Ils squattent notre
imaginaire. Leurs posters saturent l’atmosphère. On les voit, on les croit, ils
font la loi. En ce temps, de ce monde, ils sont grands. Mais à trop les voir,
comme des images de manuel d’histoire, on doute un soir des légitimités d’une
gloire. On s’interroge sur la sacralité des épatants visages. On se cogne à
tant de trognes sans vergogne.
Les belles figures
de nos visions se réfléchissent dans un miroir d’émotions. Ils mitraillent les
rétines de leurs ouailles. Les idoles à la Warhol sont nos maîtres d’école. Ils
enseignent la publicité à défaut d’amour de la cité.
Obama s’en va,
quitte le champ des caméras, comme Julien Clerc la scène de l’Olympia. Une nation
se gouverne à l’émotion. Le dernier sanglot de Barack se répercute bien au-delà
de Chicago. Il dégringolait les passerelles comme un golfeur svelte, inattentif
à la marche. Hollywood pleure son Tiger Woods. Là où Hollande, engoncé dans un corps, enjambe de travers,
manque de valdinguer dans les décors.
Question marche, on
dispose de Macron qui fend les buissons. Il est chaussé de godillots pour un
sacre de caudillo. Ses zélateurs poireautent dehors comme de bons électeurs.
Macron ressemble à Boris Vian. Il a le physique humanitaire d’immédiat
après-guerre. On ne sait si c’est la chance qui lui sourit ou s’il se réjouit
de sa bonne fortune. C’est un Boris Vian kouchnérisé,
débarrassée d’une inutile mélancolie slave. Son programme se nomme sans état
d’âme : « J’irais cracher sur
vos tombes ».
Trump est d’une autre
trempe. Il boxe dans la catégorie Eltsine. Il a rallié l’Histoire à la force du
poignet comme l’ivrogne Boris s’est dressé sur un char. Cheveux jaunes, cernes
verts et cravate coquelicot. Il joue de ses mains de marionnettiste : la
droite prédatrice, la gauche moins véloce. Il gourmande la terre entière, carré
dans une posture d’armoire normande. Ses foucades colériques évoquent des
secousses telluriques.
Chirac ressemblait
à Jack Nicholson. On exagère à peine quand on prend le chef du modem pour Richard
Gere. Le fantaisiste Bernard Haller était le sosie lunaire d’un Mitterrand,
bien planté dans la terre. De Gaulle était gothique. Fillon tient ses sourcils
de Pompidou. Darry Cowl, l’inénarrable bafouilleur, eut sa doublure psychorigide
en la personne de Jospin, le parpaillot. La durée des
mandats et la fin de leur cumul font de ces bateleurs d’estrade d’authentiques
intermittents du spectacle. Aron disait de Giscard qu’il ne savait pas que
l’Histoire était tragique. L’ignorance du sang disqualifie les gouvernants. La
compassion d’apparat est un costume pour l’action. Ces êtres de théâtre
endossent un masque d’histrion, s’interdisent de brandir un glaive de champion.
C’est pourquoi, au hasard d’un scrutin, le visage d’un autre s’imprime sans
crier gare, dans l’imaginaire d’isoloir.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire