mardi 30 avril 2013

Une autre histoire

Depuis des jours, mon corps est empêché. J'ai le séant réfractaire, la frontière du postérieur douloureuse. Je ne me dresse qu'avec ruse et calcul de moindre souffrance.
La posture debout est une prouesse de la nature. J'en ressens la fragile réussite, les modestes acquis. La courbure du corps se fige en froide caricature. Le bas du dos colle au lavabo.
S'extraire d'une baignoire est une autre histoire. On se contente d'un ventre d'animal rampant. On use du corps comme d'une vertu sobre, économe de ses menus transports.
Je m'enduis d'une pommade jaune qui colore d'automne la dégringolade du sort, la mauvaise pioche du corps.

lundi 29 avril 2013

Victoire provisoire

Victoire provisoire des volontés solaires. L'imaginaire sèche au fil d'une page. Le songe d'imprimerie comble les blancs de lingerie. Il suinte des doigts comme l'encre d'une loi ou le feu d'une joie.
Le soleil bivouaque dans un ciel pastel, chauffe la nuque insomniaque. Victoire provisoire sur les déboires. Il déploie son gros rire, enfle une joue de pamplemousse.
Peur du mauvais quart d'heure. L'homme des pluies est l'ami des sursis. Il nie qu'il est puni, qu'il vit dans un taudis, au pays de gris malappris. Il s'extasie devant la nuit et ses sosies.

jeudi 25 avril 2013

Le bien le plus précieux

La langue française vibre dans notre chair comme une confidence murmurée, le legs exclusif des mères. C'est une patrie intime, plus vaste que la géographie, où nous sentons, respirons et pensons, dans l'amitié de ses sonorités. Nous y sommes libres comme l'air. Nous y sommes aussi prisonniers des exigences de sa beauté.
La frivolité d'une ministre, insensible aux devoirs de sa charge, provoque une colère bleu, blanc, rouge. Au nom d'une fallacieuse modernité, elle poignarde l'université en lui substituant l'idiome d'empire, le parler de Shakespeare. Impéritie des dignitaires du pays. Haute trahison des chefs. Je demande le peloton d'exécution.
A regarder de près l'évolution des parlers, la langue de Voltaire s'exprime par-delà ses frontières, s'exporte aux confins de la planète. L'Afrique et l'Asie, continents de vive renaissance, sont terres d'hospitalité des mots de Queneau, Larbaud ou Giono.
Notre langue est "un avantage comparatif", économisme oblige, qu'il convient de conforter. Madame Fioraso s'emmêle dans ses fioritures. Elle préconise de délocaliser le français de l'université, de la nettoyer de ce baragouin désuet. Elle se soucie de la langue de sa mère comme d'une guigne. Elle s'en libère comme d'une ringardise embarrassante qui pénaliserait sa carrière.
Au fond, elle souhaite dérober aux plus pauvres leur cassette, subtiliser leur bien le plus précieux: la langue de leurs aïeux qui est celle de Montesquieu.

mercredi 24 avril 2013

Il Pacifico

La lèvre du verre est enduite d'un sel coruscant. La tequila se boit d'une traite, à la santé d'une beauté brune de Vallarta, dans la brûlante sympathie d'un lendemain de fête.
La mer est tachetée des fêlures de l'été. Il Pacifico se jette à mon cou, gicle en écho sur mon dos. La vague affectueuse repose une main de tueuse.
J'ignore le brave patois des hommes en émoi. Je parle la langue de ma mère. M'intéressent modérément les incertains baragouins. M'intéresse peu, m'intéresse pas la langue des mères des autres. Ce choix est une loi. Je reste poli malgré ma fantaisie. Je transmets en mon idiome "bien des choses à leur dame".

mardi 23 avril 2013

Un pauvre diable

J'ai franchi le périphérique. Je me balade dans la banlieue des yeux. Très loin du centre identitaire, de la télévision sécuritaire. J'accède à des images délaissées, à des antennes sans collier.
Je regarde un homme assis qui parle de lui sans ironie, exprime une forfanterie, manifeste une goujaterie. L'ancienne gloire, coutumière des miroirs, définit la beauté comme une divinité. Devant laquelle on s'assied. Le fat dit cela avec l'éclat du blabla. Pourquoi pas se vautrer, pendant qu'on y est ?.
Non. La beauté requiert la verticalité. On se lève à son passage, on se décoiffe à son voisinage. Minimum d'honnête homme. Le vieil aboyeur de nouvelles aime s'avachir devant les ciels. Donne pas sa place à la belle dame. Monsieur Poivre est un pauvre diable.

lundi 22 avril 2013

Frères de terreur

Il y a pire que les frère ennemis, il y a pire que la rivalité fratricide. La rage de Tamerlan et Djokhar excède la fureur de Caïn et Abel. Les frères de terreur sont les opérateurs de calamités supérieures.
A certains égards, la famille fragilise la société, lui fait courir de considérables périls. Car la relation des frères nous conduit aux portes de l'enfer.
Leur complicité menace davantage que leur animosité. L'actuel terrorisme se nourrit d'affections fraternelles. Frères Tsarnaev, frères Mérah. Frères Musulmans, pas seulement frères de sang. La fraternité s'est diabolisée. Le mesuré John Kerry évoque d'ailleurs "le diable" à leur endroit.
La famille sécrète une perversité, à mille lieues du cliché vieux jeu de saine normalité. Les frères de terreur sont d'imprévisibles fauteurs d'horreur.
Les tueries de Toulouse et du marathon de Boston sont annonciatrices du jaillissement de petits gangs familiaux, d'un artisanat de l'attentat démultiplié, sortes de PME de l'odieux. Au royaume désormais ordinaire des terreurs Internet, toute famille est suspecte.

