jeudi 30 juin 2011

Désir, Harlem

Désir comme DSK à Manhattan. Harlem comme la femme de chambre du Sofitel. Harlem Désir fait l'intérim rue de Solférino. Premier secrétaire à patronyme publicitaire, Harlem Désir ravive la cicatrice DSK.
Harlem et Désir sont des noms maudits dans l'inconscient socialiste. A son corps défendant, Harlem Désir remue la plaie à peine sèche, ressuscite le terrible souvenir du "coup de tonnerre".

mercredi 29 juin 2011

Filles de

Marine, Martine. A une lettre près, elles se prénomment pareil. Aubry, fille Delors. Le Pen, fille de Jean-Marie. Brune de gauche et blonde de droite.
Ces deux filles du sérail briguent l'Elysée que leurs pères firent jadis semblant de convoiter. Ces deux filles à papa savent l'âpreté du combat. L'énarque et l'avocate résument à elles deux la sociologie dominante du monde politique. Les deux filières du pouvoir se partagent les premières loges.
Côté barreau figurent Sarkozy, Borloo, Montebourg. Côté énarchie, on dénombre une kyrielle de leaders socialistes (Hollande, Royal, Moscovici, Fabius) et de ténors de droite (Copé, Juppé, Villepin).
Marine et Martine se jettent dans la bagarre présidentielle avec des souvenirs de famille. Leur statut de néophytes est un leurre, un trompe-l'oeil, une erreur d'appréciation sur les vertus politiques des deux soldates. Mais elles n'ont rien de commun. Leurs idées se situent aux antipodes. Leurs pères se détestaient cordialement. Elles visent toutes les deux une qualification en finale. La troisième place, la plus mauvaise, torpillerait l'avenir à gauche, ruinerait à jamais les ambitions de Martine. Même si c'est son rang de sortie à l'Ena.

Bac Langues

Bercy vacant. Motif de remaniement. Excitation des ambitions. Guéguerre de prétendants. La blonde Pécresse rime avec la pire des crasses. Les perroquets ne chôment pas, répètent à l'envi qu'il faut parler anglais. Lagarde a décroché un stage à Washington pour entretenir l'idiome. Baroin baragouine, se mélange les pinceaux dans la langue du dollar. Le Maire moissonne moderne, ratisse polyglotte. Ils sont inscrits au bac langues. Résultats sur Internet.

mardi 28 juin 2011

Petite annonce

Le poste est à pourvoir d'ici mai 2012. Les candidats ne manquent pas. Ils multiplient les tours de chauffe et rodent leurs argumentaires. Les sergents recruteurs sous-traitent l'embauche à des chasseurs de têtes renommés, les instituts de sondage.
La sélection s'effectuera sur projet plus que sur dossier. La maîtrise de l'outil communicationnel est requise. L'aisance à l'oral est privilégiée au détriment des qualités rédactionnelles. Les profils varient. Même si l'Ena et l'Ecole du Barreau prévalent. Les postulants sont invités à peaufiner leur vidéo de présentation et à la poster sur YouTube.
A ce stade, un seul but les mobilise: décrocher un premier entretien avec Mme Ferrari, la DRH, généralement en fin de journée à 20 heures. C'est le grand oral qui lance la stratégie de candidature. Les papabile sont dans leurs petits souliers, ils se mettent sur leur 31. Une audition ratée est éliminatoire.
Mais d'ici la date de vacance du poste, les entretiens qualificatifs ont vocation à se succéder jusqu'à la délibération finale de tous les salariés de la compagnie. Jamais le marché de l'emploi n'a été aussi tendu, notamment pour les seniors, qui répondent en masse à la petite annonce.

lundi 27 juin 2011

Sardaigne

J'ai la nostalgie de l'Italie, des voyelles de Sardaigne, des ciels voyous de Pula, des rouges sonores de la mer. Je vois les citronniers aux ombres dessinés. Je revois les visages.
Manuela, la marchande de Padoue, Anna masseuse à doigts de fée, Elena, la joueuse de tennis, Giuseppe, l'embrouillé sommelier, Roberto, jovial garçon de bain.
Le paradis de Pula est rangé des voitures. Il s'est perdu comme celui de Mésopotamie. Je l'exhume des décombres de l'oubli.

