mercredi 26 novembre 2014

Transfiguration

C'est un vieil homme chenu, un conteur ingénu, un homme du cru à timbre ému. Le Gascon murmure à mon oreille un nom de difficile domicile. Il grommelle "gémelle". Michel zigzague du réel au virtuel.
L'auteur de Petite Poucette a cinq ans depuis belle lurette. L'an zéro de son calendrier commence à quatre fois vingt années.
Dans une bibliothèque de palais, Michel Serres embobine des écoliers de mon espèce, les embringue dans une histoire de l'oeil à la Bataille.
Il narre les avatars de Jupiter, la tromperie du dieu coureur de jupons, la traque jalouse de ses métamorphoses. Jupiter terrasse Junon. Les dieux délèguent leurs démêlés à leurs valets. La musique d'Hermès embue les yeux innombrables de Panoptès. La flûte de Pan est arme de crime de sang.
Yeux est un ouvrage de regards, légendé par un penseur des mille et une nuits, réfractaire au bleu totalitaire des ciels. La lumière vient du noir de Soulages.
Serres est fils de philosophie. L'amour de la sagesse est une paresse de professeur. Serres prêche la sagesse de l'amour. Panoptès, à la lettre, voit tout. Serres bouscule l'étymologie d'académie. Tout voit. La pierre, la mer, le hêtre, la bête ont des yeux. Les visions d'homme sont stockées dans d'autochtones musées. La galerie des regards d'aigle est à inventer.
L'Autoportrait au feutre gris. Van Gogh troue l'intériorité de mon regard. L'invu du peintre lance un sortilège comme l'inouï d'un solfège.
Le luxueux volume se clôt sur la Transfiguration du Christ, la toile céleste de Raphaël. Matthieu n'en croit pas ses yeux: "Son visage resplendit comme le soleil, ses vêtements deviennent blancs comme la lumière". La transfiguration est un concept d'esthète, une hypostase dernier cri, l'éblouissement en vraie grandeur d'une vie. Descola ne trouve pas d'autre mot pour désigner l'humaine transformation des paysages du monde.



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