lundi 31 octobre 2011

L'oeil du musée

Hypertrophie de l'oeil. Ces fétiches de bois font les gros yeux. Ils sont exorbités. Ils sont écarquillés devant l'énigme reine de l'aventure humaine.
L'oeil obscène traduit la défaite d'arrière-scène. Pas d'échappatoire au regard intérieur. Sensualité hautaine du poteau funéraire. L'oeil surplombe le mystère de la terre à vol d'oiseau.
Oreille, nez et bouche s'absentent du travail de figuration, du labeur de la forme. Plein la vue. Au détriment des variétés de silence et de bruit, des effluves et saveurs, des sourires innombrables du corps.
Travail est un gros mot, exporté d'une modernité braillarde. Les formes taillées du Musée du Quai Branly s'arrachent d'un temps noir de beauté, d'un temps scandé par la terreur, d'un temps modelé par la prière d'un faire. De travail et d'art, il n'est question pour un empire. La juste manière se frotte à l'exacte matière. Elles se grattent l'une l'autre dans une ferveur de flamme.
La mort est signalée de deux trous en pleine tête. L'arme blanche poignarde la notion d'art. L'homme d'ici pratique une médecine à même l'objet qu'il dessine.

dimanche 30 octobre 2011

Emb-Allemand

La chancelière est très colère. Elle gronde les habitants de la vieille Gaule comme de petits écoliers. Le président est dans ses petits souliers. Il lui faut revoir sa copie pour se faire bien voir de la Germanie. Il colle à la chancelière, multiplie les assurances précautionneuses, ravive un naturel obséquieux. La patronne ordonne, l'homme de l'Elysée exécute.
Dans l'insconscient collectif européen, le non-Allemand est un Grec qui s'ignore. D'où cette nouvelle manie de mimer la Germanie, d'oublier que la querelle est mère de la démocratie et de se plier à la seule discipline de Mme Merkel.
Mais cette Allemagne idéalisée n'existe que dans la tête embrouillée d'une France complexée. Nos yeux hexagonaux magnifient à l'excès un modèle allemand essoufflé. Car l'Allemagne souffre de déficits chroniques et d'handicaps majeurs: une démographie calamiteuse, une dette publique elle-aussi considérable, une industrie datée au potentiel technologique limité, une main d'oeuvre de qualification médiocre.
Autrement dit, l'avenir Outre-Rhin ne s'identifie pas à un enviable destin. C'est pourquoi "l'emb-Allemand" sarkozien n'est en rien justifié. Il se fonde sur des présupposés imaginaires.

vendredi 28 octobre 2011

Mordorure d'octobre

Quelque chose comme la splendeur: une touche de lumière fauve, un flash de rousseur rare. Les arbres rougeoient dans un ciel bleu roi. Brume sur la colline qui se devine. Les herbes de givre sont pigmentées de bêtes muettes, gravées dans l'éternité de vivre.
Mordorure d'octobre. Les doigts écarlates d'une feuille se décalquent sur la pierre. Au fil des émotions, l'imagination apprivoise le chaos, dessine le contour des choses. L'homme invente, projette ses peurs, comme l'enfant dans sa chambre.

mercredi 26 octobre 2011

Pétocharde Europe

Où sont les relais de croissance ? Les Etats s'endettent jusqu'au cou - avec la corde pour les pendre - faute d'économies suffisamment créatrices de richesses. L'Europe n'a pas plus d'idées que de pétrole pour faire pétarader sa vieille machine, son Vieux Continent branlant.
Ses penseurs sont désuets, datés dans leurs concepts. Dans Le Monde de l'Economie, Nicolas Baverez remise au grenier les poussiéreuses théories de Keynes conduisant aux calamiteuses relances par la demande. Il a raison.
Où sont les relais de croissance ? Dans l'éducation, la recherche et l'imagination, pardi !
L'industrie du numérique chamboule la donne, bouleverse la vie des hommes. Elle s'invente loin d'Europe, en Asie et en Californie, dans un climat propice à l'initiative privée.
N'en déplaise aux fâcheux écologistes, la croissance est à réamorcer coûte que coûte. C'est la clé de la sortie de crise. Or elle exige des Etats une lutte sans merci contre l'obésité publique. Il faut supprimer de grands pans administratifs stériles. La nature sait se débarrasser de branches mortes. De surcroît, il convient d'en finir avec un certain parasitisme bancaire, anti-capitaliste jusqu'à l'absurde.
La science et l'entreprise - c'est-à-dire le chercheur, l'inventeur et l'entrepreneur -, associées à l'école - c'est-à-dire une main d'oeuvre formée à l'excellence - , sont les priorités à privilégier pour sauver la pétocharde Europe d'une noyade annoncée.

