Il pleut des
hallebardes à Palerme. J’aime quand le Pierrot de Godard change d’avis trop
tard, visage bleu, la main dans le noir qui rate la dynamite. Dans le hall de
la grande albergo, je tends au concierge l’ombrelo
qui s’appelle Pietro. Je veux revoir mon livre, le toucher comme on caresse
une morte, l’ouvrir comme on tranche une orange. Mon réseau social, c’est une
bibliothèque murale.
Le couloir est
encadré de portes boursouflées, contorsionnées comme des grimaces d’art
baroque. Je ressens une ferveur, un intérêt sérieux pour l’inutilité. L’absence
de soleil provoque une vacance de l’œil, une sorte d’insensibilité. Je laisse
mes doigts aller de soi, ébaucher des croquis qui sont des traces d’ennui.
A la pasticceria Spinnato, je bois un gin crodino
qui secoue l’encolure, qui cogne la nuque. La jouissance de l’instant est une
question d’instinct. Le maltempo est
un gros mot à Palermo. Dans la chambre cent quarante-sept, je me crois rue de
Logelbach, à cause des nuits trop noires et de la hauteur d’armoire.
Via Maqueda, à
gauche, se profile le campanile de La Martorana. Je ne rate pas le coche,
l’œuvre byzantine de Georges d’Antioche. L’engrenage des raisons est une
démangeaison du jeune âge. Le soleil se couche sur les collines de Palerme. On
s’attable en terrasse pour voir le temps qui passe. La commande de l’orata grigliata, la daurade grise, m’est
soufflée par les déchets d’assiette. L’idée, la vraie, n’est qu’un vide de la
pensée.
Fortifier, rendre fière la langue de ma mère, voilà de quoi faire sur terre. Dans l’avion, les yeux d’une Milanaise bougent quand la bouche à son aise regarde ailleurs. Je songe à de Gaulle. Pour toucher la réalité, il faut d’abord rêver. Impérieusement. Sans quoi, on passe un mandat à jouer aux petits soldats et à inaugurer des chrysanthèmes.
Fortifier, rendre fière la langue de ma mère, voilà de quoi faire sur terre. Dans l’avion, les yeux d’une Milanaise bougent quand la bouche à son aise regarde ailleurs. Je songe à de Gaulle. Pour toucher la réalité, il faut d’abord rêver. Impérieusement. Sans quoi, on passe un mandat à jouer aux petits soldats et à inaugurer des chrysanthèmes.
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