vendredi 25 mars 2016

Les hiéroglyphes des bêtes

Il est rare que les frères arabes se dérobent. Ils distribuent la mort, s'attribuent des noms à coucher dehors. Salah se réclament d'Allah. Mauvaise fille, l'Europe n'aime pas ce genre de rap. Pas son style.
A Mongenevro, il fait beau, je bois un bombardino. Une neige sans péché courtise la paix d'une gourmandise. Le cognac explose la gueule comme une grenade de Molenbeek.
L'acte écourte le tact. L'attentat abrège l'attente. Nimier expédie d'un trait l'envie d'été: "Les pédales sont des embauchoirs, le volant un cintre. il se dévêtit et courut se jeter à l'eau".
J'aime ce qui ne veut rien dire, intraduit du bulgare; j'aime la beauté d'illettré, la montagne frontale qui barre un ciel.
Céline est un prince celtique, Proust un calife oriental. Ils bataillent dans la lande et les sables, sous les masques d'Omar Sharif et Peter O'Toole. J'empoigne une perche. Le temps s'arrête entre les crêtes. Je remonte l'espace.
C'est le soleil qui donne à la neige son utilité domestique, son ironie féerique. J'ai horreur des points de suspension. Céline les a brevetés. Ils lui appartiennent. Le manque de finition est un mode de construction. Il fignole une maison avec plein d'ouvertures au sol.
Journée bleue panique. Follement Pierrot. L'instant s'appelle Ferdinand. Dans ma tête, Belmondo se badigeonne de dynamite. Les hiéroglyphes des bêtes trouent la neige muette.
Ils pénètrent dans un hall d'aéroport comme j'entre à Notre-Dame. Ils brandissent une kalachnikov. Je songe à Barychnikov. Verticalité de gouffre, sentiment aérien du ravin. Les frères ne font jamais machine arrière. Les circonstances entrent dans la danse.
L'Europe est mise en joue. Bruxelles est dans les choux. On ne se lasse pas de commémorer sur un trottoir. Les gerbes jolies rivalisent de fantaisie. Les belles âmes s'expriment sur le macadam. On dirait un concours de châteaux de sable, une compétition de bord de plage. Les quidams endeuillés manifestent des réflexes de club Mickey.
Che bella giornata ! Alessandra, la cuisinière sarde, nous photographie le nez dans les raviolis. Al anno prossimo ! 
Dostoïevski a recueilli jadis les confidences de fratrie. Dimitri le débauché interroge Aliocha, le cadet du noviciat: "Mais alors que deviendra l'homme, sans Dieu et sans immortalité ? Tout est permis, par conséquent, tout est licite ?" (Les Frères Karamazov, Folio, page 740, traduction de Henri Mongault).
Dostoïevski est obsolète aujourd'hui. Les frères de Molenbeek, qui trimbalent Dieu dans leur sac, ne s'interdisent rien, s'autorisent du néant.

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