mardi 4 novembre 2008
Le baisemain de Jacques
Les images d'archives témoignent de la cérémonie des bonjours. Chirac excelle dans l'art du baisemain. Il a beaucoup d'entraînement. Il raffine l'exercice. Il se délecte à l'avance, au son d'une portière, au bruit de gravier, annonciateurs d'une proie, d'une chancelière en fonction ou d'une première dame de tel ou tel royaume. A l'affût sur la marche du perron, il savoure l'instant à venir. Chirac s'appproche avec facilité. Il sait où il va. Il n'improvise pas. Il s'acquitte à merveille de cette fausse prise de judo. Il exécute un geste suranné qui lui sied comme un gant. Pas de bras tordu. Ni grimace, ni gêne maladroite. Chirac accomplit en virtuose le rituel de l'accueil. Il crée d'entrée la sympathie. Il s'invente majordome d'une galanterie incongrue. Chirac hausse ses joues et sort ses dents. Il jubile. Sa longue silhouette un peu cabossée se prête toujours admirablement au jeu. Le grand fauve du palais a gardé sa posture d'hobereau de la République, sa souplesse de vieille noblesse mimée. Il lève la main de sa cavalière comme un verre à sa santé. A sa stupeur d'être là. En habit de président comme au premier jour de septennat. Chirac est ahurissant. Il possède le métier d'un Montand au music-hall. Il tient les doigts de sa visiteuse endimanchée jusqu'à ses lèvres présidentielles. Chirac cueille une marguerite, souffle sur les pétales d'une fleur des champs. Chirac signifie avec son corps d'escogriffe.Il joue de sa carcasse comme d'un instrument de musique. Assez sûr de lui, de ses effets, sans risquer le moindre couac avec ses vieux os. Ce geste intime de sa Chiraquie intérieure est une magistrale esquive. Il envoie promener l'ennuyeux protocole. Il chasse les mouches du cortège officiel. Chirac est alors à son meilleur. Au sommet. Touchant de simplicité. Beau dans son costume comme un vrai président.
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