vendredi 5 décembre 2014

Bernard, chef de nef

De derrière, je vois ses cheveux lissés, argentés sur la nuque. Bernard rebondit de poitrine en poitrine, d'une joue mastic à l'autre, comme une balle de vertige.
Il pleure comme un veau d'abattoir, à visage découvert, tuméfié comme un lutteur déganté, tatoué de douleur. Hubert le boulanger a bravé les failles du rail, quitté sa masure de Chambois à l'heure noire du brouillard. La ronde des trognes s'ébroue lentement devant le catafalque.
Bernard, chef de nef, est secoué de sanglots par saccades. Bernard est mitraillé de l'intérieur. Sa tête pend sur son buste. Il est prostré sur un portrait. Pourquoi est-ce que vous êtes venus ?
Bernard tord sa mâchoire pour tenir le crachoir. Faut boire un coup. Les pèlerins du chagrin s'égrènent sur l'asphalte. On se serre au bistrot comme sur un banc de touche. Bernard officie au crématoire. Un homme procède à l'autodafé d'une femme. C'est le dernier match quand la chair devient cendre et la vie confettis.
Vous êtes toujours là ? Bernard commande à boire. On fait cercle à côté du serrurier, du bidasse et sa fiancée. Bernard le bistrotier n'est pas classé au patrimoine de l'humanité. Il est blanc comme un clown, d'une espèce menacée. Bernard remue notre peau, triture nos remords d'hommes falots. Bernard squatte un coin de square de nos misérables mémoires.

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