lundi 25 avril 2016

Une giclée de peinture


Les livres sont endimanchés, vêtus d’or, de poussière et d’imaginaire. Ils sont encagés comme des fauves abreuvés. Le public jette ses doigts dans les étagères, caresse le museau d’un volume, vérifie le pedigree, identifie le spécimen.
Le libraire n’a pas la jovialité de fouet d’un dompteur, mais l’air ennuyé du geôlier. La ménagerie du cirque est dispersée en stands stricts, numérotés pour satisfaire une soif de mystère. Les mots sont coffrés dans les pelages des rayonnages. On les éloigne des parures vives, des figures vulnérables. Les tableaux sont gardiennés à l’extérieur des mots. 
Je rôde dans les stands. Les tableaux sont frontaux, leur nudité revendiquée. A frôler les murs, je percute une giclée de peinture. L’éclaircie de bleu est encore fraîche, tricolore, pavoisée d’un juvénile folklore. C’est une légèreté qui n’est pas mozartienne mais printanière, qui n’est pas aérienne mais coutumière. Soutine, Chagall en transparence, Lanskoy installe une évidence. 
Je fais fi de la bibliophilie. Je quitte le palais dans un tumulte. Je dévisage une nuque. L’œil de Nabe bifurque. Je fignole un petit boniment de courtoisie. Le petit Zannini me fiche dans la paume les photographies de sa galerie.

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