mardi 7 janvier 2014

La peur de l'eau

Chardonne compare la lecture de Proust à "une marche dans le sable". Il confie à Morand qu'il s'épuise dans ses phrases.
Je n'ai pas ce souvenir. J'ai gardé la sensation d'une mer d'huile, d'une insouciante baignade et d'une douce plénitude. Proust sait ce qu'il écrit. Il évoque son art comme un délicieux flottement de bord de mer.
"Que de fois j'ai vu, j'ai désiré imiter quand je serai libre de vivre à ma guise, un rameur, qui ayant lâché l'aviron, s'était couché à plat sur le dos, la tête en bas, au fond de la barque, et la laissant flotter à la dérive, ne pouvant voir que le ciel qui filait lentement au-dessus de lui, portait sur son visage l'avant-goût du bonheur et de la paix" (Du côté de chez Swann, Bibliothèque de la Pléiade, page 170).
Chardonne avait peur de l'eau. Il craint le grand écrivain. Il lui suffisait de se jeter dans la vague. Feuilleter La Recherche, c'est faire la planche. Proust se lit les yeux fermés.

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