mardi 23 août 2011

Une sorte de "triple A" citoyen

On ne saura finalement rien du huis clos du Sofitel de Manhattan. Le feuilleton Strauss-Kahn est déprogrammé de l'antenne. Reste qu'on s'est intéressé comme jamais au fonctionnement de la justice des hommes.
La femme de chambre a péché par manque de crédibilité. Pareille faiblesse motive l'abandon des poursuites.
A vrai dire, je suis étonné par les présupposées psychologiques du procureur sur la nature humaine. Tout se passe comme s'il cherchait à identifier les contours de la personnalité de la plaignante. Avec, par hypothèse, l'idée réductrice que l'individu ne jouit que d'une seule identité, reproductible à chaque moment de sa vie. La femme du huis clos de la suite 2806 doit être considérée comme un bloc granitique, invariable d'un bout à l'autre de son histoire personnelle. Faute de quoi, sa parole est fragilisée.
Or la vie nous enseigne que la nature humaine est autrement plus complexe. On mutile l'individu en se prévalant d'une hypothétique unicité ou permanence identitaire. Je suis plusieurs. Nous le sommes tous. Menteur un jour, loyal et franc un autre, violent en certaines circonstances, doux à l'extrême l'instant d'après. Le pluriel du mot "circonstances" travaille les identités multiples de la personne humaine. On ne parle d'homme que bariolé dans son identité d'Arlequin. A cet égard, il convient de relire l'oeuvre magistrale de Michel Serres.
Nafissatou Diallo ment à l'occasion, quand bon lui semble, à sa fantaisie. Dominique Strauss-Kahn sans doute aussi. Autrement dit, le mensonge est l'une des facettes de l'erreur dont la sagesse antique nous rappelle qu'elle est humaine, par excellence. Perseverare diabolicum. Justement, on ne ment pas toujours, on ne trompe ni ne se trompe constamment.
C'est pourquoi on doit s'interdire d'exclure tout discours de vérité de la plaignante au seul motif de dissimulations antérieures.
De surcroît, on peut s'interroger sur la légitimité du passé pour juger du présent. Le temps immédiat, dans son instantanéité, est coupé de toute mémoire. La vérité ne se réclame pas de la logique infantile d'un quelconque système à points. Elle ne cumule pas les bonnes notations de conduites antécédentes. La vérité ne peut être assimilée à une sorte de "triple A" citoyen.
Bref, l'exercice de la justice américaine, ainsi exhibé à la face du monde, révèle sa connaissance rudimentaire des ressorts humains. J'en ai froid dans le dos.

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