lundi 8 juin 2009

Les Bartleby de la démocratie

Les électeurs ont privilégié l'abstention, l'action des uns, les convictions des autres. Le débat européen s'embrouillant dans l'illisible, beaucoup ont rechigné à s'y intéresser. La technicité des dossiers, les ententes en coulisse de rivaux d'opérette - s'agissant notamment du mandat de Barroso - et les attaques ad hominem les ont dissuadés de participer au scrutin. D'où l'écrasante victoire des "Bartleby" - du nom du héros d'Herman Melville à la phrase fétiche : "Je préfère ne pas..." - de la démocratie. Reste les 40% de vaillants votants. Ceux-là ont plébiscité les valeureux retrousseurs de manches qui ont vendu l'Europe comme une école de la volonté. L'activisme de la récente présidence française a servi d'illustration à l'argumentaire politique. Sarkozy avait alors mouillé le maillot à la Ribéry. Enfin, le peuple s'est prononcé pour une certaine sincérité écologique, la bonne humeur communicative des messagers de l'apocalypse, la joyeuse campagne d'un éternel étudiant aux convictions européennes solidement enracinées.
Ont été laminés ledit "minable" (dixit Cohn-Bendit), Bayrou trop isolé dans l'isoloir, et le parti socialiste ensommeillé dans sa paresse intellectuelle. Le parti des profs ne travaille plus depuis longtemps. Les électeurs n'apprécient pas la confusion des genres et les erreurs d'échéance. Ils ont sanctionné la politique politicienne, les mots creux et les postures de circonstances. D'où la joie des pêcheurs à la ligne, cent fois plus nombreux que les chasseurs officiels, premier parti de France dans l'instantané du scrutin du 7 juin. D'où la divine surprise des Verts qui en sont bleus, dopés par l'inusable bagout du malin rouquin. D'où l'étonnement d'un parti du président qui redoutait le discrédit.
Dans les vingt-sept pays, les Bartleby de la démocratie ont raflé la mise. Pareil mutisme de masse est indéchiffrable. On fera sans doute parler les muets de l'Union. Sans pour autant percer l'énigme de ces sphynx de scrutin. A compter les voix exprimées, on avancera aussi le succès desdits conservateurs sur les prétendus progressistes. Sur le mode du spectacle plus que de la réalité, la menace incantatoire d'une nature blessée par la culture et l'injonction tous azimuts de l'action volontaire ont triomphé des lancinants discours protestataires.

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