mercredi 10 janvier 2018

Le bonjour d'Alberto

Brûlante, épaisse, présente humanité de Giacometti. Tignasse ébouriffée, feulement rauque d’une voix sans loi, visage labouré par la nuit. Humilité dit Genet. Humus, homme de la terre, né d’elle, et sous les pelletées.
La main de Giacometti sculpte, lacère la pierre, scarifie un corps, une chair de plâtre, ébauche une tête. Fragile tête de préhistoire humaine, de vieil animal à écailles. La tête insaisie, comme l’infini d’un ciel. Visage qui s’échappe comme le galop d’un cheval. Visage dans sa nudité. Giacometti exprime le cri radical de Lévinas. Il exhibe ses doigts au travail comme des quartiers de soleil. Il ne baisse pas la tête. La regarde en face. Il la re-garde, la garde deux fois, la garde pas. 
Giacometti chiade les encoignures de la matière, reproduit des scalps en figurine, brandis à bout de piques. Tête d’épingle métaphysique, tête d’allumette qui flambe dans le néant. Giacometti, bougre d’artiste à trogne flagrante, arpente l’atelier de moine aventurier, en personnage de La Strada. Percheron de l’exacte beauté, Giacometti secoue l’encollure. A cause des mouches sur le visage, sur le dessin. Dénégation de la lèvre, compassion aux yeux rougis, brumeuse lumière de tabac gris qui rayonne en dedans. Charme sans mièvrerie, charme de chevalerie.
C’est le magnétisme d’un feu de broussailles, en plein désert et paysage de rocailles. Main de Giacometti qui manie, maniaque. Main qui touche, intacte. Sortilège d’une sculpture pascalienne, dont les gestes esquissent la frêle tige humaine, le crayonné d’un roseau pensant. Vrai génie de la simplicité.

Aucun commentaire: