vendredi 9 octobre 2009

Les remblais de sable

Chaque génération fait son temps. Les classes d'âge se succèdent dans la monotonie et le fracas de l'histoire. Une génération s'identifie par ses souvenirs de jeunesse. Elle se désigne par sa mémoire partagée. A l'heure fatale d'être doublée par la vague renaissante, elle s'agrippe à des remblais de sable. La génération 68 s'est habituée au confort intellectuel et à "l'extase matérielle" des années de prospérité. Elle ne lâche pas facilement le pouvoir convoité à l'âge d'homme, défendu mordicus en fin de course. Elle est encordée à la société de consommation. Elle convertit sa vieillesse en privilège. La génération qui suit n'a pas d'histoire. C'est notre Amérique, ardente et fervente.
La bleusaille est riche de sa virginité mémorielle et du jaillissement spirituel de ses neurones. Elle est intouchée par les préjugés du passé. Elle voit l'avenir comme une page blanche à noircir, un récit d'aventure à écrire. La jeune classe qui sonne aux portes ne demande qu'à exercer des talents qu'elle ignore. Bien sûr, elle se cogne la tête, elle se heurte au mur d'une culture obsolète. Nos galopins d'enfants vont leur chemin, forcent les verrous du vieux monde avaricieux. Bientôt, les vieux tromblons grisonnants seront rangés des voitures. On interrompra à temps les métiers bégayés des plus chevronnés.
Autrement dit, la guerre des générations n'a même pas lieu d'être. Les seniors, pâles seigneurs d'un domaine qui ne leur est plus réservé, sont à un moment donné complètement dépassés par les événements. Ils sont distancés dès les premiers lacets, quand la pente d'une nouvelle intelligence des choses se raidit inexorablement. La génération qui vient fait table rase de l'ancien sans même y songer. Jean-Christophe Averty, le malicieux réalisateur des mémorables "Raisins verts", aimait à observer: "Les enfants, ça pousse. Les enfants, ça pousse par derrière". En effet, l'actuelle génération arc-boutée au passé, bardée de vérités surannées et de théories chevrotantes, est destinée à tomber à l'eau. Depuis que le monde est monde, il appartient à la bleusaille d'en construire un meilleur, délivré du malheur.

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