du tapis. Nous nous amusions de la même balle. J'inventai une chansonnette qui scanda notre ping-pong de plancher. Mes voyelles agissaient comme les ailes d'un excitant.
Hopi n'aima que papa. Il mordait l'intrus. Ce chien taiseux, au naturel ombrageux, chassait les bêtes à plume avec une rare sûreté. Papa l'adorait. Maman l'exécrait.

Je suis fichu

Triple A perdu, Sarkozy fichu. C'est lui qui le dit. Off, à l'adresse des journalistes du sérail. Foutues agences de notation. Le sort de nos princes est subordonné à leur bon vouloir.
Dans le désarroi du "je suis fichu" présidentiel, c'est la mise en scène du moi qui gêne. La crise de la dette impose la diète des ego. Que Sarkozy soit fichu, groggy, KO debout, on s'en tamponne le coquillard.
Par contre, le destin du pays intéresse autrement. Dégradé, le pays est-il pour autant fichu ? C'est la seule question qui vaille.

mardi 15 novembre 2011

Fichu de paysanne

C'est l'heure où les yeux pactisent entre eux. Se fixent sur le haut des deux faces. Feu mystique du Maroc. Visage émacié de Janine. Fichu de paysanne.
Foutu pour foutu: écho d'une toile du Greco. La vie, les peintres n'en voient pas la couleur. Mais la joie des gueux, des derniers rois de l'Atlas.

De Gaulle et le "triple A"

Notre sacrosaint "triple A" est en sursis. Nous le cajolons comme un trésor béni. Mais gare aux prophéties auto-réalisatrices ! La seule évocation d'une dégradation est synonyme de haute trahison. Les pions de la notation nous observent.
Or nous disposons d'un atout considérable, négligemment occulté. Il s'agit de la République léguée par de Gaulle. La Cinquième. Avec sa Constitution en béton et ses institutions pérennes. Bref, notre "chose publique" assure stabilité et continuité au pouvoir exécutif. Depuis plus d'un demi-siècle, elle a résisté à mille épreuves. C'est notre bouclier national.
Imaginons le régime d'assemblées d'avant 1958 confronté à la crise actuelle de l'endettement public. La brièveté de ses gouvernements s'apparenterait au modèle italien. Notre crédibilité sur les marchés ne vaudrait pas tripette. Le "triple A" serait perdu depuis belle lurette.
Nous vivons toujours sur les acquis décisifs de De Gaulle. Il en va de même dans un autre domaine, éminemment stratégique: la politique de l'atome.

lundi 14 novembre 2011

Cadavres debout

Il est embringué dans une peinture d'éternité. Il a l'âge du Christ et davantage. Il saute en fils du crucifix. Il s'emmêle dans les barbelés du ciel. Les arbres sont des cadavres debout. A l'extrêmité de la mer, on sent la cruauté de l'hiver.

Seniors dehors !

Dans un monde qui va vite, les pouvoirs sont confisqués par des vieux agrippés aux manettes. A Rome, Monti le sexagénaire se substitue à Berlusconi le septuagénaire. Guerre de seniors. En Grèce, Papademos n'est pas de première jeunesse.
Le Vieux Continent s'emploie à ressembler à sa désignation. La gérontocratie politique n'augure rien de neuf. Dans les gouvernements, on ne vire pas les seniors, pourtant dépassés par les événements. Les vieux crabes se cramponnent aux balustrades. Caste masculine à tempes grises. Les femmes gardent les enfants. Plan d'urgence en Europe: rajeunir et féminiser.

Trou bleu

On partageait des souvenirs comme des biscuits trempés autour d'une tasse de thé. La mémoire sortait de l'enfer.
Dehors, une déchirure d'azur incisait le monde en dur. Trou bleu en plein front cotonneux. Le ciel griffonne ses brouillons, fignole ses tourbillons. Le ciel ôte un masque irréel. Le bruit des lèvres se dissout dans la lumière du parquet.

dimanche 13 novembre 2011

Visions et prévisions

Nos sociétés croulent sous les prévisions chiffrées. La science sondagière produit de la prophétie rabougrie. Faute de projet, on échafaude des plans à répétition. L'horizon se borne aux oracles des commissions. Les technocrates jonglent avec des ballons de statistiques. Leur métier est de se damner aux données.
Paul Valéry a réglé son compte aux experts de tout poil: "L'expertise, c'est l'art de se tromper dans les règles". On ne lit plus le poète penseur de Sète. On écoute le clan des techniciens. L'Europe ovationne MM. Papademos et Monti. Ils appartiennent à la caste des praticiens d'institution, manipulateurs de boulons.
On est abreuvé à satiété de données. Dans ce monde, il y a trop de prévisions et pas assez de vision. A l'heure où les Papademos sont légion, les de Gaulle font défaut.

mardi 8 novembre 2011

Le Fillon de la faillite

Visage glabre, regard morne, Fillon débite ses notes comme on égrène un chapelet. La rigueur exige un decorum de croque-mort.
Fillon prend date avec un mot plus gros que dette: faillite. Fillon exploite le filon de la faillite. C'est un mot destiné à raviver les mémoires. Il y a quatre ans, il le prononçait déjà, à contre-courant, en plein sarkozysme béat.
Fillon a jeté un caillou, dessiné un chemin pour ses ambitions. Fillon a trouvé son positionnement. Fillon n'est pas un homme d'image mais de vision. Il a vu la déconfiture. Il traîne le même masque livide depuis sa découverte des caisses vides. Premier de cordée, il a vu l'abîme sous ses pieds. Désormais, il cherche à capitaliser sur ce secret éventé.
Il peaufine son personnage d'éclaireur de la faillite dont il fait son fonds de commerce politique. Le mot faillite n'est pas le lapsus d'un homme fatigué. Il accrédite sa lucidité, assied sa carrure de futur papabile présidentiel. C'est un sésame pour la mairie de Paris, le statut de chef de l'opposition après 2012, la candidature élyséenne en 2017. A moins que ce ne soit que le grigri d'un homme ravagé par la mélancolie, dévasté par la frénésie Sarkozy.

lundi 7 novembre 2011

Chevénement, le diable probablement

Chevénement sort du rang, devance l'appel: il est candidat. Il a l'âge du De Gaulle des accords d'Evian. Celui de Mitterrand à l'aube du deuxième septennat. Chevénement se réclame de l'un et de l'autre.
Or, à la croisée des deux, se trouve la nation. C'est le bien le plus précieux d'un peuple. Elle lui donne un cadre et des mots pour s'exprimer. Là où l'Europe échoue à lui léguer une langue.
Chevénement, maurassien de gauche, refuse que la nation française soit confisquée par la droite extrême. Il pourfend les élites qui se réjouissent qu'elle se délite. La nation n'est pas plus la guerre que l'Europe n'est la paix. L'irénisme bruxellois ne conduit qu'à la haine de soi.
Dans "La France est-elle finie ?", Chevénement médite sur le destin du pays. Vrai livre d'homme d'Etat. Pas courant. L'ardente obligation de la nation - dernier abri de la démocratie - se conjugue à l'idéal calculateur de l'Europe.
Chevénement est à nouveau en lice dans le tournoi présidentiel. Il ne mâchera pas ses mots. Il va hisser le débat à bonne hauteur. Panache et brio manquent cruellement dans le désert des projets politiques. L'intelligence de Chevénement rehausse le niveau d'une compétition où se neutralisent déjà tant d'idées tièdes.
Chevénement n'est jamais le bienvenu dans le cercle des popotes partisanes. Le centrisme n'est pas son fort, la médiocrité non plus. C'est l'homme de trop qui parle haut. "Le diable, probablement", en écho à Robert Bresson.

