On regarde pour connaître l'étendue du désastre. Mais on n'apprend rien d'une image. La douleur s'éprouve dans la chair. Nous suivons sans broncher le feuilleton du tremblement de terre caraïbe. La conscience du téléspectateur se justifie d'un improbable droit de savoir. On voit des silhouettes fantomatiques, des survivants hagards qui errent parmi les éboulements.
Le malheur d'Haïti fait le bonheur de rétine des nantis. On consomme, par gros plans interposés, toute la détresse des hommes. Pour mieux fidéliser leur clientèle, les télévisions racontent des histoires édifiantes, braquent leurs caméras sur les prouesses des sauveteurs, aux premières loges dans les décombres. Les images embrouillent la tête.
On sent bien que la catastrophe n'a pas changé la nature des hommes. Le droit du plus fort s'exerce sans vergogne. La démonstration de puissance de l'aide internationale s'apparente à une parade de propagande politique. Obama multiplie les postures de dignité. La course à la solidarité s'enlise dans une compétition de la compassion. Certes, on pare au plus pressé. La douleur caraïbe génère une pitié d'audimat, moins d'efficacité malgré la hâte. Un certain caporalisme nuit à la gestion humanitaire du séisme.
Nos yeux désoeuvrés s'arrêtent sur des amas de cadavres. Les chiffres de chair morte s'évaluent au bas des images. Ce 11 septembre tellurique a frappé un 12 janvier. Il interroge la frivolité ordinaire des regards d'intérieur, face à des téléviseurs, qui précisément font écran au malheur réel, sur le mode théâtral d'une horreur de divertissement.
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