samedi 4 janvier 2014

Le regard de Richard

Ils pilotent des sortes de fourgons funéraires. Leurs pare-chocs sont des mâchoires. Ils se fourvoient dans des ruelles sans ciel. Ils convoient leur marmaille calée sur un pavois. Ces moutards d'autocar héritent des jugulaires de l'antique génération i grec. L'estafette est enlisée dans un embouteillage de jour de fête.
Le kiosque de Richard ravive la mémoire. Il est habité. La nouvelle reine du lieu casse le temps silencieux du deuil. Je ressens mal l'aise de sa voix portugaise.
Une kyrielle de journaux mêle ses voyelles aux babioles frivoles, aux scalps industriels de Tour Eiffel.
Richard est mort. Richard n'est pas mort. La maladie l'a viré de sa baraque de rue. La mince patronne plastronne. Je ne saurai rien d'un faux sourire sans destin.
Les bagnoles sur échasses rutilent dans une nuit de crasse. Elles geignent dans un éclat de teigne. Je rassemble les échos, les remue dans ma tête, ces mots pressentis d'une kiosquière apprentie. "Au cerveau".
Je me débarrasse du regard de Richard. Il est tard. Du lit, je vois Venise. Quelle beauté, seigneur !

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