mardi 25 octobre 2011

Embrasse pas

Une guitare. Une chaise. Non, un trépied. Soulier dessus, dans l'angle droit du genou délié. Brassens embrasse pas. Savoir de prostituée. Loin des morales de marioles.
L'homme marmonne une chanson. Bougonnerie d'un malappris. Chair de poule devant la foule. Brassens a des yeux de prince arabe, un regard de seigneur oriental.
Il est penché sur un for intérieur, pince une corde, souffle un mot, l'un après l'autre par coeur. Il murmure un poème à fines dentelures. Il désenchante. L'homme est rugueux, véhément, affectueux. Simple comme bonjour. Giacometti de music hall. Textes millimétrés, taillés, rimés aux plus gracieuses sonorités. La Fontaine d'un temps de morne plaine.
Et toujours ce regard sans collier, de longue indifférence, de lointaine nonchalance, de sombre sauvagerie, ces yeux sans esquive d'un timide Omar Sharif, au Sahara des solitudes.

Khadafi

L'histrion de Syrte est mort sous les clameurs de la foule. Mitraillé par la haine. Khadafi, cruel despote, jette un corps lacéré à la face du monde, adorateur d'images.
Ce colonel d'opérette, au faux air de Jack Lang, théâtralise son trépas, torse fier dans une boucherie de Misrata. Il est mort plus d'une fois. On l'a surtué comme jadis Mesrine à Paris.
La Libye est libérée, débarrassée d'un démon du désert. Est-elle pour "Otan" libre ?

lundi 24 octobre 2011

Là, maintenant

J'ai trois projets: aller rue Gauguet, sentir le lieu d'un gueux, d'un gars, d'un renégat; ouvrir l'un de ces albums d'art, errer au gré des pages, cueillir un mot à la sauvette comme une pâquerette; creuser Serres et son "Musique", chercher l'exact écho du panneau inachevé du Musée Picasso.
Retourner à Antibes, revoir papa, à presque mon âge, sanglé à sa place de mort. Choisir, chiche, le chemin de la corniche.
Rouge d'un roi. Bleu de Dieu. La blancheur d'un drap voile les alentours immédiats. La couleur explosive est une détonation dans les gencives. Là, maintenant.

L'amour sur les murs

L'amour sur les murs est la fêlure des artistes sourds. De Pisis à l'envers, "Nu" chahuté, tête en l'air, dans un coin de bunker Christie's. Lots à vau-l'eau.
De Pisis précise les contours d'une extase, l'ombre blafarde des trottoirs: "Paesaggio parigino".
On vend les toiles de Mandiargues sans jamais sauver les meubles. Elles sont frottées à l'encaustique de vieux yeux. Poète ou peintre, ils ont vécu dans la compagnie des épiphanies. Splendeurs de stupeur. L'amour sur les murs est la preuve, dure comme fer, des déserts de l'hiver.

Rugby heureux

A Auckland, on ne quémande qu'une médaille de gentleman. Beauté du geste: les voyous aiment les voyelles. Les poètes récriront le match avec des mots d'esthètes.
Rugby rugueux, rugby de preux. Rugby heureux. La victoire a souri à quinze endeuillés en habits de funérailles. La blanche équipe était mariée à la malchance. On a raté les poteaux, mais hérité des bravos. A deux doigts du trophée.

