mardi 8 juillet 2014

Un style de mourir

Faute d'été, je regarde du côté des beautés d'encrier. Flaubert jette sa lumière de chronique ordinaire. J'exhume de la poussière l'essai de Chessex. L'ogre vaudois célèbre en Cruchard le galérien du rien.
L'artiste "aux prurits d'épopée" s'interdit le récit de cape et d'épée. Salammbô n'est beau qu'à cause de mots d'une vacuité glacée.
Chessex axe son texte sur l'essentiel: l'aventure des voyelles. Il écoute en boucle la profession de foi du rabat-joie. La lettre à Louise éblouit le gros Suisse. Chessex se saisit du nihiliste d'une main subtile.
" Ce qui me semble beau, ce que je voudrais faire, c'est un livre sur rien, un livre sans attache extérieure, qui se tiendrait de lui-même par la force interne de son style, comme la terre qui n'aurait presque pas de sujet ou du moins où le sujet serait presque invisible, si cela se peut ". Flaubert a trente ans. Il lui en reste autant pour exécuter un rêve dément, devenir un monument.
Flaubert se soustrait du texte. Il se retire du livre. Il a des absences. Il se rature comme Dieu dans la nature. Il ôte à sa phrase l'ambition d'un but. Il s'interdit le coup de crayon d'une opinion. Les mots ne sonnent, ne pensent que du défaut de sens. Madame Bovary est un fragment de géographie, un bloc de risque, un phénomène atmosphérique.
Flaubert tord la littérature du côté d'une musique pure. Lui importent le genre de beauté, la parure d'écriture, une manière de danser, un style de mourir. L'athlète Flaubert tient l'haltère à bout de phrase.
Il fait une chanson du vide de signification. Il frotte les mots jusqu'à l'inexpression. Il veut l'exacte beauté, chaussée de vent d'Orient, sans autre matérialité qu'une sensation d'éternité.


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