mercredi 13 janvier 2010

Haïti, ici-bas

On regarde le ciel, on s'aveugle au soleil, insouciant des soubresauts du sol. Les yeux s'exilent vers les nuages dans l'oubli absolu des humeurs telluriques. On s'interroge sur l'hésitation du climat. On néglige le tremblement des entrailles de la terre.
La dévastation d'Haïti nous déscille le regard, nous arrache du monde virtuel, des images lisses de nos travaux de bureau, nous réveille de l'endormissement numérique. Haïti nous distrait d'Hadopi. Face au séisme, l'humanité est nue, réduite à sa plus simple expression, à sa radicale humilité, à sa réalité d'humus. La pauvre petite île francophone compte ses morts à l'heure où les riches alentour discourent et commémorent.
Nos rêveries se sont égarées. On ne songe pas assez que nos pieds sont plantés dans la terre. A lever trop haut les yeux, les hommes ignorent la vie lente et fracassante des bas-fonds. Nous étions dans la lune. Sous l'assaut, il faut revenir aux fondamentaux: baisser la tête, sentir la terre sous la corne des pieds, saisir à temps ses remuements de bête.
Fraternité est un mot jeté à la criée les jours de fête. Haïti n'a nul besoin des brioches d'une reine. En bas, dans cette zone caraïbe, à mille lieues de Copenhague, nos frères égratignés touchent le dernier seuil de la misère, le dernier cercle de l'enfer. Haïti, ici-bas, hurle son désarroi, interpelle le scandale du mal.

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