dimanche 23 octobre 2011

A un point près

Fin de partie. Les héros sont sur le carreau. Les Kiwis étaient cuits. Un point leur a suffi. Dusautoir exemplaire plante l'essai français au pied des poteaux. L'élégant capitaine troue une défense adverse à la peine.
Huit points au score: huit, comme le maillot du fier Harinordoquy, au bandeau cerclé de black, couleur de réglisse.
Les noirs vêtus sont arrivés au but avec un petit jeu de rue. Ils ont neutralisé nos meilleures cartouches. Nous ont manqué les soldats tombés: Parra, le gamin de Bourgoin, aux pommettes tuméfiées, et Clerc, le percutant finisseur d'innombrables champs de guerre.
Le point absent était logé dans l'étincelle de leurs prunelles, sur le banc des blessés. Car le quinze tricolore a bousculé la dure cohorte de Mc Caw. Mais sans ses précieux pourvoyeurs d'un jeu de feu, il s'est embourbé dans un rugby de barricades. Match de toniques corps à corps, scandé des rituels coups de pied stratégiques. Trop de prose récitée, pas assez de poésie déclamée.
L'équipe de Liévremont s'est fracassée sur le roc All Blacks comme une vague automate. A droite, à gauche, au centre. Les ruades de Mermoz et Rougerie se sont heurtés de front au verrou des hommes de Mc Caw.
Restent Médard et la magnifique troisième ligne: Imanol et ses deux voltigeurs, "Titi" et Bonnaire, le joueur-roi du tournoi. Mais l'arrière à rouflaquettes s'est enferré dans son talent d'esthète. Trinh-Duc joua l'attaque loin du pack. Yachvili, prémonitoire, rata sa première balle.
Dommage car le quintet de mêlée, les grognards de l'histoire, étaient calés pour le succès. A un point près.

jeudi 20 octobre 2011

Ses cheveux bleus

Marre d'Homère. Marre des ciels d'une mère spirituelle. Ulysse a lassé les banquiers. Cette Grèce endettée ne doute de rien. Pays vaurien qui vit au crochet de ses voisins. Il y a urgence à expédier la Grèce ad patres.
Pas de reconnaissance au lieu de notre naissance. L'ingratitude est notre solitude. L'Europe finit. En queue de poisson. Veut en finir avec une mère indigne. Ses cheveux bleus sont notre Méditerranée.
La Grèce fait défaut, fait des fautes d'épicerie. Faillite, déficit. Exit le Grec, Zorba menteur. Le Péloponnèse l'a mauvaise. D'une terre hospitalière, faire un hôtel borgne.
L'Europe usurière a tué sa mère. Palinodie des fils calculateurs. Une civilisation ne peut survivre au meurtre de Platon. La Grèce est au commencement. Aussitôt fait, aussitôt exécuté la sale besogne, l'Europe qui cogne aura chuté pareillement.

Inva Mula

Pétillement de lumières. Eruption du son. Remuement du sang. Faust impose son faste. Inva Mula. Voix humaine de lointaine Albanie. La voix déchire le corps de l'entre-soi. Broie les bruits du pourquoi. Voix de gorge, de gouffre et d'abîme.
Faust est une fête foraine avec ses bals, son diable, son mal de chien. Allagna courtise Marguerite, pactise avec le plaisir, cède à la liesse, s'abandonne à Méphistophélès.
On se souvient du derrière des lavandières, nonchalamment incendiaires, des robes rouges de désir. On songe à Courbet, à "la Toilette de la Mariée". A Fragonard, aux heures de rare délicatesse, à Fellini pour le cirque, le cri des grimaces et la pluie de confettis, à Bizet pour les baisers et le feu des bûchers.

mardi 18 octobre 2011

Terminus dérisoire

Nos rois s'estompent dans nos mémoires. Au premier coup de froid, leur gloire se mue en terminus dérisoire.
De Gaulle échappe aux attentats. Mais meurt en joueur de cartes. Pompidou n'habite plus son corps, enfle à vue d'oeil comme une rumeur de chair. Meurt debout jusqu'au bout.
Mitterrand est dévoré de l'intérieur par l'ambitieux cancer. Meurt en bonimenteur. Giscard s'aime trop pour mourir. Faux roi, il n'est pas sacrifiable.
Chirac meurt à petits feux, dans l'oubli de ce qu'il fut. Sarkozy a la vie devant lui, emmêlée dans sa frénésie. Il court vers la mort, s'en soucie comme d'une guigne. Sait-il lui-même qu'il figure sur la liste ?

