vendredi 29 avril 2011

Mariage

Les peuples en pincent pour les princes. Comme toujours, les Windsor font très fort. Au point de faire de l'ombre à la béatification d'un pape. Kate et William sont les mariés de l'an 11. Le business de l'actualité heureuse s'en donne à coeur joie.
Dans un monde de nababs industriels à train de vie tapageur, les têtes couronnées conservent une certaine humanité. Les vieilles familles gardent une légitimité d'avance sur les nouveaux riches à fortune récente. En France, dans cette douce et belle république, nous n'avons que les relations affectueuses de Martine et Dominique à nous mettre sous la dent. C'est un mariage qui est loin d'être fait. Rien n'est scellé. On aimerait qu'ils éprouvent les mêmes sentiments que Kate et William.

jeudi 28 avril 2011

Le lutin de la lucarne

La télévision excelle en direct. C'est alors un art de percussion, de brièveté, de fulgurance. Ses images à jets continus cessent un instant de se brouiller dans nos mémoires fourbues. Car certains soirs heureux, l'image de passage stationne devant nos yeux. Mercredi sur TF1, Lionel Messi le footballeur, a surgi du néant, s'est extrait d'une médiocre partie, l'a sauvée de ses odieuses brutalités. Le lutin argentin dribble l'un après l'autre cinq défenseurs madrilènes, et du pied droit, excentré sur la gauche, trompe Casillas - pas un manchot - d'un tir croisé imparable. L'image s'est arrêtée, s'est fixée dans une sorte d'éternité. A la télévision, une fraction de seconde suffit à exhiber la beauté d'un geste, à l'imprimer longtemps dans les têtes. Merci Messi.

Fraise des bois

"Le candidat de la normalité", c'est lui. Hollande. Mine réjouie, silhouette amincie, rhétorique du temps de la Mitterrandie. Ailleurs, les autres, des écuries voisines ou des crémeries rivales, endossent les pathologies du petit monde politique. Ils sont malades du nombril, sourds à la misère du peuple, loin des périls du quotidien. Hollande se démarque par le banal, se distingue par le normal, son nouveau masque d'animal présidentiel.
Bref, notre brave quinquagénaire, natif de Normandie et féru d'économie, argue de sa santé pour briguer l'Elysée. La discipline du régime témoigne pour lui. Même si ses joues roses n'ont pas fondu tout à fait. "Fraise des bois", le sobriquet meurtrier de Laurent Fabius à son endroit, a fait long feu. On ne l'écrasera pas comme cela, d'un coup de talon, sur le carrelage épousseté des primaires.

Colza

Suite dans les idées, négligé désordonné. On touille. Rigueur et fantaisie voisinent. Messe de Pâques bien empaquetée. Regards sans équilibre de fillette sur sa chaise de paille, distraite par la couleur de vitrail. Ses yeux de cuisante intensité.
Je ne parle pas la langue étrangère pour la bonne raison que je n'ai pas plusieurs mères. L'auto glisse entre deux haies de colza. Les "Bateaux" de Staël tiennent la dragée haute à Vermeer.
Il est le plus véloce au tombeau. Davantage aimé par Jésus. Jean, sprinter du mystère, arrivé premier au sommet. L'amour donne des ailes.

mercredi 27 avril 2011

Citoyens simplets ?

L'article de M. Badinter (Le Monde daté du 28 avril), consacré au projet présidentiel d'introduire des non-magistrats dans la composition des jurys des tribunaux correctionnels, exprime une considération singulièrement hautaine du peuple. Une certaine morgue patricienne guide sa plume. L'ancien ministre désigne les nouveaux jurés de "simples citoyens", voire de "citoyens ordinaires". Ces condescendantes appellations laissent entendre qu'a contrario les magistrats de métier sont des "citoyens complexes" ou des "citoyens extraordinaires". Jean-Luc Godard a jadis rabaissé le caquet des corporatismes cinématographiques en parlant plaisamment des "professionnels de la profession". En matière judiciaire, un même vent de liberté relèverait de la salubrité publique. Il dépoussièrerait les vieilles consciences remplies de suffisance.
A vrai dire, on se demande si dans la bouche des élites légitimes du droit l'expression "simples citoyens" ne signifie pas "citoyens simples", pour ne pas dire "simplets". Ces aimables qualificatifs, qui créent des niveaux de distinction dans la citoyenneté, sont destinés à fustiger "le populisme judiciaire". Ce mot galvaudé de "populisme", jeté en pâture, réveille les manichéismes sécuritaires. "Populisme" est un vocable dont le sens m'échappe, à moins qu'il ne s'agisse de discréditer - sans autre forme de procès - un hypothétique "mauvais peuple".
Bref, la laborieuse leçon de l'ancien garde des sceaux use d'un ton de dame patronnesse, assez détestable.

Ouste !

Nourissier sait ressemeler les souliers. Dans "A défaut de génie", la langue française est bien chaussée. Elle peut cheminer à son aise dans la tête du lecteur. La laideur est plus forte que la mort. L'artiste n'écrit pas, le pistolet sur la tempe. Il pratique la chirurgie esthétique de son propre visage. Il se refait, non pas une jeunesse, mais une illusoire beauté de papier. Nourissier noircit la page, barbouille son triste visage. Il rate sa tête comme Giacometti échoue au seuil du portrait. Il vieillit, épaissit les rides de sa disgrâce. Il fait l'économie du mot fin: "ouste !"

vendredi 22 avril 2011

Bouche bée

Je pose mes yeux, les repose du rythme anxieux. La peinture fixe les tumultes, calme les tourbillons, épingle l'aile vive du papillon.
La peinture recrée de la vitesse, libère l'espace intérieur. D'entrée, l'oeil stationne en plein mur, côtoie la lumière qui chatoie. Il est ivre de la joie de voir. La télévision révèle et magnifie la toile. Mouette esquissée au bas du visage. Lèvres à peine rouges de Manet. Joues en feu d'une bouche bée.

