lundi 25 janvier 2016

C'est un ordre

C'est une grande bringue aux yeux de bête fardés. C'est une artiste triste, l'ouvrière perfectionniste d'une faille ouverte, la vibrante guerrière d'une terreur de chair.
Elle suit la loi d'une voix, les tourments du chant, le grandiose émoi d'opéra. La Callas est un ciel, une nécessité brève d'oiseau qui passe. Elle se sauve, s'expatrie dans un cri, crée l'instant sonore qui défie la mort.
J'ai veillé tard pour la voir. Longue, anorexique, sacrifice de la musique. Maria Callas me hisse en sa principauté, possédée par la beauté. C'est un ordre.

mardi 19 janvier 2016

Nier Tournier

Colette aimait le mot presbytère. Tournier habitait ce genre de demeure où l’on meurt. Son jardin de curé laissait à Tournier le soin d’errer, d’être un roi à l’étroit. J’ai le souvenir d’une littérature de célibataire, un peu scoute et culottes courtes. J’ai le sentiment d’une prose un peu perverse. 
A dire vrai, j’ai la sensation d’un crayonné qui troue le papier. Tournier dessine des majuscules au dos des mots frivoles. C’est un artiste germanophile.
De lui, je tiens que Deleuze nageait incertain, à contre penchant des vagues, la tête hors de l’eau, de manière ostentatoire, fuyant l’élément. 
J’ai lu Vendredi à cause de beaucoup de bruit. A quoi bon nier Tournier. Il s’est entiché du vieux Flaubert. Il affectionnait Félicité. Pour pareille amitié, il est acquitté.

mardi 5 janvier 2016

Fils de Raimu


Galabru n’était pas un malappris. Mais bien épris de fantaisie. Galabru est le fils aîné, le fils aimé de Raimu. Galabru n’avait rien d’une brute. Il est l’Amiral, loufoque pilote de ligne de Soigne ta droite, grand bonhomme du poème de Godard.
Il traîne une trogne à gaudriole sur les chemins frivoles des trop faciles besognes. Il fait du rire une joie rare, d’une disgrâce de faciès une finesse, une justesse, une délicatesse.
Sa gueule cassée était boxée de paradoxes. Galabru était cousu dans de l’étoffe d’humanité. L’homme au timbre d’ogre a fait un tour de piste d’artiste. Galabru laisse la scène nue. L’art de Galabru ne court pas les rues. Il est temps désormais que le peuple esclaffé se décoiffe.