Bacon
est un peintre d’instinct, qui colore la toile de contours humains, dont
l’obsession est la sensation. Les pinceaux nous rentrent dans la peau,
perforent un corps, trouent la figure. « Dès qu’une histoire s’élabore,
l’ennui s’installe, l’histoire parle plus haut que la peinture ». Francis
vend la mèche. C’est pareil en littérature.
Je
suis revenu à Beaubourg, un beau jour, aimanté par la peinture du sixième
étage. A la remorque d’un art brutal, éperonné par une beauté qui s’interdit le
paysage, les joliesses de la pire espèce, la fausse piste d’une histoire.
Bacon
ne raconte rien. Ne ramène pas sa fraise : il orne les cimaises. Il vise une
fraîcheur de coup de poing. C’est un sentiment véhément qui se recueille en
pleine gueule.
Je
me sens bien parmi les toiles, une peinture exécutée entre deux bitures, ses
figures charnelles en diable, jamais conceptuelles, soumises au vent de
l’éventuel, au seul verdict de l’accidentel.
Rien
n’est peint d’avance. La couleur est à peine sèche. La peinture de Bacon est
l’art des apparitions, loin des sottes narrations. « Illuminations ».
Rimbaud accole à la poésie un autre
mot. Ils fabriquent un même risque.
Si Bacon
n’a rien à dire, il s’attache à ne pas mentir. Noblesse oblige. La chair est
une terre, flagrante de vérité, une évidente réalité bouchère, une sorte de
pornographie groggy. La
couleur sonne, un corps frissonne. J’ignore au juste ce qu’on appelle un homme,
mais si je reviens voir les selfies cabossés de l’Irlandais, c’est que
précisément je n’ai pas le choix : je suis chez moi, face à la terreur
d’un corps.
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