mercredi 22 février 2012

Le rassemblement

Ils n'ont qu'un mot à la bouche, qu'une idée fixe à ressasser. Ils n'en démordent pas, ils y croient mordicus. Rouge, blanc, bleu: le rassemblement. Les candidats nous embringuent dans le cortège. C'est comme ça qu'on agrège les suffrages.
C'est un idéal de moniteur dans la clameur d'un quai de gare. Il tape dans ses mains, actionne un sifflet, vocifère à la cantonade. Nous autres, on piétine sur le macadam, on vivote dans le ramdam. On erre dans la vacance. Le moniteur claironne sa pensée sommaire: "Le groupe, groupez-vous !". On tournoie sur soi. On colle à la consigne.
Le moniteur est candidat au brevet de président. Il lui plaît de nous rassembler. Il vise le succès. Il ne plaisante qu'à moitié. Il veille à ce que nul ne s'égare. On est à touche-touche. L'au-delà des rails s'appelle le ciel. On regarde l'infini. On est rassemblé: ça y est. Photo. Scrutin.
Le hic, c'est après: qu'est-ce qu'on fait ?. On est parqué, entassé, rassemblé. C'est joli d'ailleurs dans les meetings. On bavarde avec le premier venu. On rit sans l'aide d'une plaisanterie.
Se pose au rassemblement le même problème qu'aux réunions d'entreprise. On s'agrège autour d'une table. On se fédère avec de grands airs. On se toise derrière un verre d'eau. On attend Godot derrière sa Badoit. On se plie volontiers au désordre du jour. On s'incline devant Powerpoint, le fétiche des meilleures maisons.
Bref, on se réunit, on se concentre à plusieurs pour s'interdire de faire. Le désoeuvrement nécessite un régiment. Le rassemblement est une stratégie d'évitement du travail. C'est la voie de garage où se fourvoient les suffrages.

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