Il était une forêt. Francis Hallé est le botaniste d'un
monde de verticalité, l'ardent croisé des canopées. La forêt tropicale est une
énigme langagière, un palimpseste végétal entre ciel et terre. Je ressens
l'ivresse des cimes. L'homme premier est d'habitat forestier. Le déchiffreur
des vies arboricoles entame le récit collectif de seigneurs millénaires.
Il jette mille informations, dévoile les secrets d'une
société, révèle l'organisation des hauts végétaux. Nos mots percent mal le
mystère d'une langue d'arômes, d'une communication odorante, d'un dialecte
d'écorce.
L'arbre lève ses branches vers le soleil, témoigne sa
ferveur à la lumière. Il sous-traite la mobilité au règne animal pour se
reproduire à distance, à l'écart des fatales concurrences. L'arbre est désir de
connaissance.
Au fil des ans, Francis Hallé a rédigé un gros bouquin
savant. C'est un manuel de joie, un mémoire à sa gloire, qu'il faut lire le
doigt sur chaque mot (Plaidoyer pour l’Arbre,
Actes Sud, 2005). L'arbre jouit d'une majesté. Il dispose d'une sorte
d'éternité qui assied sa souveraineté. Hallé est le Champollion désigné des
modes d'expression de la canopée. Le vieil homme est au commencement d'un
savoir, applique la raison à de nouveaux territoires.
(Fred, pages
40/41, 5 Sens Editions, 2019)
https://catalogue.5senseditions.ch/fr/19_christian-de-maussion
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