samedi 10 mai 2025

Le grand dessein christique

Avant que Prevost n’ait prévalu, j’ai observé les pantalons bouffants, ce bleu mêlé de terre de Sienne, des somptueux gardes suisses qui ponctuent le temps long d’une religion. La centaine large des hauts prélats s’est encabanée dans la demeure de Michel-Ange. Le conclave est une enclave rouge dans un monde où le péché, sa couleur incarnate, ne se lave pas. Léon, le quatorzième, jette une main timide à l’adresse des fidèles de Saint-Pierre, l’offre à la voracité des lions du cirque. Il hésite à la bouger, à balayer l’espace comme on essuierait une vitre embuée. Il plisse la commissure d’une lèvre mince. Il est costumé comme Wojtyla. Il est recueilli dans un for intérieur comme Radzinger. Il est retranché dans une spiritualité. Un sourire s’esquisse, légèrement étriqué, contrarié par une instinctive réserve. Prevost lit les mots du latin qui font écho dans le ciel romain. La foule exulte, agite ses banderoles, brandit le drapeau de ses nations. Car les enracinés des nations sont assemblés dans une même unité spirituelle, communiquent une joie sans mélange dans un bariolage de fanions flamboyants. Là où l’Europe de Bruxelles s’abandonne à sa fiction fédérale, se cantonne à une seule bannière monotone, la religion universelle du quatorzième Léon opère, d’un signe du haut de sa loggia, un miraculeux brassage des peuples, provoque une ferveur immédiate à l’annonce du grand dessein christique.

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