Quartier louche

La mémoire se destine à l'enfance. Elle chemine à l'arrière des distances. La peau tailladée est son chant d'amitié. Les ronces piquent les sens à mi-jambe, fouettent les genoux en faux marbre. La mémoire a les joues rouges des premiers carambars, squatte un quartier louche d'allure à s'émouvoir.
Elle radote des histoires de vieux chnoque, stocke, magasine les rimes les plus fines. Elle tricote un vêtement de sensations, boutonné de moqueries, bariolé de griffures.
Parole d'Anglais: "Le plaisir, c'est la vertu sous un nom plus gai".

vendredi 4 novembre 2011

Les crachats du Golgotha

Se moquer des puissants est signe de santé morale, voire de finesse intellectuelle. En revanche, flétrir de sarcasmes et de quolibets les petits pauvres des rues est révélateur d'une morgue méprisable. Jésus de Nazareth incarne pareille humilité raillée. Il expose sa chair à la risée d'une foule électrisée. Les crachats sont ses seuls compagnons de Golgotha.
Rire du Christ crucifié est un sport de confort, un doux émoi des docteurs de la loi. Humilier le plus humble est une privauté de rassasiés. J'ignore si l'alléchant "Golgota Picnic" vise la même cible, lynche le même bouc émissaire. J'admire l'esprit rieur, le verbe gracieux de Jean de La Fontaine qui s'attaquaient au roi, mais pas à l'enfant sans toit de la Nativité. Génie d'écrivain, courage d'un homme sage.

La Chine et Guérini

Le parti de Jaurès est l'otage de Guérini. L'infréquentable notable des Bouches du Rhône se cramponne à son conseil général. Au grand dam des vertueux hiérarques de la rue de Solférino.
L'Europe est l'otage de la Chine. Les cigales du "petit cap asiatique" (Paul Valéry) vivent grand train des créances de l'empire communiste.
De Gaulle, réveille-toi, ils sont devenus fous ! Mais la mondialisation des déficits se moque éperdument du visionnaire général et de son indépendance nationale.
Guérini, le malappris, empoisonne la morale des pieux socialistes. La Chine fournit la trésorerie du capitalisme. Monde manichéen où le diable tire son épingle du jeu. A ses risques et périls, le Bien mange dans la main du Mal.

jeudi 3 novembre 2011

Boum !

Les mots sont de la dynamite. Les dessins sont des bazookas. Les bombes sont des phrases incendiaires. "Charlie" écrit, dessine l'air du temps. L'hebdomadaire est expert en dérision. Il fait commerce du rire et du sourire.
"Plastiquage à Charlie: pas de mort". La violence a du sens tout autant qu'un texte et son illustration. S'ils froissent certaines sensibilités, les mots du moqueur "Hebdo" ne détruisent pas leurs cibles. Ils les disqualifient un peu. Ils les raillent avec zèle professionnel. C'est un métier.
Les poseurs de bombes s'expriment dans un patois fruste, doté d'un vocabulaire rudimentaire: "Boum !". La violence signifie malgré tout. Elle vise à intimider les esprits, à terroriser la liberté. Les bombes sont de brutaux avertissements, des alertes péremptoires, des injonctions impérieuses à se taire.
Or le droit de blasphémer ou de déconner définit le champ illimité des libertés. A préserver coûte que coûte. Dans le même temps, il convient de regarder la violence droit dans les yeux. Les mots sont des balles perdues qui peuvent s'égarer dans des esprits friables. Les mots sont des drones. Les mots peuvent faire mal. A l'occasion, ils tuent au coin de la rue.

La rue est nue

Pointillisme de la pluie. Griserie des taches. Flaques confettis sur les trottoirs mouchetés. Les arbres rouillés s'animent à regret. Pantomime de la défaite. Le jour s'y prend à plusieurs fois avant de se lever. La rue est nue comme un roi aux abois.
L'oeil est fléché sous un ciel sans bandeau. Une clarté de paume quémande un sourire d'immeuble. La pierre est prisonnière de sa paroi. Le renoncement à la couleur vive est une expédition punitive. La rue est barrée pour cause de cécité. On badigeonne les murs d'une couche de grogne envieuse.

mercredi 2 novembre 2011

Epiphanie

Visage de Leïla Bekhti. Visage d'éclaircie, de doux noir regard. Visage d'Algérie, mordu de rouge, cerclé de lumière caramel. Visage libre aux yeux enroués, aux murmures impérieux.
Visage aux imprécises ruades, aux songeuses incartades. Visage d'une intuitive présence.
Leïla Bekhti est un visage surgi, une embellie de la vie, une épiphanie.

Songe et mensonge

A quoi ça sert d'être insincère ? A publier des comptes falsifiés. Menterie ordinaire des pays d'Europe latine. A quoi ça sert d'être insincère ? A déchaîner la colère de Luther, l'ire des pays à morale plus sévère.
L'improbable union des cigales méditerranéennes et des fourmis nordiques vire à la foire d'empoigne. La technocratie européenne avait joué la comédie, avait fermé les yeux sur l'incurie d'Athènes. La construction de l'Europe était divinisée au point de justifier le mensonge le plus éhonté. Le mensonge servait la cause d'un songe. Il a rongé la confiance entre les nations du "petit cap asiatique".
La confiance, les professionnels de la finance connaissent: c'est leur métier. Ils sont échaudés. Le crédit est discrédité. Les boniments des contrées insouciantes ont insinué le doute dans la conscience bancaire. Hobbes resurgit du fond des bois antiques: "L'homme est un loup pour l'homme".
La peur paralyse l'échange. On redécouvre la fragilité du pacte économique entre les hommes, faute du minimal consensus fiduciaire. La vérité de l'économie éclate au grand jour dans sa nudité scientifique: moins exacte, plus humaine.

lundi 31 octobre 2011

L'oeil du musée

Hypertrophie de l'oeil. Ces fétiches de bois font les gros yeux. Ils sont exorbités. Ils sont écarquillés devant l'énigme reine de l'aventure humaine.
L'oeil obscène traduit la défaite d'arrière-scène. Pas d'échappatoire au regard intérieur. Sensualité hautaine du poteau funéraire. L'oeil surplombe le mystère de la terre à vol d'oiseau.
Oreille, nez et bouche s'absentent du travail de figuration, du labeur de la forme. Plein la vue. Au détriment des variétés de silence et de bruit, des effluves et saveurs, des sourires innombrables du corps.
Travail est un gros mot, exporté d'une modernité braillarde. Les formes taillées du Musée du Quai Branly s'arrachent d'un temps noir de beauté, d'un temps scandé par la terreur, d'un temps modelé par la prière d'un faire. De travail et d'art, il n'est question pour un empire. La juste manière se frotte à l'exacte matière. Elles se grattent l'une l'autre dans une ferveur de flamme.
La mort est signalée de deux trous en pleine tête. L'arme blanche poignarde la notion d'art. L'homme d'ici pratique une médecine à même l'objet qu'il dessine.

dimanche 30 octobre 2011

Emb-Allemand

La chancelière est très colère. Elle gronde les habitants de la vieille Gaule comme de petits écoliers. Le président est dans ses petits souliers. Il lui faut revoir sa copie pour se faire bien voir de la Germanie. Il colle à la chancelière, multiplie les assurances précautionneuses, ravive un naturel obséquieux. La patronne ordonne, l'homme de l'Elysée exécute.
Dans l'insconscient collectif européen, le non-Allemand est un Grec qui s'ignore. D'où cette nouvelle manie de mimer la Germanie, d'oublier que la querelle est mère de la démocratie et de se plier à la seule discipline de Mme Merkel.
Mais cette Allemagne idéalisée n'existe que dans la tête embrouillée d'une France complexée. Nos yeux hexagonaux magnifient à l'excès un modèle allemand essoufflé. Car l'Allemagne souffre de déficits chroniques et d'handicaps majeurs: une démographie calamiteuse, une dette publique elle-aussi considérable, une industrie datée au potentiel technologique limité, une main d'oeuvre de qualification médiocre.
Autrement dit, l'avenir Outre-Rhin ne s'identifie pas à un enviable destin. C'est pourquoi "l'emb-Allemand" sarkozien n'est en rien justifié. Il se fonde sur des présupposés imaginaires.

vendredi 28 octobre 2011

Mordorure d'octobre

Quelque chose comme la splendeur: une touche de lumière fauve, un flash de rousseur rare. Les arbres rougeoient dans un ciel bleu roi. Brume sur la colline qui se devine. Les herbes de givre sont pigmentées de bêtes muettes, gravées dans l'éternité de vivre.
Mordorure d'octobre. Les doigts écarlates d'une feuille se décalquent sur la pierre. Au fil des émotions, l'imagination apprivoise le chaos, dessine le contour des choses. L'homme invente, projette ses peurs, comme l'enfant dans sa chambre.