vendredi 24 juin 2011

Galliano

"Pour fabriquer de l'émotion, un homme doit conclure un contrat de travail avec la folie". Christian Dior parle boutique. La couture fixe des vertiges. Le style côtoie l'abîme. C'est un métier cousu de fil blanc. Galliano débloque comme Céline éructe. Il se fourvoie à côté de ses oeuvres. Galliano ne se confie qu'aux stupéfiants. Il récite un chapelet d'insanités à la figure de la première venue. Il déconne grave. Opium, faute de podiums. L'accoutumance à la beauté signe ses forfaits illimités. Dior l'a dédouané d'avance.

jeudi 23 juin 2011

Les soldes

Ruée des soldes. Furie du bac. Même calendrier de kermesse commerciale. Feu vert simultané à la grande braderie. On farfouille dans les bacs, on solde les notes au bic. Trop de bonnes affaires et trop de lauréats. Tourne à plein la grande roue des ristournes. On fourgue la camelote à qui mieux mieux. On fabrique du bachelier à tire-larigot. Le bon Web souffle les réponses. Internet donne le coup de grâce. Photographie de groupe des énoncés avant l'épreuve. Le bac n'est pas l'euro: on le dévalue sans crainte de doper les exportations. Les soldes s'emballent. On sent la rage d'en finir chez les soldats de l'achat. Tout doit disparaître. Y compris le baccalauréat.

mercredi 22 juin 2011

Vélo

Dans ma campagne première, dans ma contrée lointaine, je me souviens des longs adolescents perchés sur leur vélo, suspendus à l'ennui des jours désoeuvrés. Je me souviens de ces pistards sans projet, les doigts sur le frein, qui rongeaient leur jeunesse, sous un crachin stationnaire.
Figures pétrifiées, stoppées devant la porte écaillée de la ferme des pères. Gardiens mauvais d'un lancinant automne. Sa lumière de rouille ordinaire glissait sur leurs bouilles réfractaires. Il n'y a rien de libre dans l'équilibre. On est crispé sur le guidon.

Morale

Retour aux fondamentaux au voisinage des préaux. La leçon de morale est réhabilitée. Ecrite à la craie, avec soin, pleins et déliés. A côté de la carte de géographie Vidal de La Blache. Les écoliers en tablier gris réciteront des maximes de belles âmes. Les mots de douce tolérance sont sollicités pour calmer les ardeurs récurrentes de l'incivilité. On se tabasse à mort à la récré. Il appartient au blabla vertueux d'éradiquer la violence à l'école.
La morale souffre de ses mauvaises fréquentations. Les gangsters l'invoquent volontiers à l'heure du partage du butin. On se liquide en son nom dans des ruelles sans horizon. La morale ne s'enseigne pas avec du vent, des mots de parlement. Elle s'apprend sur le tas, on se l'approprie par l'exemple. Pour ce faire, la bonne conduite des notoires et autres stars de pouvoir est nécessaire. Faute de quoi, la morale est une tartufferie de gros bourgeois.

Théodule

Dans leur tribune du Monde rédigée en forme de plaidoyer pro domo, les membres du Conseil d'analyse de la société - sorti de l'anonymat par la révélation de la rémunération alambiquée de son président - évoquent le temps du général de Gaulle "où le pouvoir n'avait qu'à vouloir pour faire". J'ai lu et relu ce bout de phrase sans parvenir à en percer le mystère. Que signifie-t-il ? Qu'à l'époque du grand homme, l'exercice de la volonté suffisait pour entreprendre ?
Si les signataires du texte sibyllin veulent dire cela, je m'étonne alors de pareil angélisme collectif. Nos experts s'aveuglent sur la maîtrise du destin national. Quand Charles de Gaulle usa de l'expression "comité Théodule" ("L'essentiel pour moi, ce n'est pas ce que peuvent penser le comité Gustave, le comité Théodule ou le comité Hyppolite, c'est ce que veut le pays", discours d'Orange du 25 septembre 1963), le pays traversait une crise économique nécessitant un très rigoureux "plan de stabilisation".
Le farouche vouloir du chef illustre exigeait un savoir-faire manoeuvrier au service d'une vision de l'avenir. Doigté politique et grand dessein font aujourd'hui cruellement défaut. L'actuel monarque républicain manque sans doute de hauteur.

