lundi 25 avril 2016

Une giclée de peinture


Les livres sont endimanchés, vêtus d’or, de poussière et d’imaginaire. Ils sont encagés comme des fauves abreuvés. Le public jette ses doigts dans les étagères, caresse le museau d’un volume, vérifie le pedigree, identifie le spécimen.
Le libraire n’a pas la jovialité de fouet d’un dompteur, mais l’air ennuyé du geôlier. La ménagerie du cirque est dispersée en stands stricts, numérotés pour satisfaire une soif de mystère. Les mots sont coffrés dans les pelages des rayonnages. On les éloigne des parures vives, des figures vulnérables. Les tableaux sont gardiennés à l’extérieur des mots. 
Je rôde dans les stands. Les tableaux sont frontaux, leur nudité revendiquée. A frôler les murs, je percute une giclée de peinture. L’éclaircie de bleu est encore fraîche, tricolore, pavoisée d’un juvénile folklore. C’est une légèreté qui n’est pas mozartienne mais printanière, qui n’est pas aérienne mais coutumière. Soutine, Chagall en transparence, Lanskoy installe une évidence. 
Je fais fi de la bibliophilie. Je quitte le palais dans un tumulte. Je dévisage une nuque. L’œil de Nabe bifurque. Je fignole un petit boniment de courtoisie. Le petit Zannini me fiche dans la paume les photographies de sa galerie.

mercredi 20 avril 2016

La timbale élyséenne

Hollande est capitaine à cause du viol de Nafissatou, soubrette à Manhattan. Macron est un mari de chevalerie, un farfadet qui plaît, parce qu’un ministre insatisfait a démissionné de Bercy. Juppé est le favori des interrogés par fatigue de Sarkozy. Bref, le hasard fait preuve de bonne volonté.
Mais le peuple a les pieds sur terre. Il n’est pas velléitaire. La politique l’exaspère parce qu’elle le dessert. C’est pourquoi les prétendants voilent leurs intimes penchants: ni droite, ni gauche. Ils jardinent large, des deux côtés de la tartine. Le roi de l’avenir ne fait pas de politique mais du pragmatique. Le roi vertueux sera une sorte de Bon Dieu du milieu, de saint sympa du terrain. Les candidats sont de braves gars, motivés par les prébendes de l’Etat. Ils se singeront. Le meilleur en songes et mensonges fera l'affaire, décrochera la timbale et touchera le pactole.

samedi 16 avril 2016

Le train de Tulle


Le peuple souffrant, maître de céans, abrégea la parlote de salon. Il se leva sans hâte, prit le coude du visiteur et le reconduisit jusqu’à la porte. Trissotin se retourna pour lui serrer la main. Il sourit à pleines dents, se persuada d’une durable complicité, prononça un lapidaire diagnostic de toubib ordinaire : « Je vous le dis : ça va mieux ». Le peuple, dans l’encadrure de porte, fixa des yeux las sur sa bouille écarlate. Il lui signifia son impatience : « ça va comme ça ». Il jugea même nécessaire de répéter la formule : « Oui, ça va comme ça ». Il hésita, mais n’ajouta pas : « Bon débarras ! ».
Le petit docteur, tout à son bonheur, était content de ses médicaments. Il restait planté sur le palier. On aurait dit un éboueur de quartier ou un sapeur pompier attendant ses étrennes de fin d’année. Le peuple fouilla dans ses poches. Il sortit un billet de mille, le lui tendit à la va-vite. 
- C’est pour le retour. Le train de Tulle est dans une heure. Vous allez le rater.

