dimanche 23 novembre 2014

Federer au cimetière

Le pontife du tennis s'agenouille sur la terre rouge comme un pape en prière. Le match s'achève par l'oraison de Federer à sa confédération. Entre un pays que j'aime et la beauté qui m'éblouit, je choisis la splendeur d'un revers, la joie d'un coup droit.
La beauté du jeu appartient à l'éternité du geste. La leçon des maîtres est apatride. Federer est un athlète solaire. L'homme de raquette impose une pureté de ligne, une rigueur de corps, une souveraine élégance de silhouette. Son tennis claque comme une fulgurante évidence.
Dans la matinée, j'arpentais les couloirs du pavillon Sully. La gardienne sommeillait dans une torpeur à peine méridienne. Je suis libre de mes yeux. Je suis planté devant la Jeune orpheline au cimetière. Je me décoiffe devant la toile.
Ce petit bout de croûte me maraboute. Je lis un ciel pommelé dans l'oeil désorbité, le fardeau de femme fardée dans l'orangé d'une lèvre. Delacroix peint la douleur de chair, l'absolu désarroi d'un ordinaire Guernica. Car Picasso vole à Delacroix ses pinceaux.
"Une minute, il pensa qu'il était profondément heureux, c'est-à-dire qu'il sentit qu'il allait cesser de l'être" (Julien Gracq, La Presqu'île, page 119, Librairie José Corti, 1970).

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