C’est un athlète
qui plaît à l’esthète. Le Suisse condescend au grand tennis. Avec agilité de
tigre, vitesse et paresse, souplesse élastique, majesté de fauve. Le tennis
varie les délices. On passe d’un tennis de grâce à un tennis tenace. De Federer
à l’Ibère. Ils s’observent dans la diagonale des balles. Dans une lueur de
cirque, Nadal est machinal. Il cogne, expédie une besogne. Federer est solaire.
La beauté de jeu appartient à l’éternité du geste somptueux. L’homme de
raquette impose une souveraine élégance de silhouette. Federer n’a pas perdu sa
fureur. Son tennis claque comme une fulgurante évidence. Dans l’isoloir d’un
dimanche d’hiver, il y a deux bulletins couleur d’espoir: je choisis la
splendeur d’un revers, la joie d’un coup droit. Hier après-midi, j’ai rêvé que
Federer gagnait l’Open d’Australie.
dimanche 29 janvier 2017
jeudi 26 janvier 2017
Le petit Benoît
Il est emmitouflé,
suit son idée d’un pas léger. Il a des yeux d’hypnotiseur, une manière sobre de
parler fier, de brouiller les idées claires, d’offrir un rêve charmant à nos
tourments d’avenir. La dette, il s’en paie la tête.
Quand s’exprime
l’autre finaliste, il le toise en douceur, pose deux doigts sur sa figure,
considère son masque autiste. Il raille les brevets d’autorité, se moque des
postures de duce. Il est lui-même
avec ses états d’âme, à l’aise avec sa convoitise. Hamon ne joue ni du talon,
ni du menton; il oppose un front, fixe un horizon.
C’est un engagement sans édulcorant. C’est une gauche sans tache, peut-être sans mains ni lendemain. Le petit Benoît ne pactise pas avec les tièdes. Il parle d’une société d’entraide. Il grimpe les marches, quatre à quatre, tire sur la manche de sa parka, ne se satisfait pas d’être candidat.
C’est un engagement sans édulcorant. C’est une gauche sans tache, peut-être sans mains ni lendemain. Le petit Benoît ne pactise pas avec les tièdes. Il parle d’une société d’entraide. Il grimpe les marches, quatre à quatre, tire sur la manche de sa parka, ne se satisfait pas d’être candidat.
mardi 24 janvier 2017
Via Maqueda
Il pleut des
hallebardes à Palerme. J’aime quand le Pierrot de Godard change d’avis trop
tard, visage bleu, la main dans le noir qui rate la dynamite. Dans le hall de
la grande albergo, je tends au concierge l’ombrelo
qui s’appelle Pietro. Je veux revoir mon livre, le toucher comme on caresse
une morte, l’ouvrir comme on tranche une orange. Mon réseau social, c’est une
bibliothèque murale.
Le couloir est
encadré de portes boursouflées, contorsionnées comme des grimaces d’art
baroque. Je ressens une ferveur, un intérêt sérieux pour l’inutilité. L’absence
de soleil provoque une vacance de l’œil, une sorte d’insensibilité. Je laisse
mes doigts aller de soi, ébaucher des croquis qui sont des traces d’ennui.
A la pasticceria Spinnato, je bois un gin crodino
qui secoue l’encolure, qui cogne la nuque. La jouissance de l’instant est une
question d’instinct. Le maltempo est
un gros mot à Palermo. Dans la chambre cent quarante-sept, je me crois rue de
Logelbach, à cause des nuits trop noires et de la hauteur d’armoire.
Via Maqueda, à
gauche, se profile le campanile de La Martorana. Je ne rate pas le coche,
l’œuvre byzantine de Georges d’Antioche. L’engrenage des raisons est une
démangeaison du jeune âge. Le soleil se couche sur les collines de Palerme. On
s’attable en terrasse pour voir le temps qui passe. La commande de l’orata grigliata, la daurade grise, m’est
soufflée par les déchets d’assiette. L’idée, la vraie, n’est qu’un vide de la
pensée.