mardi 21 juin 2011

Un état d'âme

Hadopi fait de la publicité dans la cité, de la réclame avec ramdam. Elle révèle son ignorance crasse des ressorts de la création.
Qu'est ce qu'une oeuvre ? Qu'est ce qu'un auteur ? Le boulanger n'est pas l'auteur de son pain qui n'est pas une oeuvre. Un auteur, c'est quelqu'un qui parle en son nom propre.
La copie des oeuvres s'inscrit dans un schéma de consommation qui élude la question de la création. On consomme le corps de l'oeuvre sans jamais en pénétrer le secret, accéder à son âme.
Or il est de bonne théologie que de considérer l'âme incessible: elle ne se vend pas pour une bouchée de pain ou un droit d'auteur. L'âme est fugace, légère, fragile. L'oeuvre tient son magnétisme de sa précarité originelle. Sa discrétion et sa quasi-absence sont de fondation.
L'oeuvre - et je risque là une définition, la mienne -, c'est justement ce qui aurait très bien pu ne pas être. L'oeuvre se situe au plus près du non-créé, à proximité du non-né. Elle coudoie le néant. Elle voisine avec le vertige. Ce miracle de l'oeuvre exerce une fascination, celle du vivant aléatoire, d'une vie infime qui persiste malgré tout, qui résiste à la disparition, qui s'arrache de la page blanche sans crier gare. Elle s'impose à l'auteur. D'autorité, si j'ose dire.
Il eût suffi d'un rien, d'un caprice de l'âme ou d'une circonstance du corps, pour que l'oeuvre n'advienne point. L'oeuvre s'affranchit de l'économie. Elle séjourne dans les limbes, elle s'évanouit comme un fantôme, elle se donne comme une grâce.

jeudi 16 juin 2011

L'origine des carlingues

Patrie, patriote, patriotisme. Ces mots désuets reprennent vie au pays. L'économie anémiée sollicite l'évocation de la terre des pères, ravive l'exaltation d'une fibre nationale, hier taxée de passéisme guerrier.
On doit cette subite réhabilitation de la patrie à la libre politique des achats de la compagnie Air France. L'entreprise commande des Boeing sans se soucier outre mesure de l'origine des carlingues. L'éthique citoyenne lui interdit le délit de faciès aérien.
Du corporatisme industriel au patriotisme économique, le sillage est tracé d'avance dans le ciel national. Notre champion local a travaillé au corps de doctrine nos gouvernants Etato-libéraux.
Bref, on gomme des décennies de libre-échange et on récrit, de sa plus belle plume, un nouveau chapitre du protectionnisme français.
Le patriotisme économique n'est plus une valeur maudite, d'inspiration lepéniste. Finie la diabolisation des préférences nationales. Voici venu le temps des représailles anti-concurrentielles. Le pays se réfugie dans la nostalgie.

mercredi 15 juin 2011

Lucky Luc

Un conseiller réputé "spécial" du locataire de l'Elysée considère qu'il est normal, courant, banal, qu'un fonctionnaire de l'Etat soit rémunéré pour des travaux qu'il n'exécute pas au motif qu'il en accomplit d'autres. Il s'exprime quasiment dans ces termes sans sourciller le moins du monde.
L'absentéisme lucratif de Luc Ferry, figure notoire des médias et accessoirement ancien ministre de l'éducation, s'apparente à un vol à la tire universitaire. Fâcheuse exemplarité, et pas seulement pour les sauvageons des cités à l'abandon.
Le contempteur d'une idéologie soixante-huitarde, aujourd'hui bien datée, s'est enrichi sur le dos de la collectivité, sans contrepartie. Pas grave: Matignon défraie sur ses deniers l'université spoliée. Autrement dit, l'impôt supplée l'exaction du professeur de philosophie. Pareille allocation de l'argent public, légitimée en haut lieu et justifiée par la loi, traduit un infini mépris du peuple contribuable. La légalité du procédé avive la colère, fait déborder le vase de l'indignation. La République est bonne fille. Luc Ferry a bien de la chance. Lucky Luc !

