vendredi 20 mai 2011

"Au-delà des bornes"

La mondialisation a gommé les frontières. Les technologies de l'information s'en moquent comme d'une guigne. Exit la nostalgie des nations. On tire un trait sur les lignes de partage. On biffe les arabesques de la géographie. Aujourd'hui, le monde se pense en bloc sans jardiniers géomètres.
Joliment baptisée "troussage de domestique" par un ami de la famille, l'exaction supposée de M. Strauss-Kahn soulève la question des limites. Georges Pompidou aimait à citer le sapeur Camember: "Au-delà des bornes, il n'y a plus de limites". Si l'acte méprisable du notable du Sofitel est prouvé par l'enquête, alors on ne pourra pas ne pas l'identifier au vieux droit de cuissage d'un temps féodal.
Se pose alors la question de la délimitation entre cadre public et sphère privée qui concerne aussi bien le prince des médias que le gueux des trottoirs. La grande transparence Internet a brisé pareil marquage des territoires. Le succès des réseaux sociaux s'enracine dans l'aveu public de l'intimité. Ce brouillage des dichotomies ne touche pas seulement le couple privé/public. Il renvoie aussi à l'ancien partage nature/culture. Dans son ouvrage "Par-delà nature et culture" (Gallimard, 2005), Philippe Descola n'attribue ce découpage artificiel qu'à notre seule vision du monde occidentale, minoritaire parmi plusieurs autres toutes aussi légitimes.
De même, la paléoanthropologie nous enseigne que la distinction entre l'homme et l'animal ne va pas de soi. Enfin, la césure sexuelle en deux genres masculin/féminin est aujourd'hui interrogée. Autrement dit, nous vivons la fin du confort intellectuel des dichotomies.
C'est pourquoi "le coup de tonnerre" (qualification "solférinienne") de l'hôtel de Times Square, s'il ravive l'imaginaire simpliste de la dualité puissant/faible, riche/pauvre, blanc/noir, nous offre aussi l'occasion de réfléchir à la dissolution générale des frontières. Trancher dans le divers - pour mieux y voir - est un acte de boucher. Pas un geste de connaissance. Jamais une philosophie des "espaces flous" (concept mathématique) n'a été aussi nécessaire pour comprendre le monde.

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