mercredi 26 octobre 2011

Pétocharde Europe

Où sont les relais de croissance ? Les Etats s'endettent jusqu'au cou - avec la corde pour les pendre - faute d'économies suffisamment créatrices de richesses. L'Europe n'a pas plus d'idées que de pétrole pour faire pétarader sa vieille machine, son Vieux Continent branlant.
Ses penseurs sont désuets, datés dans leurs concepts. Dans Le Monde de l'Economie, Nicolas Baverez remise au grenier les poussiéreuses théories de Keynes conduisant aux calamiteuses relances par la demande. Il a raison.
Où sont les relais de croissance ? Dans l'éducation, la recherche et l'imagination, pardi !
L'industrie du numérique chamboule la donne, bouleverse la vie des hommes. Elle s'invente loin d'Europe, en Asie et en Californie, dans un climat propice à l'initiative privée.
N'en déplaise aux fâcheux écologistes, la croissance est à réamorcer coûte que coûte. C'est la clé de la sortie de crise. Or elle exige des Etats une lutte sans merci contre l'obésité publique. Il faut supprimer de grands pans administratifs stériles. La nature sait se débarrasser de branches mortes. De surcroît, il convient d'en finir avec un certain parasitisme bancaire, anti-capitaliste jusqu'à l'absurde.
La science et l'entreprise - c'est-à-dire le chercheur, l'inventeur et l'entrepreneur -, associées à l'école - c'est-à-dire une main d'oeuvre formée à l'excellence - , sont les priorités à privilégier pour sauver la pétocharde Europe d'une noyade annoncée.

mardi 25 octobre 2011

Embrasse pas

Une guitare. Une chaise. Non, un trépied. Soulier dessus, dans l'angle droit du genou délié. Brassens embrasse pas. Savoir de prostituée. Loin des morales de marioles.
L'homme marmonne une chanson. Bougonnerie d'un malappris. Chair de poule devant la foule. Brassens a des yeux de prince arabe, un regard de seigneur oriental.
Il est penché sur un for intérieur, pince une corde, souffle un mot, l'un après l'autre par coeur. Il murmure un poème à fines dentelures. Il désenchante. L'homme est rugueux, véhément, affectueux. Simple comme bonjour. Giacometti de music hall. Textes millimétrés, taillés, rimés aux plus gracieuses sonorités. La Fontaine d'un temps de morne plaine.
Et toujours ce regard sans collier, de longue indifférence, de lointaine nonchalance, de sombre sauvagerie, ces yeux sans esquive d'un timide Omar Sharif, au Sahara des solitudes.

Khadafi

L'histrion de Syrte est mort sous les clameurs de la foule. Mitraillé par la haine. Khadafi, cruel despote, jette un corps lacéré à la face du monde, adorateur d'images.
Ce colonel d'opérette, au faux air de Jack Lang, théâtralise son trépas, torse fier dans une boucherie de Misrata. Il est mort plus d'une fois. On l'a surtué comme jadis Mesrine à Paris.
La Libye est libérée, débarrassée d'un démon du désert. Est-elle pour "Otan" libre ?

lundi 24 octobre 2011

Là, maintenant

J'ai trois projets: aller rue Gauguet, sentir le lieu d'un gueux, d'un gars, d'un renégat; ouvrir l'un de ces albums d'art, errer au gré des pages, cueillir un mot à la sauvette comme une pâquerette; creuser Serres et son "Musique", chercher l'exact écho du panneau inachevé du Musée Picasso.
Retourner à Antibes, revoir papa, à presque mon âge, sanglé à sa place de mort. Choisir, chiche, le chemin de la corniche.
Rouge d'un roi. Bleu de Dieu. La blancheur d'un drap voile les alentours immédiats. La couleur explosive est une détonation dans les gencives. Là, maintenant.

L'amour sur les murs

L'amour sur les murs est la fêlure des artistes sourds. De Pisis à l'envers, "Nu" chahuté, tête en l'air, dans un coin de bunker Christie's. Lots à vau-l'eau.
De Pisis précise les contours d'une extase, l'ombre blafarde des trottoirs: "Paesaggio parigino".
On vend les toiles de Mandiargues sans jamais sauver les meubles. Elles sont frottées à l'encaustique de vieux yeux. Poète ou peintre, ils ont vécu dans la compagnie des épiphanies. Splendeurs de stupeur. L'amour sur les murs est la preuve, dure comme fer, des déserts de l'hiver.

Rugby heureux

A Auckland, on ne quémande qu'une médaille de gentleman. Beauté du geste: les voyous aiment les voyelles. Les poètes récriront le match avec des mots d'esthètes.
Rugby rugueux, rugby de preux. Rugby heureux. La victoire a souri à quinze endeuillés en habits de funérailles. La blanche équipe était mariée à la malchance. On a raté les poteaux, mais hérité des bravos. A deux doigts du trophée.

dimanche 23 octobre 2011

A un point près

Fin de partie. Les héros sont sur le carreau. Les Kiwis étaient cuits. Un point leur a suffi. Dusautoir exemplaire plante l'essai français au pied des poteaux. L'élégant capitaine troue une défense adverse à la peine.
Huit points au score: huit, comme le maillot du fier Harinordoquy, au bandeau cerclé de black, couleur de réglisse.
Les noirs vêtus sont arrivés au but avec un petit jeu de rue. Ils ont neutralisé nos meilleures cartouches. Nous ont manqué les soldats tombés: Parra, le gamin de Bourgoin, aux pommettes tuméfiées, et Clerc, le percutant finisseur d'innombrables champs de guerre.
Le point absent était logé dans l'étincelle de leurs prunelles, sur le banc des blessés. Car le quinze tricolore a bousculé la dure cohorte de Mc Caw. Mais sans ses précieux pourvoyeurs d'un jeu de feu, il s'est embourbé dans un rugby de barricades. Match de toniques corps à corps, scandé des rituels coups de pied stratégiques. Trop de prose récitée, pas assez de poésie déclamée.
L'équipe de Liévremont s'est fracassée sur le roc All Blacks comme une vague automate. A droite, à gauche, au centre. Les ruades de Mermoz et Rougerie se sont heurtés de front au verrou des hommes de Mc Caw.
Restent Médard et la magnifique troisième ligne: Imanol et ses deux voltigeurs, "Titi" et Bonnaire, le joueur-roi du tournoi. Mais l'arrière à rouflaquettes s'est enferré dans son talent d'esthète. Trinh-Duc joua l'attaque loin du pack. Yachvili, prémonitoire, rata sa première balle.
Dommage car le quintet de mêlée, les grognards de l'histoire, étaient calés pour le succès. A un point près.

jeudi 20 octobre 2011

Ses cheveux bleus

Marre d'Homère. Marre des ciels d'une mère spirituelle. Ulysse a lassé les banquiers. Cette Grèce endettée ne doute de rien. Pays vaurien qui vit au crochet de ses voisins. Il y a urgence à expédier la Grèce ad patres.
Pas de reconnaissance au lieu de notre naissance. L'ingratitude est notre solitude. L'Europe finit. En queue de poisson. Veut en finir avec une mère indigne. Ses cheveux bleus sont notre Méditerranée.
La Grèce fait défaut, fait des fautes d'épicerie. Faillite, déficit. Exit le Grec, Zorba menteur. Le Péloponnèse l'a mauvaise. D'une terre hospitalière, faire un hôtel borgne.
L'Europe usurière a tué sa mère. Palinodie des fils calculateurs. Une civilisation ne peut survivre au meurtre de Platon. La Grèce est au commencement. Aussitôt fait, aussitôt exécuté la sale besogne, l'Europe qui cogne aura chuté pareillement.