mercredi 8 juin 2011

Voyoucratie

"Mentir comme Emmanuelli". C'est une expression destinée à devenir proverbiale. L'ancien ministre dément son doigt d'honneur parlementaire. Contre vents et marées, en flagrant délit, vidéo à l'appui. Ce mensonge éhonté mesure l'aplomb sans bornes des hommes publics, des petites gloires notoires de la République.
Dénier la réalité est une seconde nature politique, un sport de caste, le privilège des intouchables, qui se considèrent nés de la cuisse de Jupiter. On pressent pareille désinvolture décomplexée dans le minable épisode DSK. Mentir est la meilleure manière - ou la pire façon - de fuir ses responsabilités. Avec le risque d'une gangrène généralisée de la société. "Le poisson pourrit par la tête", aphorisme maoïste des temps soixante-huitards. Eclair de lucidité du tyran chinois. Car tout se passe comme si le mensonge ordinaire des puissants contaminait le corps social au point d'en justifier les exactions en tous genres. Ne pas alors s'étonner des fraudes massives et des tricheries d'usage qui discréditent l'école. Dans quelle voyoucratie souhaitons-nous vivre ?

mardi 7 juin 2011

L'homme et la femme

Non-coupable. Ce n'est pas moi. Je suis accusé à tort. Je nie les faits incriminés. DSK clame son innocence. Que vaut la parole d'un homme ? Autant que la plainte d'une femme ? Les mots de l'un contredisent les mots de l'autre. Les mots ont pris l'ascendant sur les choses. Les mots noircis des journaux s'accumulent en lieu et place de l'événement fugace.
L'homme et la femme savent la vérité de cette chambre d'hôtel. L'un ment, l'autre pas. Leur savoir secret est environné de paroles profuses. Il est enseveli sous l'ignorance bavarde des commentateurs. On observe le déferlement des langues déliées. Règne en maître l'opinion péremptoire.

lundi 6 juin 2011

Madame Dugenou

Madame Dugenou se prénomme Cécile. C'est la présidente des Verts. Sur les affiches, sa bonne tête d'électrice élimine d'avance les sujets qui fâchent. Cécile Dugenou est courtisée par François Hollande. Elle en devient toute rouge au point de ne pas voir en peinture Jean-Louis Borloo, le joyeux radical à mine écarlate.
Elle sourit de bonheur aux côtés de Nicolas Hulot. Elle lui a d'ailleurs demandé un autographe pour sa collection. L'usine à gaz écologiste n'a pas de secret pour elle. Cécile Dugenou nage dans la Vertitude comme un poisson dans l'eau.

vendredi 3 juin 2011

Bashung, bastringue

Veillée du souvenir. Jour d'Ascension. A la droite du rocker. Autour d'albums, faute de Bashung. Il s'est cassé. Pas que la corde vocale. Le rocker impose la prière. Bashung sur Arte: Achtung ! Attention aux yeux - l'élégant dandy. Attention musique - féline fêlure et mots précieux.
Prince en exil intérieur, Bashung nous débarrasse de la bastringue. C'est une musique entêtante comme un vin mauve, aux sensuelles arabesques et fins interstices. "Finale" , comme dit Céline de La Fontaine.
Aristocrate de son art, meilleur que le tapageur Gainsbourg, Bashung émeut par ses mots bleus transfigurés. Vaguement christique, à la Bowie, il meurt à son zénith, vit dans la belle parole de Miossec et Chedid. Chefs des rayons de télévision: osez Bashung !

jeudi 2 juin 2011

Staël

La musique, c'est le blanc sonore, l'invisible arc-en-ciel des couleurs. L'intouchable musique touche au plus profond. Elle ensorcèle le peintre et son art corporel. Le grand Russe s'est jeté sur la musique de manière éperdue. Il l'a ratée à plates coutures. La toile exhibe ses griffures. Il a écouté Webern, Schönberg, rencontré Boulez, lu Char et Larbaud.
Il s'approche de la terreur, manque la couleur. Il peint le trou rouge. Esquisse "Le Concert", piano mortuaire, violoncelle du désert. La musique se joue de la lumière. Elle leste le peintre d'une pesanteur de terre. Il s'emprisonne dans la geôle des sons. Il s'enivre du tête-à-tête de la musiquette. Les petits cris s'épaississent en coloris. De l'atelier d'Antibes, il ne peut sortir que par le ciel. Il coupe par le champ des oiseaux. C'est un corps grave, sans havre, qui chute de l'échelle. Victime d'une musique assassine.