vendredi 16 février 2018

Jouir du pouvoir

Macron flanque Blanquer chef d’escadron, premier adjudant d’éducation. Tout le pays fait corps derrière Blanquer, ministre militaire. C’est une sorte de colonel de Gaulle à la tête de l’école. L’homme à treillis réhabilite un habit dernier cri, le costume indigène des classes à l’ancienne : la blouse grise de laborantin. Il fourre les insup-portables au rebut, au coin, leur interdit d’échanger des bitcoins.
Blanquer ne touche plus terre, crève la stratosphère. Il restaure la docte autorité qui fait taire l’effronté des lycées. Blanquer est réactionnaire, forcément réactionnaire, naturellement, nécessairement populaire. C’est pourquoi il explose les compteurs de satisfaction de la nation. Il a beaucoup, beaucoup d’amis dans le pays, un peu moins dans le cagibi du conseil des ministres. Succès empoisonné, corollaire obligé : Blanquer est jalousé des hiérarques du parti cordonnier. Qu’à cela ne tienne : il ne fera qu’une bouchée du grand échalas du Havre. Car Macron le veut. Matignon sera la juste destination du Duce de l’Education. Mais Macron le veut, pourquoi ?
La stratégie du roi marcheur est fondée sur l’hégémonie totalitaire du parti randonneur. Randonneur, pas donneur. Pour ce faire, il lui faut se défaire des alliés de circonstances, pâles godillots de la prise de pouvoir. L’heure est venue de déblayer les intrus. Exit Bayrou et ses dames du Modem. Malice de sa nomination piégée au ministère de la transparence. Le bégayeur de Pau débarrasse le plancher manu militari.
Reste à dégommer les traîtres du parti néo-gaulliste. Darmanin est déjà bien mal en point. Il ne survivra pas à l’exigence d’exemplarité, à l’idéal de sainteté tonitrué. Lemaire sera la prochaine proie de l’insatiable roi. Dans trois, six ou neuf mois, viendra le tour d’Edouard. Le temps que Blanquer parachève sa loi réactionnaire. Il appartiendra à l’actuel titulaire du brassard de capitaine de ranger ses petites affaires et de regagner le banc de touche, éventuellement sa cité portuaire.
Devant le perron de l‘Elysée, les jardiniers ratisseront les graviers. On aura évacué les gêneurs des premières heures, les étrangers patibulaires, les faux marcheurs de pacotille. La famille du grand Emmanuel sera nettoyée de ses pièces rapportées. Elle sera de sang pur, sans mélange contre nature. Les marcheurs auront enfin quadrillé le territoire. Castaner à Marseille, Griveaux à Paris, Collomb (ou son arrière-petit-fils) à Lyon. Bref, il y aura un zélé marcheur à la tête de toutes les grandes villes, en plus d’un gouvernement cohérent, doté du même uniforme partisan. L’heure de Blanquer aura sonné. Il aura fait le job à l’école. La théorie du ruissellement sera réactivée en matière de popularité. Il aura mission de doper les sourires d’électeurs à l’endroit  du roi des selfies. Philippe, trop mollasson, lui cédera les clés de Matignon.
L’objectif sera atteint pour de bon. Le pays dispose alors d’une nouvelle géographie, redessinée à l’unique couleur de la Macronie. Les pouvoirs sont distribués aux seuls vainqueurs légitimes. Macron va pouvoir jouir du pouvoir sans entraves. Manière à lui de célébrer l’idéologie libertaire de Mai 68.

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