mardi 21 juin 2011

Un état d'âme

Hadopi fait de la publicité dans la cité, de la réclame avec ramdam. Elle révèle son ignorance crasse des ressorts de la création.
Qu'est ce qu'une oeuvre ? Qu'est ce qu'un auteur ? Le boulanger n'est pas l'auteur de son pain qui n'est pas une oeuvre. Un auteur, c'est quelqu'un qui parle en son nom propre.
La copie des oeuvres s'inscrit dans un schéma de consommation qui élude la question de la création. On consomme le corps de l'oeuvre sans jamais en pénétrer le secret, accéder à son âme.
Or il est de bonne théologie que de considérer l'âme incessible: elle ne se vend pas pour une bouchée de pain ou un droit d'auteur. L'âme est fugace, légère, fragile. L'oeuvre tient son magnétisme de sa précarité originelle. Sa discrétion et sa quasi-absence sont de fondation.
L'oeuvre - et je risque là une définition, la mienne -, c'est justement ce qui aurait très bien pu ne pas être. L'oeuvre se situe au plus près du non-créé, à proximité du non-né. Elle coudoie le néant. Elle voisine avec le vertige. Ce miracle de l'oeuvre exerce une fascination, celle du vivant aléatoire, d'une vie infime qui persiste malgré tout, qui résiste à la disparition, qui s'arrache de la page blanche sans crier gare. Elle s'impose à l'auteur. D'autorité, si j'ose dire.
Il eût suffi d'un rien, d'un caprice de l'âme ou d'une circonstance du corps, pour que l'oeuvre n'advienne point. L'oeuvre s'affranchit de l'économie. Elle séjourne dans les limbes, elle s'évanouit comme un fantôme, elle se donne comme une grâce.

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