Inva Mula

Pétillement de lumières. Eruption du son. Remuement du sang. Faust impose son faste. Inva Mula. Voix humaine de lointaine Albanie. La voix déchire le corps de l'entre-soi. Broie les bruits du pourquoi. Voix de gorge, de gouffre et d'abîme.
Faust est une fête foraine avec ses bals, son diable, son mal de chien. Allagna courtise Marguerite, pactise avec le plaisir, cède à la liesse, s'abandonne à Méphistophélès.
On se souvient du derrière des lavandières, nonchalamment incendiaires, des robes rouges de désir. On songe à Courbet, à "la Toilette de la Mariée". A Fragonard, aux heures de rare délicatesse, à Fellini pour le cirque, le cri des grimaces et la pluie de confettis, à Bizet pour les baisers et le feu des bûchers.

mardi 18 octobre 2011

Terminus dérisoire

Nos rois s'estompent dans nos mémoires. Au premier coup de froid, leur gloire se mue en terminus dérisoire.
De Gaulle échappe aux attentats. Mais meurt en joueur de cartes. Pompidou n'habite plus son corps, enfle à vue d'oeil comme une rumeur de chair. Meurt debout jusqu'au bout.
Mitterrand est dévoré de l'intérieur par l'ambitieux cancer. Meurt en bonimenteur. Giscard s'aime trop pour mourir. Faux roi, il n'est pas sacrifiable.
Chirac meurt à petits feux, dans l'oubli de ce qu'il fut. Sarkozy a la vie devant lui, emmêlée dans sa frénésie. Il court vers la mort, s'en soucie comme d'une guigne. Sait-il lui-même qu'il figure sur la liste ?

Sang des pinceaux

Il est caché comme un dieu ouvrier. Tapi dans son tipi de peau-rouge. Il est retranché dans sa lumière de chair.
L'atelier de Staël, rue Gauguet, est un jardin de broussailles peintes, une cabane à toiles coquelicot, un ciel à demeure.
Il se frotte aux couleurs, les touche comme des porte-bonheur, s'y cramponne. A cause du vide qui environne. Il a peur des heures, ne craint ni désert, ni splendeur. Staël peint à l'abri, au chaud, dans le froid, au milieu de ses rois. Il s'est réfugié dans l'amitié d'une beauté scarifiée.
Trop de sang sur ses pinceaux. Il faut qu'il sorte.

Un certain chic apparatchik

Ce mot gaullien de rassemblement, il l'a prononcé à maintes reprises, jusqu'à plus soif. Avec succès. Hollande qui rassemble ne ressemble à personne. "Fraise des bois", que Fabius - le charitable auteur du désobligeant sobriquet - prétendait jadis écrabouiller d'un coup de talon, s'est hissé au-dessus de la mêlée socialiste. A la force de ses petits bras.
Cet homme sans éclat impose sa bonhomie dans un monde d'esbroufe. Il réhabilite un certain chic apparatchik. Hollande circule en boucle sur nos écrans comme un politicien d'autrefois, une image d'archive, hors du temps accéléré des enfants de Steve Jobs.
"Gauche molle" ? Gauche Guy Mollet, plutôt. Avec un zeste de Mitterrand - dans la gestuelle lyrique des meetings - et un soupçon de Pompidou - dans l'ironie tranquille des prunelles.
Hollande, vierge de tout maroquin qui fait les destins, est le favori du prochain scrutin. Stupéfiante aventure. Hollande, le candidat de Chirac, est un animal politique de singulière envergure.

jeudi 13 octobre 2011

La grand-mère

"Là où règne le flou se cache un loup". C'est la grand-mère de Martine qui le dit. Vérité d'ancêtre. Pensée forte comme un socialisme dur comme fer, chevillé à ses yeux revolver.
Mou, flou, loup: Martine se donne un mal fou pour discréditer le brave François, pas fier pour deux sous. Elle fustige son socialisme pas assez casse-cou. Mais François n'a rien d'un méchant loup et Martine n'est pas le petit chaperon rouge. Sinon, ça pourrait se gâter pour la grand-mère.

Si je suis président

Si je suis président, je rétablis le septennat, sans second mandat possible. Sept années pleines consacrées à l'application d'une oeuvre, d'un projet, d'une vision d'un vivre ensemble. Mandat unique, d'une durée significative, qui interdit la démagogie ou l'immobilisme d'une réélection.
Si je suis président, je fais de l'éducation nationale la priorité des priorités. Se souvenir au passage du mot de Lincoln: "Si vous trouvez que l'éducation coûte cher, essayez l'ignorance !".
Si je suis président, je supprime les régimes spéciaux et privilèges exorbitants - en matière fiscale et de retraites - dont jouissent les catégories professionnelles à forte visibilité sociale: parlementaires, journalistes, fonctionnaires. Car il en va de l'équité républicaine et de l'exemplarité politique.
Si je suis président, et dans le même esprit, je prends soin de ne pas décourager le secteur privé dont les initiatives sont les principales créations de richesses de la nation.
A vrai dire, "si je suis président", est une hypothèse de travail, entendue à plusieurs reprises dans la bouche des papabile des primaires socialistes. Mimétisme citoyen de l'électeur lambda, "si je suis président" est un acte, un tract de démocratie participative.

mercredi 12 octobre 2011

Vert jaune suspect

Vitre d'échoppe. Deux toiles sur la rue. Il peint à coups d'épaule. Vision de neige, du fleuve et des pierres de Paris. Arcs de peinture.
Il peint la couleur à venimeuse lumière. Tableau sans collier d'où s'échappe un cri bref. Vert jaune suspect, verni de luxe cru.
Staël est une sentinelle des rues. On passe sans voir les deux rectangles de taches luisantes. Peinture à peine sèche. On rate la double entrée d'artiste.

mardi 11 octobre 2011

Comment tu m'parles !

"Comment tu m'parles !". L'expression des cités résume le besoin criant de respect. Le charabia politique parle mal au peuple. C'est une langue grossière et publicitaire. Les mots lui manquent pour l'authenticité. Elle s'interdit la subtilité. Elle blesse notre bien national dans ses chevilles, l'égratigne dans sa syntaxe.
On dépossède le peuple de sa culture. Même les fracassantes primaires citoyennes viennent d'Amérique. De tout cela, les élites politiques s'en soucient comme d'une guigne.
André Gide écrivait joliment d'un ami: "Il parle du coeur comme d'autres parlent du nez". Or les petits princes qui nous gouvernent s'adressent au peuple dans les mêmes dispositions d'esprit.
Ils se comptent sur les doigts de la main les chefs politiques qui s'expriment correctement, qui haranguent la foule avec un soin littéraire minimal.
J'en distinguerai trois, taxés de populistes, qui causent au peuple dans les mots de leur langue: Le Pen père, Mélenchon et Montebourg. Ils arpentent les estrades en costume du dimanche, sans lui parler de travers, usant d'un verbe bien coiffé.
Au contraire des nantis, le peuple des plus mal lotis les plébiscitent pour leurs mots sentis, soucieux du dernier des biens des plus pauvres: la langue française.

Deux chefs gaulois

Mélembourg et Montechon haranguent la foule avec panache. Sur les tréteaux et les plateaux, ils sont tirés à quatre épingles. Le peuple de gauche apprécie qu'ils soient bien cravatés, y décèle un authentique respect à son endroit. L'un affiche un style patricien, une aisance giscardienne, une prestance de fils de famille. L'autre éructe un verbe flamboyant d'essence plus plébéienne.
Tous les deux sont de vindicatifs chefs gaulois désireux de bouter l'odieux marché hors des lieux. Ils plaident avec ferveur pour le retour au bercail des usines exilées, la réhabilitation des lignes Maginot d'antan, les vertus simples d'une douce France, aujourd'hui en déshérence. Ils aiment les mots de "peuple" et de "campagne" qui réveillent les nostalgies les plus passéistes.
Ils goûtent la beauté de la langue française avec une gourmandise désuète. Ils mouillent leurs chemises impeccables dans les terroirs reculés et les quartiers déshérités. Bref, ils donnent de la couleur à la République.

