samedi 31 décembre 2022

Etonnez-moi, Benoît

Benoît, au faux air de Radzinger, a déréglé l'horlogerie de Saint Pierre. L'évêque de Rome, vieillard cacochyme, lève le camp du Vatican. Il quitte la fête. Il a toute sa tête, toujours bien faite. L'homme de l'universel se résume à son missel. Le coup du père Josef est une détonation dans le ciel des nations. Le prélat veut le cloître plus que la gloire. Nul n'est moins roi que l'humble Bavarois. Il veut mourir à Colombey, à l'ombre d'une destinée. Il se dépouille des parures de pouvoir. "Je cesse d'exercer mes fonctions de président de la République. Cette décision prend effet aujourd'hui à midi". C'est la traduction gaullienne du latin papal. La mort volontaire - pardon, la démission de Benoît rappelle la désarmante économie de moyens du communiqué gaullien. Dans sa retraite, ou plutôt sa cachette, Josef comme Charles, jettera des mots sur une page éphémère, griffonnera des prières, loin des regards planétaires. Vitraux à lumière jaune acide. Les pèlerins recueillis se serrent la main. Les prie-Dieu crissent au son des syllabes latines. Les nonnes chantent avec une lente sauvagerie. La pureté se dessine dans l'été. La paix du coeur se mesure à l'épaisseur du silence. Benoît est un roi dont la règle va de soi. En deux temps trois mouvements, cent quinze hommes d’église se sont donnés un chef spirituel. L’assemblée nombreuse des hiérarques catholiques n’a pas succombé à la tentation de la zizanie, à la séduction du débat querelleur, aux penchants polémiques de la discorde. Elle s’est rangée autour d’un pape, lumineux d’intelligence. A vrai dire, la paix stupéfiante du conclave interroge nos conduites quotidiennes, à commencer par la violence factice de nos réunions usuelles, des échanges d’opinions entre nous. L’homme de haute sagesse, qui s’est imposé avec style, s’appelle Benoît. J’ouvre le dictionnaire. Je lis : « Benoît: bon et doux ». On dit Benoît XVI conservateur. On lui prête ce péché mortel. A mes yeux, un secret, a fortiori un mystère, on le garde. En cela, le pape Ratzinger est conservateur. Dieu merci. On aime la Méditerranée pour sa lumière, cette tonalité du jour qui imprime aux couleurs du paysage leur troublante majesté. On aime la science pour ses lumières, cette rigueur de la raison qui pratique la vérité avec vertu et beauté de théorème. Mais on aime Dieu en sa qualité de « lumière véritable qui éclaire tout homme en venant dans le monde ». A Noël, Benoît XVI a rappelé avec une simplicité de grand théologien que tous les feux de joie ne procédaient que d’une même étoile : « la petite flamme de la bonté de Dieu ». Benoît XVI apprécie la culture française en épicurien de l’esprit. Ce pape mozartien a lu Bernanos et Claudel, « Sous le soleil de Satan » et « Le soulier de satin ». Il nous rend une visite d’aimable voisinage. A cette occasion, il souhaite raffermir la foi vacillante d’une nation paresseusement catholique. Il veut aussi rappeler notre glorieux pays à ses devoirs intellectuels. Il s’adresse à l’intelligence, à la science, aux travailleurs de la preuve. Il accorde la primauté à la raison. Il appartient aux universités de France, aux communautés savantes, aux chercheurs des laboratoires comme à l’honnête homme du XXIème siècle, d’en prendre de la graine. A chacun, il restitue sa dignité spirituelle. Le pape allemand a imposé en douceur sa dilection pour les textes lumineux, denses de sens. Sa pédagogie ferme et sereine a instruit le cœur et l’esprit des foules ferventes. La méditation papale a scandé le temps de nos vies au rythme d’une majestueuse spiritualité. Cette invitation au voyage intérieur rompt avec les bruits ordinaires de l’époque. L’homme de Dieu a touché juste. Sa présence apaisante nous manque déjà. Le monde des criailleries a repris. « Etonnez-moi, Benoît ». Je pense à la chanson que Modiano écrivit pour Françoise Hardy. Mission accomplie. Un fragment du texte est extrait de « Dancing de la marquise » (5 Sens Editions, page 97, 2020). https://catalogue.5senseditions.ch/fr/poesiereflexiontheatre/322-dancing-de-la-marquise.html

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