mercredi 13 avril 2016

Une émeute blanche

La Nuit tombe, ne tient pas Debout. A République, on la revendique. La nuit tombe à pic. Les lampistes d’un monde capitaliste errent sous des lampadaires. Un ministre incognito se masque comme Zorro. La parlote est patriote. On se passe le micro comme on se presserait à Macron. Les vieux rajeunissent, les jeunes rêvassent, on croise Cambadélis. Ils sont cerclés de céhéresses et saturés d’essaimesses. Ils ont des guitares, un bon cœur et du pinard. 
Ce genre d’émeute blanche, de rassemblement festif, est un produit dérivé, un goodies de la manif pour tous. On y vient en famille côtoyer des curés pédophiles. Le lien social disparu se raccommode en attroupement de rue. C’est gentillet, un peu niais, comme l’approche de l’été. On s’étiquète à part dans le convivial de square. La démocratie n’est pas qu’une menterie. Elle s’autorise aussi la songerie.

vendredi 8 avril 2016

Le nouveau philosophe

Un chef de bande chevauche les plates-bandes. Il chemine à travers les rêveries du pays. La randonnée est son support de pensée. Jésus arpente la Galilée. Mao s’échine à pied. Il marche longuement. La promenade de sainteté légitime l’autorité. Macron sait la leçon. Il chausse ses godillots. Il débloque le mode veille de son aillepad. Le raid de bipède va se poursuivre de bled en bled. L’ange de Bercy apporte la bonne nouvelle à Saint-Denis.
Il ressemble à Boris Vian, plus petit mais rieur comme un gagneur, sans mélancolie slave mais déserteur à sa manière. Boxeur sans poings - ni droite, ni gauche -, il ne prend pas de gants. Il crache sur nos tombes. 
Macron marche, pas tout à fait au hasard, direction le marché. Il marche, marchande en passant. Il séduit les beaux quartiers. Il enseigne la bonne volonté aux ouvriers qu’il trouve illettrés. Il a dénoué sa cravate sans pour autant se dépoitrailler. C’est un nouveau philosophe – Ricoeur sur le CV – qui demande à Béachel d’aller se rhabiller. En cas de panne, sa hotline s’appelle Attali.

mercredi 6 avril 2016

Une panoplie d'orphelin

C’est d’une littérature capricante dont j’ai besoin séance tenante. Roger Nimier de la Perrière est un auteur qu’on débusque là, dans les fagots, derrière. C’est un flacon d’ivresse, ensommeillé dans une cave, une bouteille d’encre pâle qui étoile un calice. Il figure parmi les marmots les pires, les plus insolents, d’une république de mots, parmi les chenapans rieurs d’une cité des talents. Il baptisa son fils Martin, du nom de sa chignole Aston. L’homme travailla comme un nègre, mains nues, respectueux des paresses et des pègres. 
Morand est doublé sur sa droite, touché par la grâce du bolide. Durant dix ans, ils échangèrent des secrets, confièrent leurs humeurs, zébrèrent d’impertinences leur fière correspondance.
L’art épistolaire est une école de virtuosité. Frivole est sa manière. Mais Nimier est du genre buissonnier. Il donne du fil à retordre au vieil ambassadeur. Morand s’amourache du jeune homme à panache. R.N. sont les initiales fatales de Route Nationale. Roger Nimier songeait à acheter une panoplie d’orphelin à son Monsieur du Pimpin, l’autre Martin.
A la hâte sur l’asphalte, l’Aston calcina deux corps. Nimier, trente-sept ans, Sunsiaré, dix de moins. Sunsarié de Larcône mouillait encore les yeux de Guy Dupré, l'auteur des Fiancées sont Froides, cinquante ans après.

