La mort volontaire s'est substituée à l'antique peine capitale. Les détenus se détruisent à mains nues. On ne peut taire un piètre vocabulaire. On recouvre les corps d'un mot à sens absent. "Stress" ne peut rien dire de la détresse. Il parle trop vite de "l'horreur économique". On se moque d'eux avec de mauvais mots. Cette méchante langue évacue le mystère des hommes sur la terre. Car nos morts sont tombés au champ de la peur. Et ce silence d'une mort choisie retentit autrement dans la société. Elle interroge l'étourderie de nos vies, l'inattention d'une civilisation, la cécité d'une certaine satiété. Ces actes définitifs mordillent les chevilles de la conscience collective. La veulerie distractive, "l'extase matérielle", les jalousies ordinaires scandent le temps triste des hommes habitués à la vie. Les cadavres des geôles ne jonchent pas le sol des rues. Au bas des façades, on y voit seulement la pauvreté mendiante accroupie dans la crasse, au voisinage du strass. Ces statues de chair n'empêchent pas l'élan des fonceurs d'asphalte. Une mort lente se dessine sur leurs visages striés d'humanité. Leurs mains se tendent comme de frêles élastiques. Au suicide des pénitenciers répond le long dépérissement des naufragés du trottoir.
mardi 22 septembre 2009
Nos morts
Ces hommes s'éreintent sous l'astreinte. Ces hommes se tuent au travail. Ils sont dépassés par l'anxiété. Leur corps répugne à décliner sa fausse identité de machine. Leur esprit refuse de tourner comme une girouette. Car ce qui toujours effraie dans la vitesse, c'est la certitude. Les ordres fusent tombeau ouvert, égratignent au passage la piétaille au travail.
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