L’année d’Anaïs est un livre d’extases,
d’heures incantatoires, une sorte de calendrier bariolé de feuilles d’herbier,
le précieux conservatoire d’une mémoire, le bénédicité psalmodié d’une
sensibilité.
Au
fil des jours, Nicole Lombard cisèle une pensée, taille les mots comme des
copeaux, juxtapose les fragments épars, jette à poignée des miettes de beauté, les
lance comme des confetti.
La
ronde éblouie des saisons s’y égrène comme un chapelet d’oraison ; les
mots d’une lente, intense et majestueuse prière s’y récitent, parmi les duretés
et beautés tacites qui figurent « ces terres de rude approche ».
L’Aubrac, cher à Gracq, - « le plus anarchiste des écrivains du dernier
siècle » - plante le décor, dessine le paysage, règne sur les pages de
l’ouvrage.
A sa
tablée, l’auteur accueille les pèlerins du matin, ses amis de poésie, des
compagnons d’horizon, les incorporent au texte de la nature qu’elle compose
d’une manière douce mais d’une main sûre, d’une écriture fière et sincère.
Bosco, Giono, Pourrat, Colette. On
y croise Stendhal, Jünger, le Livre du Graal, Dante Alighieri, le Livre de
Tobie.
Les
hêtres de Saint-Urcize, sans « e » comme s’y trompait Louis Poirier, s’y
désignent des « fayards ». Le travail de l’auteur, comme les toiles
peintes d’un ami de Conques, « s’adresse au silence de chacun ». Il y
a de courts récits qui s’affranchissent du cadre fragmentaire, s’échappent du
format éclaté, s’autorisent l’ébauche d’une nouvelle. La virée à Lourmarin est
un petit chef d’œuvre littéraire dont m’émeut durablement le danseur solitaire,
d’avant l’orage, sous la tonnelle de la maison de Bosco. Dans un autre registre, je suis émerveillé
par l’évocation du « repas des vieux », de ce temps exhumé des
« dames pomponnées », des mots d’un autre âge, de la tournure
attendrie de Tallemant des Réaux : « Elle s’était faite toute
jolie ».
Une
prière, au-delà du rituel, demeure une sagesse, un savoir, une saveur. Roland
Barthes, au soir de sa vie, disserta sur le terme latin
« sapientia ». Si je me remémore la leçon du savant homme, c’est
qu’il y a tout cela, toutes les nuances du mot, dans le style de L’année d’Anaïs.
Chemin
faisant, Nicole Lombard nous confie des secrets, sans jamais s’appesantir pour
autant : « Qu’y a-t-il au monde de plus vrai que le
rêve ? ».
A travers champs, on apprend des mots, on tombe sur un os, comme ces « fougères qui se décrossent ». Je me délecte des bonheurs éparpillés dans le texte, comme je goûte la sonorité batailleuse des « chamaillis d’oiseaux ». Et à Nasbinals, rien n’est banal : un poivron s’y nomme « piment de l’espèce d’Espelette ». D’une aïeule de la famille, on s’avise que « le bleuet, la marguerite et le coquelicot sont les couleurs de la France. »
A travers champs, on apprend des mots, on tombe sur un os, comme ces « fougères qui se décrossent ». Je me délecte des bonheurs éparpillés dans le texte, comme je goûte la sonorité batailleuse des « chamaillis d’oiseaux ». Et à Nasbinals, rien n’est banal : un poivron s’y nomme « piment de l’espèce d’Espelette ». D’une aïeule de la famille, on s’avise que « le bleuet, la marguerite et le coquelicot sont les couleurs de la France. »
Bref,
L’année d’Anaïs, celle de la petite
jument alezane, est un livre rare qui regorge de richesses littéraires et de
belles manières artisanes. Il appartient au cercle des ouvrages, peut-être d’un
autre temps, mais dont on frôle le papier, superstitieux, comme on toucherait
un précieux talisman.
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