jeudi 30 octobre 2014

A l'école de Descola

Descola déserte sa chaire du Collège de France. La rigueur est rare; l'hiver qui vient, j'en souffrirai davantage. L'enseignement du chaman amazonien, doucement monocorde, était dans mes cordes. Depuis deux ans, il réveillait les démons de ma vieille thèse, mise entre parenthèses, sur la manducation de chair humaine. L'anthropophagie défie les lois de l'anthropologie. Le cannibalisme résiste aux raisons mécanistes. L'eucharistie n'en figure qu'un écho amorti.
Je me souviens de délectables récits, des précis d'ethnographie de l'iconoclaste Pierre Clastres. Or Philippe Descola s'absente pour rédiger une pensée, pour cause d'ouvrage à peaufiner. L'élégant savant revient de suite. Il a fermé boutique. Il y a presque dix années, il publiait "Par-delà nature et culture", précieuse typologie des ontologies, traité des présences au monde, livre du décentrement des regards.
Me manque, ces jours-ci, sa fine barbe blanche, taillée en triangle. Le spécialiste du peuple Achuar jette un regard neuf sur l'anthropologie du paysage. Il s'est retranché dans l'écriture. Le géographe défroqué impose un même respect que Louis Poirier. Descola est un compagnon d'artisanat. Il partage avec Gracq l'orgueilleuse humilité du travail.
Ses livres se comptent sur le fragment d'une main: une thèse introuvable, un récit publié dans la collection "Terre Humaine" de Jean Malaurie et la grande oeuvre précitée. Sans domicile fixe où m'instruire, j'ai rayé la place Marcellin-Berthelot de mes lieux favoris de flâneries ordinaires.


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