mardi 21 février 2012

La cause du peuple

La campagne chemine entre "couches populaires" et "classes moyennes". C'est une sorte de bateau ivre aux escales improbables. Les capitaines de pédalo méprisent "le populo".
La politique aime l'abstraction, la nation vue d'avion. Ses chefs de gang se délectent des rituels de foule. Ils touchent le peuple comme le flanc du Christ. Ils frôlent des doigts, effleurent des joues. Exercice de "terrain". Exercice sacrosaint. Ils engrangent du divin. Ils font le plein de venin.
Meeting est la forme contractée de marketing. Il se résume à du sommaire et du .fr.
Les prétendants tendent leurs dents. Les fauves de chapiteau se nourrissent de leur propre écho. Ils ne voient, ni n'entendent le peuple. Leur cécité les éloigne des cités.
"Aller au peuple". Le peuple n'est pas une villégiature, une destination de plaisance comme les bains de mer ou les sports d'hiver. Ni une promenade du dimanche pour la cueillette des suffrages. Les politiques s'emmitouflent sous des laines d'abstraction. Ils craignent les rigueurs du concret, la détonation des passions. Leurs mots vagabondent dans l'imaginaire. Nul n'a jamais vu une "classe moyenne". En revanche, pour qui ouvre les yeux, la prestance des candidats manque d'une minimale élégance. A cet égard, Sarkozy ne peut se prévaloir que d'une "classe très moyenne".
Le peuple, vu de la Tour Eiffel, se découpe en rondelles. On saucissonne le grand corps de la nation. L'expression "couches populaires" règle toute réflexion identitaire. Le peuple, vu d'en haut, se manifeste comme des traînées de couleur ou de grossiers aplats de gouache. Graine d'émeute, il n'est pas à prendre avec des pincettes.
Le peuple est couché au pied de son maître. Il ne mordille ses talons qu'au jour de l'élection. Il n'aboie plus guère au son des lois des ministères. Cette figure patibulaire de nous-mêmes hérite de la seyante désignation de "couches populaires". Pluriel sans majesté.
L'expression s'est substituée à "masses populaires", trop marxienne pour les mises en scène. Alors, la cause du peuple est de crier dans un désert démocratique : "Comment tu me parles ?"

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