dimanche 21 avril 2013

Sacré bonsoir

Je chemine dans Paris comme le malappris sur le lieu d'un crime. Le vent désordonne le bon ton des silhouettes. Le sang du ciel gicle du cri des voyelles. Les trouées du Louvre sont saturées d'un même bleu.
L'Asie défile dans les couloirs du mausolée. J'ai l'Italie en ligne de mire. A droite des marches, la toile murale de Sandro Botticelli rabroue les malpolis. "Vénus et les trois Grâces" est belle d'être défigurée. Sa vieillesse pastel ensorcèle. La couleur écaillée s'imagine d'un précieux rose maniéré. Je m'assieds dans l'espace libre. Je m'assieds pour voir de moins près et ne rien privilégier.
Féérique Uccello guerrier. Noir de gloire. Dans la longue allée d'Italie, je stoppe devant le tableau de Jacopo Carruci, dit Il Pontormo. C'est le portrait d'un homme frondeur, à regard batailleur. L'artiste ose la virtuosité, clame son métier, sacré bonsoir, flanque sa figure dans les yeux, ne doute un seul instant qu'il sait peindre.

vendredi 19 avril 2013

Mémoire et beauté

Jean-Luc Godard affectionnait en sa jeunesse la phrase de Rainer Maria Rilke:"La beauté est le commencement de la terreur supportable".
A moitié éveillé, enlisé dans une bourbe d'images, j'ai stoppé ma dégringolade de zapping impulsif. J'ai hasardé une halte, calé la télévision dans sa fixité de front de taureau.
Je me suis raccroché aux branches d'un pédiatre académique, Aldo Naouri, convive content d'une braillarde table ronde.
A son corps défendant, le médecin ranima la parole du poète, amant de la jolie Baladine, mère de Balthus. Il définissait le souvenir comme le début de la mémoire acceptable.
Dans l'abîme d'une conscience tailladée, les traces de présent sont des brûlures vives. La mémoire fabrique des images destinées à édulcorer l'insoutenable vérité. Les souvenirs sont des leurres visant à apaiser l'intolérable douleur de chair.

mercredi 17 avril 2013

Déhanchement Internet

Dandinement des fesses. Le mouvement du postérieur signe la gravité de l'heure. Oscillation parallèle des doigts, tangage du rectangle à messages. L'avenir se lit dans la paume où repose l'image pieuse
La rue se prête au déhanchement Internet. Cette marche sans regard se libère de la matière des corps, dédaigne le réel d'un ciel.
La souveraine image s'encadre dans la main. Nous sommes les cartomanciennes de notre destin. Nous lisons l'avenir dans un bidule d'oncle Théodule. Ce coquillage de rue nous mène par le bout du nez.
 

mardi 16 avril 2013

Chronique du mentir ordinaire

On vole des mots comme des abricots, à l'étal des kiosques à romans, sonnets et autres journaux. Bernheim, drapé dans sa dignité, a berné sa communauté. Le grand rabbin mesquin s'approprie la phrase de Lyotard, fin lecteur d'Augustin. Il ment à la règle de son intime recueillement.
Jadis Attali pilla Jünger, Minc un érudit spinoziste, Lévy je ne sais plus qui. Par les textes qu'il s'arroge, Bernheim fait des taches d'imposture sur sa toge au blanc pur. Les "people" de l'intelligentsia se définissent par la lumière, l'éclairage de leur anonymat. Souvent, ils pèchent par chapardage.
Par nègres interposés, ils maraudent dans les bibliothèques, guettent une proie d'étagère, raflent des pans entiers d'ouvrages oubliés.
La chronique du mentir ordinaire s'abreuve de pareils faits divers. On plagie les mots des autres comme on se dope à vélo. Le penseur ment au lecteur comme un sénateur à l'électeur. On noie les tromperies dans une transparence de courtoisie. L'époque se cherche une pureté comme une nouvelle Amérique. C'est encore loin la vérité ?

Yelapa

Le Mexique agite ses couleurs comme les reliques d'un lointain bonheur. J'ai gardé son sourire oblique malgré le pouvoir d'entaille de la grisaille.
Le soleil claque encore sur les façades ocres de Puerto Vallarta. Il blanchit le sable de Yelapa, chauffe les deux ruelles qui dégringolent vers le ciel. Les coloris éblouissent la pierre. Entre mer turquoise et jungle ardoise, les matins luisent comme des embrouillaminis enfantines.
Simplicité de la félicité. On boit la margarita tamarino, fraîche comme l'aurore d'une soif. On fixe l'horizon, rosée du soleil sur la gueule, sous la dictée paresseuse des agaves bleues.
Nous nous taisons dans la sonorité picturale du lieu. Nous recommandons le camarade alcool dans l'amitié d'une joie fauve.

lundi 15 avril 2013

Carte postale

Premiers bains du Pacifique. L'océan montre ses dents. Sur le sable durci, les enfants jouent aux cubes avec l'écume. Des sortes de vautours tournoient dans les airs. C'est l'heure du bonheur sur la terre. Un gai tambourineur défie la rumeur infinie de la mer. Le vent soufflète la joue d'un petit baiser voyou.