Sang des pinceaux

Il est caché comme un dieu ouvrier. Tapi dans son tipi de peau-rouge. Il est retranché dans sa lumière de chair.
L'atelier de Staël, rue Gauguet, est un jardin de broussailles peintes, une cabane à toiles coquelicot, un ciel à demeure.
Il se frotte aux couleurs, les touche comme des porte-bonheur, s'y cramponne. A cause du vide qui environne. Il a peur des heures, ne craint ni désert, ni splendeur. Staël peint à l'abri, au chaud, dans le froid, au milieu de ses rois. Il s'est réfugié dans l'amitié d'une beauté scarifiée.
Trop de sang sur ses pinceaux. Il faut qu'il sorte.

Un certain chic apparatchik

Ce mot gaullien de rassemblement, il l'a prononcé à maintes reprises, jusqu'à plus soif. Avec succès. Hollande qui rassemble ne ressemble à personne. "Fraise des bois", que Fabius - le charitable auteur du désobligeant sobriquet - prétendait jadis écrabouiller d'un coup de talon, s'est hissé au-dessus de la mêlée socialiste. A la force de ses petits bras.
Cet homme sans éclat impose sa bonhomie dans un monde d'esbroufe. Il réhabilite un certain chic apparatchik. Hollande circule en boucle sur nos écrans comme un politicien d'autrefois, une image d'archive, hors du temps accéléré des enfants de Steve Jobs.
"Gauche molle" ? Gauche Guy Mollet, plutôt. Avec un zeste de Mitterrand - dans la gestuelle lyrique des meetings - et un soupçon de Pompidou - dans l'ironie tranquille des prunelles.
Hollande, vierge de tout maroquin qui fait les destins, est le favori du prochain scrutin. Stupéfiante aventure. Hollande, le candidat de Chirac, est un animal politique de singulière envergure.

jeudi 13 octobre 2011

La grand-mère

"Là où règne le flou se cache un loup". C'est la grand-mère de Martine qui le dit. Vérité d'ancêtre. Pensée forte comme un socialisme dur comme fer, chevillé à ses yeux revolver.
Mou, flou, loup: Martine se donne un mal fou pour discréditer le brave François, pas fier pour deux sous. Elle fustige son socialisme pas assez casse-cou. Mais François n'a rien d'un méchant loup et Martine n'est pas le petit chaperon rouge. Sinon, ça pourrait se gâter pour la grand-mère.

Si je suis président

Si je suis président, je rétablis le septennat, sans second mandat possible. Sept années pleines consacrées à l'application d'une oeuvre, d'un projet, d'une vision d'un vivre ensemble. Mandat unique, d'une durée significative, qui interdit la démagogie ou l'immobilisme d'une réélection.
Si je suis président, je fais de l'éducation nationale la priorité des priorités. Se souvenir au passage du mot de Lincoln: "Si vous trouvez que l'éducation coûte cher, essayez l'ignorance !".
Si je suis président, je supprime les régimes spéciaux et privilèges exorbitants - en matière fiscale et de retraites - dont jouissent les catégories professionnelles à forte visibilité sociale: parlementaires, journalistes, fonctionnaires. Car il en va de l'équité républicaine et de l'exemplarité politique.
Si je suis président, et dans le même esprit, je prends soin de ne pas décourager le secteur privé dont les initiatives sont les principales créations de richesses de la nation.
A vrai dire, "si je suis président", est une hypothèse de travail, entendue à plusieurs reprises dans la bouche des papabile des primaires socialistes. Mimétisme citoyen de l'électeur lambda, "si je suis président" est un acte, un tract de démocratie participative.

mercredi 12 octobre 2011

Vert jaune suspect

Vitre d'échoppe. Deux toiles sur la rue. Il peint à coups d'épaule. Vision de neige, du fleuve et des pierres de Paris. Arcs de peinture.
Il peint la couleur à venimeuse lumière. Tableau sans collier d'où s'échappe un cri bref. Vert jaune suspect, verni de luxe cru.
Staël est une sentinelle des rues. On passe sans voir les deux rectangles de taches luisantes. Peinture à peine sèche. On rate la double entrée d'artiste.

mardi 11 octobre 2011

Comment tu m'parles !

