En réalité, la grosse crise des deux dernières années révèle le rapport de forces entre les Etats et le système bancaire qui régit les économies libérales. Les Etats démocratiques n'administrent les peuples que par le truchement d'une complicité bancaire sollicitée. Les autorités politiques doivent, par hypothèse et métier, satisfaire les attentes de l'opinion publique et répondre en premier lieu à l'exigence de prospérité. Faute de résultats probants en la matière, les électeurs sanctionnent les gouvernements en place. L'assentiment de l'opinion est corrélé à l'impératif d'un niveau de vie décent, à l'accès à la consommation des biens de première nécessité, aussi bien en termes de besoin, de désir et de lien social.
Or, depuis au moins deux décennies, le partage de la valeur entre capital et travail n'a cessé de s'infléchir au détriment des salariés.Un capitalisme dur de propriétaires a fragilisé les positions économiques du monde du travail. La paupérisation croissante et le déclassement social ont provoqué l'emballement du système de crédit, favorisé par les pouvoirs publics.
En effet, le fol endettement des ménages mesurait la volonté des Etats d'acheter la paix sociale auprès des banques. Au sens du Medef, le crédit illimité "a fluidifié les relations" entre l'Etat et ses pauvres administrés. C'est pourquoi les établissements financiers se sont octroyés la part du lion lors des dépenses publiques de relance, preuves tangibles de leur formidable pouvoir d'intimidation - la ruine des épargnants -, d'influence et de coercition sur les Etats. Aux gouvernements aux abois, ils dictent leurs conditions financières, à savoir la restauration au plus haut de leur niveau d'enrichissement.
Autrement dit, le pouvoir politique est désormais subordonné au bon vouloir des banques. Nous vivons une phase du capitalisme où la faiblesse de la demande, en termes de pouvoir d'achat, nécessite la démission des Etats, et partant de la souveraineté politique, au profit du seul système bancaire, pourvoyeur d'une sorte de fausse monnaie - qu'on appellera l'hyper crédit - et pacificateur de tensions sociales à court terme. Au prix d'une paupérisation différée qui est inscrite, noir sur blanc, dans les vertiges du surendettement.
D'une certaine manière, les banques jouent le rôle de Ford, au début du siècle dernier, qui cédait sur les salaires pour mieux vendre ses automobiles. Reste que l'engrenage infernal de la dette insolvable, cause de crise à l'échelle planétaire, a finalement empoisonné les économies au lieu de guérir les souffrances sociales.
La seule stratégie du gain immédiat a fait mentir la parole bancaire. Elle a exacerbé le délitement du corps social, aggravé la précarité, étendu le champ de la pauvreté. Dès lors, le pacte tacite conclu entre l'Etat et les banques a échoué sur toute la ligne. Il sera d'ailleurs évalué au regard des prochains scores électoraux. Car tout se passe comme si l'Etat avait perdu son âme - et le contact avec le peuple - en s'alliant avec le diable. On sait que le prince des ténèbres, le grand sachem des cupidités, est bien l'unique maître du monde. Bref, tout laisse à penser que le système bancaire coiffe aujourd'hui le pouvoir des Etats. Il les regarde de haut et les traite en valets.
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