Je me souviens des années yéyé, d'un grand type émacié, à pardessus mastic qui actionnait un juke-box et s'écoutait chanter. Dans un bar tabac, dans un film de Godard. Quand Ferrat chantait, je pensais à la mer, au large, au ciel bleu, à la noblesse d'un idéal. Car Ferrat, c'est grand, affectueux comme des bras ouverts, comme les lèvres de Giacometti.
Ferrat témoigne par la consistance de son chant. Aragon, pas loin. Il prend la beauté par la taille. La rime de Ferrat nous émeut comme une ride au coin de l'oeil. C'est du chanté cousu. Une joliesse rugueuse du cri ouvragé, du poème ouvrier. Avec le ciel pour vaste confidence, Ferrat n'a pas bougé d'un iota. C'était un beau chanteur au timbre protecteur. Il avait cette vraie sympathie pour les mystères de la vie, une humanité rouge comme le sang. Rouge-gorge incendiaire, voix solaire des banlieues sans couleur.
Je me souviens du camarade de jeu, des joues en feu, du prince des prières simples. Ferrat, à la voix de majesté, à la voix écarquillée: "Camarade, entre cerise et grenade".
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