"Comment tu m'parles !". L'expression des cités résume le besoin criant de respect. Le charabia politique parle mal au peuple. C'est une langue grossière et publicitaire. Les mots lui manquent pour l'authenticité. Elle s'interdit la subtilité. Elle blesse notre bien national dans ses chevilles, l'égratigne dans sa syntaxe.
On dépossède le peuple de sa culture. Même les fracassantes primaires citoyennes viennent d'Amérique. De tout cela, les élites politiques s'en soucient comme d'une guigne.
André Gide écrivait joliment d'un ami: "Il parle du coeur comme d'autres parlent du nez". Or les petits princes qui nous gouvernent s'adressent au peuple dans les mêmes dispositions d'esprit.
Ils se comptent sur les doigts de la main les chefs politiques qui s'expriment correctement, qui haranguent la foule avec un soin littéraire minimal.
J'en distinguerai trois, taxés de populistes, qui causent au peuple dans les mots de leur langue: Le Pen père, Mélenchon et Montebourg. Ils arpentent les estrades en costume du dimanche, sans lui parler de travers, usant d'un verbe bien coiffé.
Au contraire des nantis, le peuple des plus mal lotis les plébiscitent pour leurs mots sentis, soucieux du dernier des biens des plus pauvres: la langue française.

Deux chefs gaulois

Mélembourg et Montechon haranguent la foule avec panache. Sur les tréteaux et les plateaux, ils sont tirés à quatre épingles. Le peuple de gauche apprécie qu'ils soient bien cravatés, y décèle un authentique respect à son endroit. L'un affiche un style patricien, une aisance giscardienne, une prestance de fils de famille. L'autre éructe un verbe flamboyant d'essence plus plébéienne.
Tous les deux sont de vindicatifs chefs gaulois désireux de bouter l'odieux marché hors des lieux. Ils plaident avec ferveur pour le retour au bercail des usines exilées, la réhabilitation des lignes Maginot d'antan, les vertus simples d'une douce France, aujourd'hui en déshérence. Ils aiment les mots de "peuple" et de "campagne" qui réveillent les nostalgies les plus passéistes.
Ils goûtent la beauté de la langue française avec une gourmandise désuète. Ils mouillent leurs chemises impeccables dans les terroirs reculés et les quartiers déshérités. Bref, ils donnent de la couleur à la République.

lundi 10 octobre 2011

La frénésie de Sarkozy

"Martine boude". C'est le titre d'une chanson de Bashung. C'est déjà de l'histoire ancienne. Martine esquisse un sourire, concède un ouf de soulagement. Ségolène sanglote comme une madeleine.
Arnaud bombe le torse, se hausse du col, perche sa voix de grand chambellan. La gauche de la gauche aime ses allures de gentleman des beaux quartiers. François ouvre de grands yeux, se tourne à droite, à gauche, fait la toupie - comme Vincent Clerc au rugby samedi -, mais ne marque pas l'essai salvateur. Il rit jaune.
Une odeur de sang imprègne déjà la primaire si policée des socialistes. On sent l'entrée en lice des grands fauves de la présidentielle. Borloo, Hulot, DSK se sont déjà faits manger dans l'arène.
La droite est ringardisée. Le succès populaire du scrutin socialiste touche la légitimité du président sortant.
La frénésie de Sarkozy s'est exercée sans vergogne tout au long d'un quinquennat. La frénésie du chef de l'Etat sera sollicitée durant la campagne. Curieuse frénésie qui accélère l'amnésie, table sur la vitesse et l'oubli. Elle squatte la personnalité du petit homme de l'Elysée.
Elle l'habite, le possède comme un diable.
Ce président stressé, le peuple en a assez. Il le rejette moins par la raison que par le sentiment.
Avec le temps, l'homme pressé a creusé les traits de sa caricature au-delà du supportable. Sarkozy fonce de manière inexorable dans le mur d'un seul mandat sec. Le cercle de ses obligés a été rongé à l'acide de sa brouillonne activité. Certes, sa séduction d'homme dur suffira à le qualifier pour le duel final. En revanche, elle échouera à réunir une majorité sur son nom.
Pour gagner, la droite aurait besoin d'un candidat chimérique, moitié Sarkozy, moitié Bayrou.
A Sarkozy, le forcing du premier tour. A Bayrou, le report maximal des voix au second tour. Car Bayrou ne sera jamais président, faute de savoir résoudre l'équation du premier tour. Sarkozy sera battu pour cause de splendide isolement.
D'où le destin à la Giscard d'un Sarkozy trop juste dans les urnes, trop loin de la crise au quotidien. Bref, "ça va pas le faire", comme on dit dans les conversations de bistrot.
Tassé dans son coin, tel un boxeur groggy, Sarkozy engrange son énergie, mûrit sa revanche au contact des puissants. La frénésie de Sarkozy est à nouveau dopée par une farouche envie de remonter sur le ring, de revivre la griserie des sauvages pugilats de campagne.