lundi 10 octobre 2011

La frénésie de Sarkozy

"Martine boude". C'est le titre d'une chanson de Bashung. C'est déjà de l'histoire ancienne. Martine esquisse un sourire, concède un ouf de soulagement. Ségolène sanglote comme une madeleine.
Arnaud bombe le torse, se hausse du col, perche sa voix de grand chambellan. La gauche de la gauche aime ses allures de gentleman des beaux quartiers. François ouvre de grands yeux, se tourne à droite, à gauche, fait la toupie - comme Vincent Clerc au rugby samedi -, mais ne marque pas l'essai salvateur. Il rit jaune.
Une odeur de sang imprègne déjà la primaire si policée des socialistes. On sent l'entrée en lice des grands fauves de la présidentielle. Borloo, Hulot, DSK se sont déjà faits manger dans l'arène.
La droite est ringardisée. Le succès populaire du scrutin socialiste touche la légitimité du président sortant.
La frénésie de Sarkozy s'est exercée sans vergogne tout au long d'un quinquennat. La frénésie du chef de l'Etat sera sollicitée durant la campagne. Curieuse frénésie qui accélère l'amnésie, table sur la vitesse et l'oubli. Elle squatte la personnalité du petit homme de l'Elysée.
Elle l'habite, le possède comme un diable.
Ce président stressé, le peuple en a assez. Il le rejette moins par la raison que par le sentiment.
Avec le temps, l'homme pressé a creusé les traits de sa caricature au-delà du supportable. Sarkozy fonce de manière inexorable dans le mur d'un seul mandat sec. Le cercle de ses obligés a été rongé à l'acide de sa brouillonne activité. Certes, sa séduction d'homme dur suffira à le qualifier pour le duel final. En revanche, elle échouera à réunir une majorité sur son nom.
Pour gagner, la droite aurait besoin d'un candidat chimérique, moitié Sarkozy, moitié Bayrou.
A Sarkozy, le forcing du premier tour. A Bayrou, le report maximal des voix au second tour. Car Bayrou ne sera jamais président, faute de savoir résoudre l'équation du premier tour. Sarkozy sera battu pour cause de splendide isolement.
D'où le destin à la Giscard d'un Sarkozy trop juste dans les urnes, trop loin de la crise au quotidien. Bref, "ça va pas le faire", comme on dit dans les conversations de bistrot.
Tassé dans son coin, tel un boxeur groggy, Sarkozy engrange son énergie, mûrit sa revanche au contact des puissants. La frénésie de Sarkozy est à nouveau dopée par une farouche envie de remonter sur le ring, de revivre la griserie des sauvages pugilats de campagne.

vendredi 7 octobre 2011

Charbon

L'écriture est un lieu destiné où il fait bon batailler, se chauffer au charbon. C'est une parole coincée dans le fil barbelé des mots dessinés. La sonorité est épinglée dans un cahier comme un papillon d'été. Le goût de chair a fui les missels. Restent les os sur la peau.

jeudi 6 octobre 2011

Le patronyme de l'emploi

Il est des patronymes exacts qui qualifient à merveille leurs heureux titulaires. "De Gaulle" évoque la nation dont s'enticha le grand homme. "Chateaubriand" suggère la majesté d'un style.
"Jobs" est le nom rêvé d'un capitaine d'industrie multiplicateur d'emplois.

mercredi 5 octobre 2011

Dette et fadette

Dette, fadette et fantaisie. Marre de la dette, par-dessus la tête. Haro sur la dette à profil grec. La cigale est méchante comme une gale. Extinction des fourmis, fin d'une espèce.
"La petite Fadette", roman champêtre de George Sand. Fadette ne désigne pas les fadas de la dette. Fadette s'est reconvertie dans le flicage des voix.
A l'instar de sa jeunesse auditive, l'Etat est bardé d'un casque et d'écouteurs. Il contrôle les coups de gueule. Il fauche l'argent, fiche et fâche les gens.
Hollande a une mine de chanoine. Les temps de dette et de fadette n'entament pas sa foi en des lendemains de fête.

mardi 4 octobre 2011

Rase campagne

Simone Weil l'écrivit avec fulgurance: "On ne possède que ce à quoi on renonce". La désertion de Jean-Louis Borloo peut tout autant se lire comme un abandon en rase campagne.
Ou autrement, comme l'exercice baudelairien d'une liberté: celle de s'en aller. La sentence paradoxale de la philosophe d'Ashford indique le lieu des vraies richesses. On songe à Charles de Gaulle. "Je cesse d'exercer mes fonctions de président de la République. Cette décision prend effet aujourd'hui à midi".
Départ vaguement gaullien de Borloo, à la manière modérée du centre, sans panache ni grand écho.

lundi 3 octobre 2011

Ciel de campagne

Sarkozy s'agite moins. Il teste sa puissance, sa capacité de nuisance. Du coup, Borloo s'agenouille. Borloo prend l'eau. Borloo s'éclipse. Juppé clignote.
De nouveaux signaux miroitent dans le ciel de campagne. Villepin court comme un lapin à la recherche d'un destin. Bayrou a fait son trou au centre. Il gère les petites béances de son gruyère. Marine l'héritière incarne le simplisme à front de nation.
D'une semaine à l'autre, les candidats de gauche font le buzz en répondant aux questions d'un quiz télévisé. Mon fils me le rappelle par sms: la primaire se divise en deux, l'élémentaire et le moyen.
Sarkozy s'agite moins. On s'endort sur des lauriers fanés. Tonga, cent mille habitants, a perforé les lignes du quinze tricolore.

lundi 26 septembre 2011

Patatras !

On pensait ne jamais voir ça de son vivant. La haute assemblée rimait d'éternité avec marais modéré. Et puis patatras ! D'obscurs élus ruraux du Morbihan ont fait le boulot. Le vieux Sénat a vacillé. La droite s'est faite doubler par la gauche. Le tabou est levé. La démocratie se libère un peu. Pour une poignée de sièges.
Mais le club de notables ne change pas pour autant ses traditions. La cuisine politique garde ses droits. La semaine est consacrée aux tractations d'usage. La tambouille partisane se touille dans les recoins feutrés. L'élection d'un président socialiste s'organise sur fond de guéguerre Aubry/Hollande. Larcher le sortant veut croire au père Noël plus qu'au sénateur Bel.

Les Bonnes

Au balcon, nous ne sommes qu'une poignée. Les Bonnes. Elles ne sont ni jeunes, ni vieilles, ni laides, ni belles. Au balcon, nous sommes de front avec la langue française.
Genet dit "qu'elles n'ont pas pourri". Il précise: "jeu des actrices un peu titubant". Elles sont ivres de Madame. La domesticité colle aux doigts comme un alcool. Les soeurs siamoises rivalisent sur la scène du mal.
"Incendiaire est un titre admirable". Le texte est tissé dans le pieux souci du classicisme. L'amitié des syllabes impose la splendeur d'un voisinage sonore. Les comédiennes importent peu.
Genet se calque sur Racine, ne donne la réplique qu'à sa propre musique. Raideur de nuque. Griffe d'aristocrate. Une incorruptible préciosité.
Les robes à falbalas de Madame évoquent l'écriture de Genet, son drapé de majesté. L'auteur des Bonnes sauve l'honneur de son métier, restitue le dernier caprice d'une fantaisie: l'art de la broderie.

jeudi 22 septembre 2011

Le Mongol

L'écrivain Greg McGee évoque ses souvenirs d'enfant de la balle ovale. L'apprenti All Black engrangeait alors des rêves de rugby pour la vie. C'était hier, un demi-siècle derrière. Au fil de sa chronique (Le Monde du 23 septembre), il mentionne la figure mémorable du capitaine tricolore d'alors, Michel Crauste, troisième ligne de légende.
Il le baptise par erreur Attila le Hun. Michel Crauste était surnommé "le Mongol". Sa moustache noire, plus gauloise que mexicaine, tranchait sur un visage pâle à devenir jaune. Il commandait un pack magnifique où s'illustrait le pilier briviste, Amédée Domenech, dit "le Duc".
Temps lointain où l'essai valait trois points, le drop un de moins. Temps du carambar à cinq centimes. Depuis, l'inflation a touché le rugby tout autant que l'épicerie.