Fortifier, rendre fière la langue de ma mère, voilà de quoi faire sur terre. Dans l’avion, les yeux d’une Milanaise bougent quand la bouche à son aise regarde ailleurs. Je songe à de Gaulle. Pour toucher la réalité, il faut d’abord rêver. Impérieusement. Sans quoi, on passe un mandat à jouer aux petits soldats et à inaugurer des chrysanthèmes.
Fortifier, rendre fière la langue de ma mère, voilà de quoi faire sur terre. Dans l’avion, les yeux d’une Milanaise bougent quand la bouche à son aise regarde ailleurs. Je songe à de Gaulle. Pour toucher la réalité, il faut d’abord rêver. Impérieusement. Sans quoi, on passe un mandat à jouer aux petits soldats et à inaugurer des chrysanthèmes.
lundi 23 janvier 2017
Les yeux de président
La gauche gâche, la
droite rate. Chronique des échecs, litanie des dernières décennies. La droite
s’est débarrassée d’une encombrante caricature, a rejeté l’excellent girondin
qui serrait mal les mains. Elle a choisi François le troisième, par superstition,
car la République privilégie pareil prénom pour emblème. Il a les yeux foncés car nul n’a les yeux clairs s’il veut gouverner sous
la Cinquième. Ses sourcils ne sont qu’accessoires de fantaisie. En
revanche, le regard bleu de Lemaire était disgracieux, peu conforme aux
critères marron de la maison, en vigueur depuis de Gaulle jusqu’à Hollande,
durant cinquante-neuf années, sans discontinuer.
François III promet
la table rase comme un communiste de jadis de raser gratis. Manque au Fillon patricien, le
timbre jupitérien du sanguin Séguin. Je risque un délit de faciès. L’édile de
Sablé n’a pas la bouille à tout chambouler, la trogne à déplacer les montagnes.
A gauche, les yeux
mauves de Montebourg, trop pâles comme ceux de Lemaire, étaient disqualifiés
d’avance, interdits de finale de primaires. Par contre, le regard noir de Valls
s’inscrit à merveille dans la tradition élyséenne des globes oculaires de
fonction. Je discerne mal la vision présidentielle d’Hamon, encore moins sa
couleur de prunelle. Macron se sert de rayons laser. Son sourire obligatoire
est tendu vers la victoire. On dirait qu’il est très satisfait de sa destinée,
qu’il se sait apprécié des bonnes fées. Mais il souffre d’un handicap
majeur : le bleu laiteux de ses yeux. Le même mauvais œil frappe Marine Le
Pen, jette un sort sur ses ambitions élyséennes. Mélenchon, toujours
bon client, jouit d’un regard marron, qui est un modèle du genre, qui tourne rond. Il est en lice
pour l’emballage final. Aux déshérités du scrutin, qui n’ont que leurs yeux
bleus pour pleurer, je conseille, ni vu ni connu, de les teindre couleur
de jais comme les cheveux grisonnants du président finissant.
jeudi 12 janvier 2017
Le visage d'un autre
Ils squattent notre
imaginaire. Leurs posters saturent l’atmosphère. On les voit, on les croit, ils
font la loi. En ce temps, de ce monde, ils sont grands. Mais à trop les voir,
comme des images de manuel d’histoire, on doute un soir des légitimités d’une
gloire. On s’interroge sur la sacralité des épatants visages. On se cogne à
tant de trognes sans vergogne.
Les belles figures
de nos visions se réfléchissent dans un miroir d’émotions. Ils mitraillent les
rétines de leurs ouailles. Les idoles à la Warhol sont nos maîtres d’école. Ils
enseignent la publicité à défaut d’amour de la cité.
Obama s’en va,
quitte le champ des caméras, comme Julien Clerc la scène de l’Olympia. Une nation
se gouverne à l’émotion. Le dernier sanglot de Barack se répercute bien au-delà
de Chicago. Il dégringolait les passerelles comme un golfeur svelte, inattentif
à la marche. Hollywood pleure son Tiger Woods. Là où Hollande, engoncé dans un corps, enjambe de travers,
manque de valdinguer dans les décors.
Question marche, on
dispose de Macron qui fend les buissons. Il est chaussé de godillots pour un
sacre de caudillo. Ses zélateurs poireautent dehors comme de bons électeurs.
