dimanche 21 décembre 2014

Une liasse de forints

Budapest la nuit brille dans l'écartèlement du fleuve. Du Danube, le peintre sort du tube un bleu de Prusse. Il braque la couleur brique.
Le palota Gresham mime les coulures molles catalanes, dégouline comme un suaire de Dali, un sanctuaire de Gaudi. On mâche un texte à vouloir marcher dans Budapest.
La librairie Latitudes a quitté le quartier juif, la rue Wesselényi, dérangé mes habitudes. A Buda, elle s'est agrégée à l'Institut Français, l'ignoble bidule des bords du Danube. J'inspecte ses rayonnages dépareillés.
La blonde Hongroise s'invite en ma solitude. Elle me désigne un gros bouquin noir, au papier bible des missels de jadis. Elle me convainc par la magie du mot "proustien". C'est Histoires Parallèles, l'oeuvre de vingt ans de Peter Nadas. Je tranche le volume comme une pomme. Manière d'en avoir le coeur net.
Je suis ébloui par la soudaine blancheur des deux pages. Mes yeux se règlent à la lumière du texte. Je talonne une poignée de mots, à première vue, comme une inconnue dans la rue. Je ressens la fraîcheur d'une chair.
J'interromps mon désir de plaisir. L'imagination m'ordonne d'en différer la satisfaction. Je claque le bottin, dégrafe ma liasse de forints.


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