vendredi 7 octobre 2011

Charbon

L'écriture est un lieu destiné où il fait bon batailler, se chauffer au charbon. C'est une parole coincée dans le fil barbelé des mots dessinés. La sonorité est épinglée dans un cahier comme un papillon d'été. Le goût de chair a fui les missels. Restent les os sur la peau.

jeudi 6 octobre 2011

Le patronyme de l'emploi

Il est des patronymes exacts qui qualifient à merveille leurs heureux titulaires. "De Gaulle" évoque la nation dont s'enticha le grand homme. "Chateaubriand" suggère la majesté d'un style.
"Jobs" est le nom rêvé d'un capitaine d'industrie multiplicateur d'emplois.

mercredi 5 octobre 2011

Dette et fadette

Dette, fadette et fantaisie. Marre de la dette, par-dessus la tête. Haro sur la dette à profil grec. La cigale est méchante comme une gale. Extinction des fourmis, fin d'une espèce.
"La petite Fadette", roman champêtre de George Sand. Fadette ne désigne pas les fadas de la dette. Fadette s'est reconvertie dans le flicage des voix.
A l'instar de sa jeunesse auditive, l'Etat est bardé d'un casque et d'écouteurs. Il contrôle les coups de gueule. Il fauche l'argent, fiche et fâche les gens.
Hollande a une mine de chanoine. Les temps de dette et de fadette n'entament pas sa foi en des lendemains de fête.

mardi 4 octobre 2011

Rase campagne

Simone Weil l'écrivit avec fulgurance: "On ne possède que ce à quoi on renonce". La désertion de Jean-Louis Borloo peut tout autant se lire comme un abandon en rase campagne.
Ou autrement, comme l'exercice baudelairien d'une liberté: celle de s'en aller. La sentence paradoxale de la philosophe d'Ashford indique le lieu des vraies richesses. On songe à Charles de Gaulle. "Je cesse d'exercer mes fonctions de président de la République. Cette décision prend effet aujourd'hui à midi".
Départ vaguement gaullien de Borloo, à la manière modérée du centre, sans panache ni grand écho.

lundi 3 octobre 2011

Ciel de campagne

Sarkozy s'agite moins. Il teste sa puissance, sa capacité de nuisance. Du coup, Borloo s'agenouille. Borloo prend l'eau. Borloo s'éclipse. Juppé clignote.
De nouveaux signaux miroitent dans le ciel de campagne. Villepin court comme un lapin à la recherche d'un destin. Bayrou a fait son trou au centre. Il gère les petites béances de son gruyère. Marine l'héritière incarne le simplisme à front de nation.
D'une semaine à l'autre, les candidats de gauche font le buzz en répondant aux questions d'un quiz télévisé. Mon fils me le rappelle par sms: la primaire se divise en deux, l'élémentaire et le moyen.
Sarkozy s'agite moins. On s'endort sur des lauriers fanés. Tonga, cent mille habitants, a perforé les lignes du quinze tricolore.