mardi 8 novembre 2016

La femme de journée

Je me suis fait un sang d’encre. J’ai voulu sauver mes soldats, mes volumes d’étagères, d’une fureur ménagère. J’ai désiré les préserver de l’assaut des gros doigts, de l’offensive de lessive de la femme de journée. J’ai garé mes vieux albums des premières escarmouches. J’ai dégarni le front haut d’un rayon. J’ai évacué mes meilleurs bataillons. 
Quand dans mon dos, l’armoire des mots a crié sous la hache, a chuté sur la table en verre qu’elle a fracassée, à mille éclats. J’étais pris à revers par un cogneur de bois vert. L’imaginaire bûcheron saccageait ma maison, une quiétude ordinaire.
Mes livres se sont dispersés comme de mauvais fuyards. J’ai pansé les blessés, soigné les écornés. La peur de la femme de journée m’a dicté un repli défensif, une retraite insensée. J’ai fait courir à mes hommes, à mes plus beaux albums, des risques inutiles. 
J’ai péché par amitié pour le plaisir de bouquiner. Je suis fléché de culpabilité, mortifié d’avoir tuméfié le visage intouché de ma quotidienneté. Ce huitième jour de novembre, veille d’agonie de Charles de Gaulle, nuit à ma liberté d’esprit, comme une Sainte Julie, à même numéro de calendrier, du détestable avril. 
Je suis penaud au milieu de quatre murs, d’une songerie sans écho. Je laisse la nuit bondir sur moi, m’envelopper de sa noire pèlerine. Je suis baladé sur le ring. Je suis triste et commotionné comme un pugiliste déganté.



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