Je me suis fait
un sang d’encre. J’ai voulu sauver mes soldats, mes volumes d’étagères, d’une
fureur ménagère. J’ai désiré les préserver de l’assaut des gros doigts, de
l’offensive de lessive de la femme de journée. J’ai garé mes vieux albums des
premières escarmouches. J’ai dégarni le front haut d’un rayon. J’ai évacué mes
meilleurs bataillons.
Quand dans mon dos, l’armoire des mots a crié sous la
hache, a chuté sur la table en verre qu’elle a fracassée, à mille éclats. J’étais
pris à revers par un cogneur de bois vert. L’imaginaire bûcheron saccageait ma
maison, une quiétude ordinaire.
Mes livres se
sont dispersés comme de mauvais fuyards. J’ai pansé les blessés, soigné les
écornés. La peur de la femme de journée m’a dicté un repli défensif, une retraite
insensée. J’ai fait courir à mes hommes, à mes plus beaux albums, des risques
inutiles.
J’ai péché par amitié pour le plaisir de bouquiner. Je suis fléché de
culpabilité, mortifié d’avoir tuméfié le visage intouché de ma quotidienneté.
Ce huitième jour de novembre, veille d’agonie de Charles de Gaulle, nuit à ma
liberté d’esprit, comme une Sainte Julie, à même numéro de calendrier, du
détestable avril.
Je suis penaud au milieu de quatre murs, d’une songerie sans
écho. Je laisse la nuit bondir sur moi, m’envelopper de sa noire pèlerine. Je
suis baladé sur le ring. Je suis triste et commotionné comme un pugiliste
déganté.
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