mercredi 19 avril 2017

Les minus du scrutin

Dans la cour de récréation de mon enfance, les caïds de préau faisaient régner la loi, exerçaient leur terreur sur les minus en culottes courtes. Les mêmes costauds s’appropriaient l’aire de jeu. Dans la course à l’Elysée, certains dossards sont tolérés comme des petits boursiers à la grande école. La démocratie s’applaudit, se regarde le nombril. La République s’extasie de ses valeurs méritocratiques. Les petits candidats sont costumés en habits d’apparat. Montrer le bout de son nez nécessite de s’endimancher. Seul le candidat du labeur revendique un maillot de corps.
Ils se tiennent à carreau, les porteurs d’eau. Ils savent que les médias sont les chiens de garde des caïds, qu’ils ne respectent que le campionissimo, pas le gregario. Les minus du scrutin sont soumis à la question gourdin des apprentis Bourdin. Ils sont raillés parce qu’érudits. Leurs sommaires interrogateurs se vengent ainsi d’être moins instruits. Ils brutalisent les jeunes élèves, les ringardisent avec gourmandise. Dans la catégorie des petits, ils ne préservent que la gauche extrême, les chantres de la vraie révolution. Moi je suis insensible au dogme ouvriériste, je suis allergique aux discours mécaniques des deux champions de l’expropriation capitaliste. J’ai la nostalgie de Krivine et Laguiller.
En revanche, j’écoute Asselineau qui n’est pas une tête de linotte. Il est gaullien par le maintien. Il fait doyen de n’importe quel machin. Il développe ses arguments sans tremblements. Il impose sa stature comme une seconde nature. Il moque la provincialité de l’Europe. Bref, il élargit la géographie, taille la politique dans l’universel, réhabilite une dimension mondiale. Pour paraphraser Morand, « il ne conçoit l’Hexagone qu’inscrit dans la sphère » (Venises, Gallimard, 1971). Des innombrables rejetons du Général, il n’est pas le moins légitime.
Cheminade tonne contre une financiarisation délétère qui asservit les peuples, appauvrit les économies, déboussole une société en perte de repères. Lassalle dit la même chose sur fond de ruralité morose. Les trois minus se plaisent au dissensus. Ils indisposent les répétiteurs, les perroquets de l’actualité, fâchés avec leurs fiches numérotées. Ils troublent la tranquillité des plateaux de plate démocratie. Ils attentent au formatage des opinions. Ils sont qualifiés d’excentriques. Les médias médisent à l’envi des petits candidats. Ils les apparentent à des compétiteurs de poche. Ils leur préfèrent les candidats de souche. Tout se passe comme si les idées étrangères avaient des figures patibulaires. C’est pourquoi elles font l’objet de suspectes risées médiatiques.

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