Negroni

La serveuse rigole. Jeune, vivace, à sa place. Fessier bombé cantonné dans un jean. Souriante oublieuse des cocas rondelles. Nous avons dévalé des pentes bosselées, introduit nos skis dans des rails de neige. La montagne saigne, à même le roc.
Il fait froid malgré le soleil roi. Les bambins à casque dégringolent en file indienne. Mes poignets ont rougi. Je commande un Negroni. L'alcool anglais ne fait qu'une bouchée de l'espiègle campari. Je bois sans loi. Transat à la terrasse du Fitz Roy. Je vole du temps au marchand d'agrément.

vendredi 15 avril 2011

Hulot et Galouzeau

Grand. Debout. Parlant. C'est la posture du prétendant. Hulot s'est jeté à l'eau. Il se situe dans la tradition du col ouvert "nouveau philosophe", dans la droite lignée du bronzage à l'année des publicitaires. Il disserte sur la terre. Il parle de planète aux martiens électeurs, gens de proximité, rivés à l'horizon des quittances, notes et autres dettes. Un léger tic au-dessus des lèvres s'invite au beau discours.
Villepin flamboie dans l'amour de soi. Il s'est retranché dans son coin presse. Il soliloque son projet, fonce vent du bas vers un retour de l'Etat. Villepin ferraille, asticote l'Elysée, rêve que le petit président détale comme un lapin. Nabab contre nabot. Hulot et Galouzeau n'ont pas froid aux yeux. En cas de panne oratoire, ils assurent le spectacle.

jeudi 14 avril 2011

Hôtel Bellecôte

C'est un espace carré que deux murs d'angle pourvoient en lumière. Chambre miniature, postée en sentinelle, à couleur miel de bois pêle-mêle, à portée des grandes fées des neiges.
Le soleil mordille le ciselé des sommets. Il se hisse jusqu'au bleu lisse des précipices. Il règne sur les lieux, domine les yeux. Il éblouit le dormeur du lit. Jour d'avril, se découvrent les doigts habiles d'une gracile majesté. La montagne luit d'un éclat venimeux.

Nourissier

Je musarde dans le gros volume de Nourissier. Lecture d'avant-dîner. J'ai cédé à sa mauvaise tentation. J'ai ressenti de la pitié suspecte pour le vieil homme défait. Jusqu'alors, j'étais dissuadé par l'ennui d'un visage. J'évitais sa barbante mélancolie.
"A défaut de génie" est un livre sans cérémonie, un manuel de coquetterie. Nourissier s'applique. Il donne un ultime coup de collier pour figurer sur la liste des épargnés. A corps perdu. Vain courage d'enragé. L'ancien compagnon d'Aragon n'est pas un grand fêlé des mots. Il n'est pas brûlé au dernier degré. C'est un bon serviteur, comblé d'orgueil et d'honneur. Il fait de son mieux. Il écrit juste, net et concis.
Il nous émeut à vouloir nous sourire un peu, du coin de ses yeux embués. Il parle comme personne de la maladie de Parkinson. Il cause du malheur, l'évoque de l'intérieur. Je lui dois d'avoir revu mon père derrière sa phrase lucide. D'avoir peut-être conversé avec lui, partagé sa longue douleur muette. Avant d'entrer, j'ôte mon chapeau.

mardi 5 avril 2011

Valéry Larbaud

Avant de partir vers un ailleurs trompeur, je me protège du chaos au dehors. Depuis trois décennies, je glisse dans ma poche "Fermina Marquez". Je me plais à la permanence sur ma hanche de la jolie Colombienne. La qualité de la villégiature importe peu. J'ouvre le mince écrit du styliste de Vichy, traducteur de Joyce. Je ne chemine jamais loin. J'abandonne. Je tombe de ma selle. Je chois dans l'ennui.
Je m'arc-boute sur la nouvelle de Larbaud. J'y reviens toujours. En mémoire de Staël. "Fermina Marquez" est le dernier livre lu par le peintre russe. Avant de sauter dans le vide, Nicolas de Staël a déchiffré ces lignes. L'éclatante apparition de Fermina a valeur d'épiphanie. Un jour, il faut que je sache. Il faut que me soit révélée la culpabilité de l'héroïne de Larbaud. Je ne désespère pas. Je sais guetter l'oiseau, à l'heure propice, quand les jours finissent.

Un projet sans visage

Partition sans soliste. PSS. Le parti socialiste dévoile un projet sans visage. Il se caricature dans ses procédures d'appareil. A lire la feuille de route, l'Etat se requinque. L'Etat abrège sa cure de modestie. L'Etat reprend du poil de la bête. La dépense publique est sanctuarisée: elle jouit d'un statut de divinité laïque. Le déficit n'est pas considéré comme l'envers de la réussite. Le projet promet, la réalité s'entête.
Le projet se cherche un maître, une voix pour le faire connaître. Au fond: pas sûr. Car le projet est un cadre de contraintes, de mesures impérieuses, de recettes désincarnées. Or les prétendants au trône misent avant tout sur leur bonne tête. Avec le projet se termine l'épisode papier. On entre dans le dur. Commence la rivalité sanglante.