vendredi 11 mars 2016

La brune Marseillaise

Envie de Céline, point à la ligne. Envie de Céline, de la sainte mère la langue française. J’ai vu l’affiche qui de Destouches fait un fétiche. J’ai noué une cravate, chaussé des souliers, épousseté l’habit de cérémonie. Je m’endimanche une fois l’an, j’honore Ferdinand.
Nous sommes en mille neuf cent cinquante et un. Louis est dans de beaux draps. Je me suis mis sur mon trente et un. Je suis Milton. C’est pour ma pomme.
Raté. La mauvaiseté de Céline exige un autre doigté. C’est une cible émouvante. La malice bleue de Bardamu est rayée des yeux, rangé des voyures. L’image de long métrage est confiée à Bourdieu, garçon laborieux. Elle manque de corps, de justesse sonore.
Lavant fait du Carax, réduit le gaillard à la canaille. Or Céline est un dandy, pas un bandit ni un vagabond qui mendie. La trogne simiesque de l’acteur, ses mimiques de cirque mécaniques trahissent la majesté de grand artiste.
Bourdieu, bon sang, se contente de peu. Il fait son deuil, fait fi de l’ironie de l’œil. Il manque l’infini, donc le film. Car Céline n’est pas sardonique mais rythmique. Sa voix n’est pas timbrée comme une machine à grincer. Elle est d’opéra, légère et souveraine. La cadence est sa danse. Lavant est vaurien quand Céline est aérien. 
Lucette heureusement sauve l’historiette. Géraldine Pailhas est une phrase célinienne, sublime comédienne, belle et grave comme une indienne. Je me souviens de la brune Marseillaise. Un jour de pluie, Pinoteau me conviait à sa première, à la voir de dos jusqu’au derrière. Elle restera nue jusqu’au Garçu. Le scribe à sornettes aimait le port de reine de Lucette. Je me décoiffe devant l’actrice de Pialat.

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