vendredi 26 février 2016

Que voici de majesté !

Je me remémore l'exclamation de l'auteur de Rigodon, la voix fine de Céline au spectacle fastueux de la Néva: Que voici de majesté !
Le ciel coulisse vers le bleu lisse. J'attends que les choses se décantent. L'embrouillamini sied à la perspective Nevski. La neige pétille sur la joue d'une façade.
Dostoïevski ne s'endort qu'à l'aurore, se plie à la même règle que Proust, se lève dans la dernière moitié du jour, froisse les draps de l'étroit canapé qui coudoie sa table de travail.
Crime et Châtiment juxtapose deux récits impossibles, risque un somptueux décousu, pratique l'enfantine obsession du collage. La cambuse ne paie pas de mine. Une fraîche Pétersbourgeoise nous y mène comme on obéit aux us et coutumes d'une sainte patrie.
La ville impériale est bordée des eaux glaciales, sentinelle du golfe de Finlande. La Néva se toise du pont de la Trinité.
Vladimir de Staël von Holstein est le dernier général de la forteresse Pierre et Paul. Il a servi dans les rangs des cosaques et des ulhans de la garde du tsar. Il périra en Pologne. L'art de Nicolas de Staël relève d'une bagarre, s'interdit le hasard.
Le fleuve étend sa nonchalante ivresse, fendillé de glace, hachuré d'oiseaux. Je déterrerai sur Internet les lignes de Céline, Bagatelles pour un massacre, l'odieux pamphlet où il psalmodie la beauté de Russie.
Je suis saisi par une voix rauque, plus que rocailleuse, le feulement de fauve d'un fatal parler, butant sur l'alphabet comme une arme enrayée. Le corps maîtrise un délabrement sonore, stoppe l'éboulis, une chute de pierres langagières, des fragments entiers, l'arrachement d'un bloc de sens Kalachnikov.
Musée russe: les salles sont tapissées des icônes de Roublev et Dionisi, des imagiers monastiques de l'école de Novgorod. J'aime la colère des couleurs, le bonheur intérieur de l'image peinte.

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