Le Sénat au rebut

Sénat est un mot qui hésite entre seniors et cénacle. La haute assemblée, auto-proclamée comme telle, se régénère par moitié. Le scrutin n'admet pas de "petits électeurs". La démocratie sénatoriale se méfie du peuple comme de la peste. C'est une cuisine sans peuple qui se touille entre gens de bonne compagnie. Pareille tambouille électorale interroge sur notre santé républicaine.
Les élus et les nommés de nos belles provinces désignent les meilleurs sages de l'ancien royaume. Aristocratie charmante. Les grands électeurs sont courtisés, leurs bulletins convoités. La France d'en haut, héritière des hobereaux et châteaux, organise un grand marchandage, opère un vaste chantage au suffrage.
Le Sénat est un club de vieux. L'étymologie le dit. Il suffit d'un peu de latin pour s'en convaincre. De Gaulle a tenté de se débarrasser du poids mort. Il destinait le Sénat au rebut. Quarante-deux ans après, on cherche toujours quelqu'un pour prendre le relais.

mardi 20 septembre 2011

Carnet scolaire

Les notes traumatisent les écoliers, les entreprises et les pays. Fine psychologue, la génération de mai 68 les avait supprimées. Le temps de la dolce vita est révolu. Les agences de notation terrifient les nations comme d'intraitables maîtres d'école.
L'Italie n'a plus la moyenne. Berlusconi est au coin. Il faut que l'Italie apprenne mieux ses leçons, travaille ses perspectives de croissance. La Grèce, bonne dernière, est coiffée du bonnet d'âne. Elle ne fiche rien. C'est une vilaine tricheuse qui copie sur son voisin.
L'Allemagne, nation de philosophes, joue l'intello de la classe. Elle truste les bons points en solo. La France tend le dos. Elle redoute le prochain carnet scolaire.

lundi 19 septembre 2011

France/Canada

Rugby sans champagne. Canada dry de match. Trop d'eau sur la pelouse. Peu de passes et pourtant des espaces. Le rugby est interdit de pétiller.
Ironie du sort. Traille, la calamiteuse passoire du quinze tricolore, se taille un chemin dans la défense canadienne. Traille errait à l'arrière. Lent, pataud, emprunté. Traille était une sorte de treuil inutile. Piètre bilan: plus d'erreurs que d'essais. Traille est une mitraillette enrayée.
Fini les bévues: Traille en met plein la vue. Il déborde en ailier, repique vers l'intérieur et marque entre les perches. Essai de trois-quart, de "furia francese". Ouf !"Try" se rappelle au bon souvenir de son patronyme.

Domino Blanc

Dominique Blanc. Domino blanc. Toutes les couleurs, toutes les valeurs, toutes les douleurs.
La comédienne est chez elle dans son atelier. Elle forge du théâtre. Elle fabrique du Duras. C'est un texte clinique, sans beauté ni musique. Obsessionnel comme le fiel.
Dominique Blanc récite les mots comme on écosse des haricots. Le théâtre gît dans son tablier.
Elle sait la dignité du simple. L'actrice administre sa leçon de diction. Elle maîtrise l'émotion, sait la garer des flammes. Elle éraille sa voix d'une juste sobriété. Dominique Blanc stoppe la dégoulinade, évacue la fausse morale. L'hémorragie durassienne n'est pas la sienne. Elle évoque "La Douleur", en dissipe la lourdeur.
Elle va d'une table à l'autre, se recroqueville sur un banc de hall. Elle se meut sur scène avec une élégance de bête souveraine. Son métier d'artiste, texte et geste, vient des chevilles.

La Tour Eiffel dans le dos

Parler. Trier dans ses idées. Identifier le mot qu'il faut. Pas faiblesse, ni manquement, mais faute. "Faute morale". Moment d'égarement éthique. Pas rien. Les chrétiens disent péché.
L'homme qui parle à Claire Chazal, avec la Tour Eiffel dans le dos, s'auto-flagelle. Il tente le tout pour le tout, la contrition rédemptrice. Il use d'une communication millimétrée pour recueillir un pardon.
Fausse modestie d'un homme "pas fier". Surjeu du masque glabre, lèvres pincées, dans le droit fil du visage las du prévenu new-yorkais menotté. Il faut gommer des consciences le sourire de champion, place des Vosges.
Mue progressive d'une figure qui s'anime et se cale derrière l'autorité du procureur américain. Métamorphose finale du regard à l'évocation de la crise internationale. L'homme est requinqué, redevient doctoral, professe ses convictions avec aisance et persuasion. Le tempo des mots s'accélère.
La stratégie de l'aveu a déblayé le terrain. L'expert de la nation exécute sa partition. Il est consulté. Il est relégitimé. Il fait étalage de sa proverbiale compétence.
Reste que l'homme incarne plus que jamais un socialisme patricien. Version cosmopolite du radicalisme à la Baylet, à l'ancienne, sans l'accent et le cassoulet.

vendredi 16 septembre 2011

Vent debout

Ils sont debout. Vent debout. Car les mots prononcés ne sont jamais que des sons jetés dans un souffle. "Paroles, paroles" à la Dalida. "Words, words, always words", à la Shakespeare.
Ils sont debout. Questionnés par le maître sourcilleux, à sourcil broussailleux. A leur pupitre, faute de tableau, ils récitent la leçon de morale. Ou de politique, allez savoir.
Ils sont debout. Nous sommes assis. On les accuse de quoi au juste ? Ils sont debout. Baylet, Aubry, Hollande jouent les notables de province avec un naturel suspect. Valls revendique, montre ses crocs de jeune chiot, fait teigneux, se situe dans le registre du sportif motivé.
Montebourg s'écoute parler, s'exprime avec une condescendance de hobereau, familier du barreau. Royal sourit, du rouge sur les pommettes, s'égare dans le décousu de ses réparties.
Ils sont debout. Vent debout comme des gouvernants. Comme Sarkozy à Benghazi. "Vive la Libye libre !". On songe à de Gaulle au Québec, à de Gaulle dans ses conférences de presse. Manque à nos petits généraux le talent théâtral du grand Charles.

mardi 13 septembre 2011

Porteur de valises

J'ai décidé d'ôter le masque, d'écrire à visage découvert. Je suis porteur de valises de profession. J'exerce depuis quatre décennies. C'est un métier usant. Chaque année, plusieurs fois dans l'année, je remets une mallette pleine à la Direction Générale des Impôts. Elle est bourrée d'euros. Sous le manteau, je finance la campagne de Bercy. Pas le temps de chômer: leurs élections sont annuelles.
Si jamais j'ai la mémoire qui flanche, si d'aventure je regimbe, si j'oublie les liasses, je suis un homme mort, je suis dans la ligne de mire d'une justice impitoyable.

Grotte Chauvet

Dans la pierre gît le merveilleux. Falaise d'Ardèche à mille crocs brandis. Les entrailles sont noires d'entailles. Parois peintes comme des corps. La torche anime l'animal mural.
Hennissement du dernier des quatre chevaux. Guernica, toile de faussaire.
Bigarrures de paumes rouges. Traces de peur. Herzog n'a plus vingt ans. La grotte conserve sa longue fraîcheur. Herzog a remisé ses skis, renoncé à sa première folie. Il rate la ferveur endiablée de la communion pariétale.
L'homme est trop distinct au voisinage des règnes indissociés. L'ours ou le loup, la panthère ou le rhinocéros n'ont d'autre identité qu'une frayeur floue. Ils dansent sous la dictée du feu.
Au commencement était le corps scarifié. Ballet de chair sculpté. Avec des voix, des cris, des psaumes qui rythment le temps des rouges visions nocturnes. L'odeur de grotte saisit l'esprit et brouille les pistes.

lundi 12 septembre 2011

En manque de pouvoir

Le pouvoir est une drogue dure qui embastille les chefs d'Etat. Dans le temps où ils prônent l'indépendance nationale, ils sont eux-mêmes emprisonnés dans une geôle.
Le pouvoir est un pompon, une illusion. A l'instant de le quitter commence l'enfer du manque.
Le pouvoir est l'antichambre de la mort. De Gaulle meurt un an après son majestueux départ.
Mitterrand, suiviste en tout du général abhorré, ne survit pas plus longtemps aux adieux élyséens. Dans l'intervalle, l'exercice du pouvoir aura neutralisé les ravages d'un mal fatal.
Chirac est en plein naufrage. En bout de course, il avait confié qu'il y aurait "un après, et puis la mort ". Il pressentait le pire. Sa mémoire s'est aujourd'hui dérobée.
Pompidou a souffert le martyre. Il est mort en scène, dévoré par le pouvoir. Reste le cas Giscard. Le fringant vieillard exhibe trois décennies d'exil au compteur. L'homme se porte comme un charme: toujours intelligent, brillant, méchant. Ce président dur à cuire, si différent de son peuple, est préservé par la vanité. Le pouvoir lui appartient d'autorité: il y habite à demeure.

