A l'heure des constats effarés sur la désertification industrielle, il convient d'évoquer le juste projet pompidolien d'une France riche de ses usines, fabriques et manufactures. On reprocha au président moderniste son goût de la bagnole et sans doute aujourd'hui le blâmerait-on pour son addiction au tabac. On oublie qu'il créa, le premier, un ministère consacré à la protection de la nature et de l'environnement, et qu'il le confia au talentueux Robert Poujade.
Le successeur du général de Gaulle rénova l'économie d'un Etat jacobin soumis aux pesanteurs d'une longue tradition rurale. "Ce normalien qui savait écrire" géra les affaires du pays en homme de la terre, soucieux de rassembler son camp plutôt que de débaucher tel ou tel opportuniste de l'autre rive. Cet intellectuel, féru d'ambitions industrielles, régna au zénith des "Trente Glorieuses", proposa à la nation une poignée d'années de prospérité, calée entre Mai 68 et la crise pétrolière.
D'un septennat abrégé, on retiendra l'humanité érudite d'un président citant Eluard et l'intelligence de l'avenir d'un chef d'Etat, curieux du présent et des nouveaux talents. Chirac, Séguin, Balladur, Jobert - excusez du peu - se sont cordialement détestés au voisinage de cet amateur de peinture, fin connaisseur des arts, collectionneur de Nicolas de Staël.
Julien Gracq - dont on célèbre cette année le centenaire de la naissance - ne consentit à accepter les invitations élyséennes qu'au seul Georges Pompidou, son camarade de la rue d'Ulm. Ainsi, François Mitterrand, président fort pressant, bouquin de l'écrivain à la main sur les photos de presse, fut gentiment éconduit.
A vrai dire, Georges Pompidou exerça un rôle d'anti-héros, pacifiant la France après les grandes heures gaulliennnes. Il rédigea dans sa jeunesse une anthologie de la poésie française. Avant de mourir, il écrivit un livre assez énigmatique "Le noeud gordien", destiné à alerter les esprits sur les dangers du fanatisme et les périls des extrémismes, notamment de droite.
Son courage exemplaire des derniers mois cadrait avec cette parole forte d'un homme simple, rude au mal: "Dans ma famille, on ne se couche que pour mourir".
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