lundi 7 mai 2012

La brièveté d'un sourire

J'achève une merveilleuse aventure de lecture. Je me suis égaré dans une oeuvre somptueuse, perdu de vue dans une lumière oblique, retrouvé dans ses lignes venimeuses.
Je suis orphelin d'une magie. Le temps s'est arrêté au terme du septième volume. C'est le privilège, le sortilège d'une plume. A mesure que la phrase de Proust s'établissait en moi, je cédais prise, j'abandonnais son indécise identité. Les heures se relayaient au chevet du bonheur. Proust borde les draps de son oeuvre blanche. La Recherche est une mer d'huile, hachurée de soleils, agrémentée de striures canailles. C'est le bienfait d'une sainte nature, l'évidence des fées dans la littérature.
Je referme le capot des mots. J'immobilise la machinerie des sensations. Je laisse aller la nostalgie d'avoir fini. J'ai le sentiment qu'il m'appartient de préserver l'éblouissement du temps présent, la succulence de l'expérience.
Il était une fois le serment de ne pas relire, de ne pas récrire sur la mémoire, de ne pas toucher à la brièveté d'un sourire.  

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