vendredi 9 septembre 2011

Prêcheur et percheron

Méfions-nous du charisme, de l'aura, du magnétisme du chef politique. Barack Obama, digne et docte, parle à merveille. C'est un lauréat idéal des concours d'éloquence. "Il éblouit mais n'éclaire pas". Le mot de Sacha Guitry lui va comme un gant.
Or la magie du verbe s'enlise dans les ornières du réel. S'il galvanise les foules, le prêcheur passe mal à l'acte.
Méfions-nous du terne, du banal, du "normal", du profil bas de Monsieur Toulemonde. François Hollande laboure le pays, sillon après sillon, comme sa terre de Corrèze. C'est un solide travailleur, un peu blagueur, pas fier pour deux sous, qui discute le coup sur les marchés.
Nul ne peut imaginer une psychologie de tueur dans une carapace de tortue. S'il prend mal la lumière, le percheron n'en suit que mieux sa route studieuse vers l'élection.

mardi 6 septembre 2011

Joie d'autrefois

Jeter une feuille de papier devant soi. S'armer d'un stylo à encre. Situer le lieu, dater l'exercice. Rédiger au fil de sa pensée. Ecrire d'un seul jet sans interrompre le cheminement de plume.
Plaisir d'esthète. A la diable. Joie d'autrefois d'une boxe à mains nues.

Bleu

Soudain, le bleu. Le ciel est alors une main tendue. Les yeux se déploient comme des doigts.

Place des Vosges

Va parler. Va pas parler. Indécidable. Nous sommes suspendus au bon vouloir de l'oracle de la place des Vosges.
Cet homme aime les domiciles: Washington, New York, Paris, Marrakech. Il s'est muré dans le silence. Le mutisme est la demeure de son coeur. L'économiste est économe de ses mots. Il communique par le sourire.
Nous sommes tous des Jack Lang. Devant notre lucarne, nous l'accueillons en voisin. Il nous a vus. Il nous montre du doigt. Cet homme qui ne parle pas, voit l'invisible. Nos gouvernants manquent de vision. Pas lui. Il reste le candidat idéal.

lundi 5 septembre 2011

Privilège d'un roi-soleil

Homme de culture au talent indiscutable, Jean-Jacques Aillagon n'accepte pas de bon coeur son remplacement à la tête du Domaine de Versailles. Sa présidence s'achève de manière réglementaire, la limite d'âge franchie.
Or la rancoeur du haut fonctionnaire me stupéfie. L'autocratie du roi-soleil a déteint sur le serviteur de l'Etat. En guise de médiocres représailles, il déverse sa bile sur François Fillon et Frédéric Mitterrand. Il n'épargne sans grand courage que Nicolas Sarkozy.
Le Domaine de Versailles n'appartient à personne, pas même à Jean-Jacques Aillagon. Son amour de la beauté ne suffit pas à l'exonérer des règles de la République. Nul ne peut s'approprier une parcelle de l'Etat. Il est extravagant de rappeler aujourd'hui pareille évidence.
Au lieu de crier sa colère sur tous les toits, Jean-Jacques Aillagon devrait exprimer sa reconnaissance d'avoir joui d'un privilège exorbitant: servir l'intérêt général.

jeudi 1 septembre 2011

Terroriser les bavards

L'infirmière de Liliane Bettencourt se rétracte. Elle infirme son témoignage fracassant de l'ouvrage "Sarko m'a tuer". Autrement dit, les deux journalistes du Monde auraient inventé de toutes pièces ses propos. "La remise d'enveloppes à Nicolas Sarkozy" relèverait de la plus haute fantaisie. Balivernes et billevesées.
La conviction du pouvoir est que MM. Davet et Lhomme ont écrit un roman. Au sommet de l'Etat, on calque sa stratégie sur les ressorts des plus mauvais polars, on recourt aux vieilles ficelles: terroriser les bavards.
"On allait retrouver mon corps dans la Seine". Virage sur l'aile: l'infirmière a démenti la prophétie morbide du livre. La vérité semble à géométrie variable. Il faut dire que même en démocratie, dans un pays fier de son triple A, l'Etat dispose de moyens apparemment illégaux qui sont de nature à dissuader les propos les plus libres. A son commencement, cette troublante histoire tient sa Nafissatou Diallo dans le rôle principal: la pauvre infirmière est isolée, murée dans ses dénégations.
Dans cet imbroglio, on s'explique mal qu'un grand journal ait fait l'économie de l'interroger. Le Monde est-il désormais sous surveillance, craint-il des représailles du pouvoir ?

Les méduses de l'été

On est distrait des grands sujets de l'humanité. On est abreuvé d'historiettes frivoles. Ce sont des leurres qui voilent les grands malheurs de la terre.
Le feuilleton DSK étiré ou la série Bettencourt réactivée comblent un désert d'imaginaire. On est englué dans ces récits d'été, à mille rebondissements. On se fout de Nafissatou, on se moque des frasques de Dominique, on se fiche des liasses de Liliane comme d'une guigne. On s'en tamponne le coquillard.
Ces chroniques poisseuses collent à l'opinion comme des chewing-gums. On se baigne dans une mer huileuse d'informations bidons, pleine de méduses visqueuses. Au large, le monde est à feu et à sang.

mardi 30 août 2011

Plagiat de journaliste

Le journaliste chaparde l'information. Le voleur de scoops n'est jamais qu'un moderne voleur de poules. Il s'approprie une denrée sans fils barbelés. Le journaliste veut s'extraire de sa condition scribouillarde pour briguer la gloire d'écrivain. Or écrire pour de vrai est une autre paire de manches. Céline avertit les apprentis: "Avoir la force. Ne servir que sa vision".
C'est pourquoi les journalistes, démangés par le statut d'au-dessus, se désolent des seuls moyens du bord. Ils sont contraints de vitaminer leur plume, de sous-traiter "la force" et "la vision" à des costauds de l'écriture. Ecrire n'est pas un loisir de plage. D'où la nécessité du plagiat.
Snobisme aidant, les traducteurs d'auteurs américains sont les premiers pillés. PPDA et Macé-Scaron sont sensibles aux travaux des héritiers de Saint Jérôme, made in USA. Ils recopient.
D'autres plus instruits, journalistes du dimanche, chipent le travail d'obscurs universitaires pour mieux se prévaloir de la pensée d'un génie (Minc écrivant sur un grand philosophe, par exemple).
Au total, Hemingway ou Spinoza ne craignent pas grand chose. Les journalistes aux textes un peu "précipités" (Cyrus Vance) peuvent dessiner toutes les moustaches qu'ils veulent aux Joconde de leur choix, la littérature s'en moque éperdument.

lundi 29 août 2011

Tout faux

Faux départ. Bolt a jailli trop tôt de ses starting-blocks. Le roi du sprint est disqualifié. Fausse alerte. L'Irène de Manhattan n'était qu'une grosse tempête.
Faux semblants. Il fallu une sorte de farandole finale des chefs de La Rochelle pour occulter leur haine mutuelle. Beaucoup d'Aubry pour rien. Fausse joie: Khadafi reste introuvable. Tripoli regorge de trous de souris. Faux calculs: les niches fiscales ont du plomb dans l'aile.
Bref, jamais week-end de rentrée n'a vécu autant sous l'empire du faux.

vendredi 26 août 2011

Le précurseur

Steve Jobs n'était pas seul. Il avait un complice dont le nom a déserté notre mémoire. Bill Gates n'a pas créé de toutes pièces un logiciel d'exploitation: il l'a subtilisé à un illustre inconnu.
Jésus de Nazareth, lui-même, a délivré son message en emboitant le pas de Jean Baptiste, dit "le précurseur".
Les princes du savoir-faire figurent dans les livres d'histoire. En revanche, il est rare que les vrais poètes du savoir y soient exhumés de l'oubli. Le génie est une chose. Le marketing, une autre. La publicité de l'un recouvre l'anonymat de l'autre.

