jeudi 19 septembre 2024

Kamilya à risques

A Vallauris, dans un atelier de potier, où l’artiste cabossa des visages, où Picasso découpa des corps, questionna le beau selon Pablo, à Vallauris gisait hier sur l’asphalte une petiote éclatée, comme un vieux pneu de caoutchouc, dont le frère de dix ans tenait la menotte. La folie qui se cabre comme un cheval d’une infinie connerie percute la plus innocente des grâces sur la terre: la petiote, la petite patriote de trois pommes, qui traverse la route, qui foule son dernier chemin dans les clous d’un infernal destin. Et pourtant la connerie n’est pas écrite d’avance. Le progrès d’une société est précisément de renoncer à la fatalité. Rien n’autorise un homme, un sombre con de jouer avec sa déraison, de foncer à toute vitesse, tous yeux éteints, sur Kamilya, sept ans, l’âge de raison. L’instant d’avant, la fillette écarquillait ses doigts comme un soleil à l’adresse de l’automobiliste arrêté, respectueux de son passage, en signe de bonjour de reconnaissance, d’adieu définitif. Ce fait de sauvagerie illustre l’étendue des ravages dans la société. Il n’y a pas que les médiocres ministres qui sont démissionnaires sur nos terres ensanglantées. L’autorité est déclarée manquante. L’autorité a rendu son tablier. Vallauris est gravée dans notre mémoire comme la ville dont la reine était une enfant. Elle s’appelait “Kamilya à risques”.

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