mardi 24 novembre 2009

Cher Guy Dupré

Le facteur a fléché le petit cube de métal où gisent mes correspondances. Ce matin, une enveloppe rectangulaire, couleur des sables, m'était destinée. J'ai glissé, sans me couper, ma main pour la saisir. Je l'ai accueillie avec cérémonie car elle me désignait pour la décacheter.
Je connais ce livre, me souviens du titre, gravé dans ma tête depuis si longtemps, me garde de l'approcher de trop près. "Lui aussi écrivait pour l'émotion". J'identifie son signataire, Guy Dupré, au dernier diamantaire de la place, à l'ami des mystères de la terre.
La littérature n'a pas d'autre but que de fracturer les domiciles. Aujourd'hui, elle repose entre mes doigts comme une perdrix solitaire dont la plume brûle encore. Votre livre donne la fièvre. C'est un récit de cruelle splendeur qui exige la pleine santé du texte. Il embringue dans la ronde empourprée des vertiges.
Ces années passées, les mots m'abandonnaient. Au point que mon père lui-même s'est absenté."Les Fiancées", que j'ai vues grandes, et rouges sur les joues, se plantent dans ma chair à l'heure où je cherche un visage sur une photographie décatie. Mon temps, ces jours-ci, est haché en menues besognes. Quand j'étais petit, je lisais "Un Beau Ténébreux". Tout haut. Maintenant, l'habitude m'est venue de parler tout bas. Or voici, dans le silence, une langue qui sonne. La récréation est finie. Votre sublime petit livre m'a empoigné la gorge. J'ai l'âge, tout juste, des "Fiancées".

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