Macron ressemble à Boris Vian. Il a le physique humanitaire d’immédiat
après-guerre. On ne sait si c’est la chance qui lui sourit ou s’il se réjouit
de sa bonne fortune. C’est un Boris Vian kouchnérisé,
débarrassée d’une inutile mélancolie slave. Son programme se nomme sans état
d’âme : « J’irais cracher sur
vos tombes ».
Trump est d’une autre
trempe. Il boxe dans la catégorie Eltsine. Il a rallié l’Histoire à la force du
poignet comme l’ivrogne Boris s’est dressé sur un char. Cheveux jaunes, cernes
verts et cravate coquelicot. Il joue de ses mains de marionnettiste : la
droite prédatrice, la gauche moins véloce. Il gourmande la terre entière, carré
dans une posture d’armoire normande. Ses foucades colériques évoquent des
secousses telluriques.
Chirac ressemblait
à Jack Nicholson. On exagère à peine quand on prend le chef du modem pour Richard
Gere. Le fantaisiste Bernard Haller était le sosie lunaire d’un Mitterrand,
bien planté dans la terre. De Gaulle était gothique. Fillon tient ses sourcils
de Pompidou. Darry Cowl, l’inénarrable bafouilleur, eut sa doublure psychorigide
en la personne de Jospin, le parpaillot. La durée des
mandats et la fin de leur cumul font de ces bateleurs d’estrade d’authentiques
intermittents du spectacle. Aron disait de Giscard qu’il ne savait pas que
l’Histoire était tragique. L’ignorance du sang disqualifie les gouvernants. La
compassion d’apparat est un costume pour l’action. Ces êtres de théâtre
endossent un masque d’histrion, s’interdisent de brandir un glaive de champion.
C’est pourquoi, au hasard d’un scrutin, le visage d’un autre s’imprime sans
crier gare, dans l’imaginaire d’isoloir.
vendredi 6 janvier 2017
Besoin de grandeur
La grandeur est une
denrée périssable. Son souvenir implique une nostalgie. C’est un songe ému qui
sauve des menus mensonges. J’ai besoin d’une vraie nature, d’une dose de Ramuz,
d’un livre qui ose une aventure.
La grandeur colore
une maigreur, rafistole une petite beauté en splendeur. Nous collectionnons les
candidats comme des petits soldats. Les rescapés d’une disette font causette. Nous
avons perdu les pédales, jadis un général de Gaulle.
Flaubert publie Le Candidat, en fin de vie, regard
théâtral sur la vulgarité électorale. Flop cuisant. Candide veut dire blanc, indeed. Le visage pâle du candidat somme
les couleurs du spectre intégral. Il exprime une versatilité. Je blâme le
candidat d’être blême. Ils sont en lice parce qu’ils sont lisses.
Notre année est
scandée du pas cadencé des aspirants, des postulants à l’art de gouverner. J’ai
hâte d’entendre rugir de Rugy. De Gaulle cite Hegel : « Il n’y a pas
de grand homme pour son valet de chambre. »
La grandeur est un
songe qui fortifie l’orgueil créateur. De Gaulle sait les ressorts de la
mascarade, d’une gaudriole à têtes de mort. Je souhaite que la valetaille se
désengage de la bataille. J’aimerais qu’une certaine bleusaille débarrasse le
plancher. Je mendie des restes de beaux gestes, des rudiments du bel idiome
gaullien.
A ma connaissance,
un seul grand fêlé domine la scène endiablée : l’immodeste Villepin,
mousquetaire de la France. J’ai lu ses Mémoires
de paix pour temps de guerre (Grasset, 2016). Il colle au sillage du grand
Charles. Au-delà d’une fière allure, on observe une stature. Pareille vertu ne
court pas les rues. Ramuz, l’écrivain
vaudois, de Gaulle, le sublime soldat, Flaubert, le moine littéraire, Villepin,
le plus zinzin des politiciens. Voilà comment s’échapper d’un scrutin carcéral.
Les trois premiers paradent en Pléiade. Je considère les primaires comme très
secondaires.
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