lundi 4 avril 2016

Sous le Soleil Exactement

Nos régions sont grandes en vertus et hautes en couleurs. Aucune n’est petite. Pas de basses contrées à répertorier. La France en majesté rayonne par ses régions redécoupées. Le Nord se situe sur le toit de l’Europe, au plus haut comme un Kilimandjaro. C’est le point culminant d’un pays dominant. L’Est est grand, comme Alexandre Vialatte le disait d’Allah. Comme la partie se référant au tout. Il est  donc parfaitement légitime que la grandiose nation confie son destin, sa noble gloriole d’école, à la région du Rhin.
Restent à étiqueter l’Ouest, le Sud. Et le Centre. Comme ne manquent pas de le rappeler le maire de Pau et les commentateurs de « la primaire de la droite… et du centre ».
L’Ouest vit sous la giclée des vagues. C’est la région Océan, votée à l’unanimité de ses habitants. Grand Large aurait fait trop atlantiste. A vrai dire, le Sud et le Nord se regardent en chiens de faïences. Pas question de s’appeler les Bas de France. Ce n’est pas une poignée de patelins pluvieux qui va dicter sa loi aux sublimes territoires sans crachin. Non, le Sud collera à la réalité, au ressenti des gens. Il se nommera Sous le Soleil Exactement.
Et le Centre  dans tout ça? Il est dépeuplé. Il est déserté comme les petits partis qui s’en réclament. Mais, attention, il fait basculer les majorités. C’est un bout de France marchand qui négocie ses tapis.
Bref, le Centre, c’est le Cœur. Le label Cœur de France s'impose assurément. Il fera taire les détracteurs d’Auvergnats qui moquent la sécheresse de sentiment des locaux. 
Voilà notre belle France habillée dans la dentelle, notre grande nation dotée de cinq régions d’excellence. : Hauts de France, Grand Est, Océan, Sous le Soleil Exactement, Cœur de France. Rassemblé sur ses fondamentaux, le pays remodelé dans ses parties a désormais de quoi défier l’industrieuse, lourde et pataude Germanie.

dimanche 3 avril 2016

Chronique d'une primaire ordinaire

La droite qui rate se cherche un chef, inflexible dans ses bottes, raides dans ses buts. Elle organise un tournoi qui fait loi. C’est plus citoyen qu’une annonce au Bon Coin. La joute crée l’émoi: les noms s’ajoutent. Les candidats se pressent à un concours de circonstances. La primaire séduit par ses effets secondaires. Un petit pécule de bulletins peut se marchander contre un maroquin. Valls maquignon a raflé Matignon. La droite qui rate brigue la place d’une gauche qui gâche.
Sur l’affiche, il y a des visages qui ne fâchent pas. Juppé n’est décrispé qu’à moitié. L’homme est posé, sans doute indisposé. Sa figure pâle trahit un souci intestinal plus qu’une passion nationale. S’il se jette à l’eau, il n’est pas question qu’il se mette en maillot. Son pedigree lui interdit la familiarité. Lemaire est le fils de son père. Mêmes papiers de Quai d’Orsay. Il est lisse, austère et sans mystères. Ministre des terroirs, il ignora jusqu'à la taille de l'hectare. L’homme assomme avec ses neurones. 
Fillon est victime de son prénom, socialiste et papal. Le rejeton de notaire manque de faits de guerre. Il côtoie les autos de course, persuadé du mimétisme. A bord d’une monoplace, il s’imagine plein d’audace. Il faudra qu’il se satisfasse d’un grade de chef de tour de chauffe. Des urnes, il peut sortir speaker de tribunes, peut-être commissaire honoraire du perchoir.
Sarkozy est rongé par la jalousie. Il envie la richesse de Berlusconi. Le choix de Carla Bruni témoigne de son sens de la répartie. NKM n’est ni une femme, ni un homme, mais un acronyme. Or les sigles sont en fin de cycle. Ils datent, portent poisse: JFK, JJSS, DSK. Le moderne se démode, n’éclaire aucune lanterne. On est loin du peuple à se nommer à la va-vite. J'ai une tendresse un peu fière pour Morano la poissonnière. La fille de camionneur ne veut pas rester sur le carreau. C’est une soldate déçue qui s’exhibe en candidate de rue.
Mariton en garde sous le menton. On ne sait s’il est bénédictin ou polytechnicien. C’est un bretteur de paille, tout à fait passe-muraille. Un jour au salon, Copé s’est coupé dans la conversation. Depuis la petite enfance, il veut faire président dans l’existence. Mais Copé n’a pas que des copains. Il ne boit que de l’eau. Il ne se bourre pas la gueule, seulement les urnes. Sa figure de traître suffit à sa raison d’être.