jeudi 25 août 2011

Le fumeur

Si le fumeur n'existait pas, l'Etat français s'empresserait de l'inventer. En effet, l'amateur de tabac possède le profil idéal de la victime émissaire. Il cumule tous les handicaps. Il mérite un châtiment exemplaire. Il doit payer pour son péché. L'addiction à la nicotine lui fait courir le risque d'une mort prématurée, l'expose à la vindicte populaire. Elle ruine ses économies autant que sa santé.
Ainsi l'Etat s'en donne à coeur joie. Il le taxe à qui mieux mieux, le ponctionne sans vergogne comme on humilie une tête de Turc. Il sait qu'il convient de le gruger vivant car sa durée de vie est limitée, se situe en-deçà de la moyenne.
Un fumeur mort dans la force de l'âge rapporte gros. Pas de retraite à verser, pas de frais médicaux d'une longue vieillesse. La collectivité nationale économise sur le dos du clopeur impénitent. Le fumeur qui achète cher son poison est une affaire en or pour un Etat à morale suspecte.

mercredi 24 août 2011

Les dames patronnesses

Le lobby Bettencourt a exercé son influence avec succès. C'est de bon coeur que le gouvernement lui a chipé sa mirobolante idée. La clique de nababs du CAC 40 a imposé son message de générosité: saigner les riches.
L'aréopage de pétitionnaires d'impôts nouveaux est libre de verser une obole en prime, un super bonus au budget de l'Etat. Ces dames patronnesses de la grande entreprise soignent leur bonne conscience à leur fantaisie. En revanche, on s'étonne qu'elles s'expriment au nom d'un collectif de "riches", moins fortunés par le sort. Les revenus des "petits riches", des "riches d'en bas" sont déjà ponctionnés à qui mieux mieux. Leur sens de la solidarité est sollicité à l'excès.
Cet amalgame entre gens aisés et nantis sème la confusion dans les esprits. L'économie du pays mérite mieux que ces exercices de contrition d'une rare démagogie.

mardi 23 août 2011

Une sorte de "triple A" citoyen

On ne saura finalement rien du huis clos du Sofitel de Manhattan. Le feuilleton Strauss-Kahn est déprogrammé de l'antenne. Reste qu'on s'est intéressé comme jamais au fonctionnement de la justice des hommes.
La femme de chambre a péché par manque de crédibilité. Pareille faiblesse motive l'abandon des poursuites.
A vrai dire, je suis étonné par les présupposées psychologiques du procureur sur la nature humaine. Tout se passe comme s'il cherchait à identifier les contours de la personnalité de la plaignante. Avec, par hypothèse, l'idée réductrice que l'individu ne jouit que d'une seule identité, reproductible à chaque moment de sa vie. La femme du huis clos de la suite 2806 doit être considérée comme un bloc granitique, invariable d'un bout à l'autre de son histoire personnelle. Faute de quoi, sa parole est fragilisée.
Or la vie nous enseigne que la nature humaine est autrement plus complexe. On mutile l'individu en se prévalant d'une hypothétique unicité ou permanence identitaire. Je suis plusieurs. Nous le sommes tous. Menteur un jour, loyal et franc un autre, violent en certaines circonstances, doux à l'extrême l'instant d'après. Le pluriel du mot "circonstances" travaille les identités multiples de la personne humaine. On ne parle d'homme que bariolé dans son identité d'Arlequin. A cet égard, il convient de relire l'oeuvre magistrale de Michel Serres.
Nafissatou Diallo ment à l'occasion, quand bon lui semble, à sa fantaisie. Dominique Strauss-Kahn sans doute aussi. Autrement dit, le mensonge est l'une des facettes de l'erreur dont la sagesse antique nous rappelle qu'elle est humaine, par excellence. Perseverare diabolicum. Justement, on ne ment pas toujours, on ne trompe ni ne se trompe constamment.
C'est pourquoi on doit s'interdire d'exclure tout discours de vérité de la plaignante au seul motif de dissimulations antérieures.
De surcroît, on peut s'interroger sur la légitimité du passé pour juger du présent. Le temps immédiat, dans son instantanéité, est coupé de toute mémoire. La vérité ne se réclame pas de la logique infantile d'un quelconque système à points. Elle ne cumule pas les bonnes notations de conduites antécédentes. La vérité ne peut être assimilée à une sorte de "triple A" citoyen.
Bref, l'exercice de la justice américaine, ainsi exhibé à la face du monde, révèle sa connaissance rudimentaire des ressorts humains. J'en ai froid dans le dos.

La politique incantatoire

La chefferie politique sollicite les suffrages du peuple par le truchement d'incantatoires slogans. "Yes, we can". C'est bien joli, mais pouvoir quoi ? Obama ne se donne même pas le mal d'achever sa phrase. Il s'exprime de manière hypnotique et quasi signalétique. Ce degré zéro de la raison discursive s'apparente à la ritournelle sommaire des chansons populaires. Elle renvoie, de surcroît, à une sorte de méthode Coué. Le pouvoir parle fort et péremptoire comme l'enfant dans le noir pour vaincre sa peur.
Sarkozy termine sa phrase: "J'irai chercher la croissance avec les dents". Reste qu'il est tombé sur un os. La crise lui a rogné les crocs. A vrai dire, Obama et Sarkozy, leaders emblématiques du monde contemporain, ont subordonné leurs travaux au seul volontarisme des mots. La réalité exige davantage. Certes, les crises à répétition - subprimes et dettes souveraines - ont déjoué leurs artifices d'apprentis sorciers. Mais un projet politique, digne de ce nom, est tenu de surplomber les vents mauvais de la conjoncture.
Sans quoi, tout grand dessein se réduit au creux discours. Dès lors, nos chefs d'Etat publicitaires détricotent en fin de mandat ce qu'ils ont tissé dans l'euphorie des débuts.
Méthode Coué, absurdité et stérilité scandent le temps politique, mesurent l'étendue des occasions perdues.

lundi 22 août 2011

Une chanson d'autrefois


En bordure de bordel
La vie n'est pas plus belle
Qu'une verte poubelle

En bordure de bordel
La vie n'est pas plus dure
Qu'un monde de peinturlure

En bordure de bordel
Se croisent les bretelles
A l'angle d'une épaule

En bordure de bordel
La vie n'est pas plus sûre
Qu'un local à ordures

En bordure de bordel
Les hommes en Marcel
Vivent à fond les décibels

En bordure de bordel
Les femmes du grand Arthur
Se perchent sur des chaussures

En bordure de bordel
Les sexes les plus espiègles
Se mêlent ou se démêlent

En bordure de bordel
L'amour y court toujours
Le risque du faux jour


Vigne vierge

Ces doigts écarquillés sur la pierre lézardée sont des feuilles de vigne vierge, luisantes d'un pieux désir. La gloire d'été suspend le temps. La nature, d'avant septembre, à l'heure des coloris décatis, crie sa splendeur de bête fauve à luxure consentie. Soir ostentatoire de ses mille plaies dentelées.

dimanche 21 août 2011

Le dérouleur

Nous avons cheminé d'une échoppe à l'autre, de Casa à Ma Maison, de La Foirfouille à Brico, dans la joie des neuves marchandises. Tournée des grands ducs. Nous avons erré parmi les rayons saturés d'ustensiles. Le désir se vautre dans ces travées de convoitise.
Nous avons comparé les mérites des "dérouleurs papier toilettes", touché, soupesé, brandi les majestueux bidules, froncé nos visages au voisinage d'un grand mystère.
L'été meurt dans un long cri bleu. Stridente hémorragie. On laisse mûrir la réflexion comme une gerbe de blés blonds. On quitte le beau Brico, la conscience égarée dans les abîmes du doute. L'art ménager nous donne du fil à retordre. Il est loin le bonheur des trouvailles. Nous avions acquis, sur un coup de tête, sans barguigner, la première toile venue d'un peintre cosaque.